Chapitre VIII: Paris

30 4 3
                                    

                       Le lendemain, Eugène fit charger ses valises dans la berline des Bonchamps. Maud évitait de le regarder dans les yeux. Elle n'aurait pas fait un pas pour l'aider mais n'entravait pas non plus son départ. Elle s'était résignée. Marie disait au revoir à ses enfants. Tout se passa très vite, Eugène voulait écourter ces adieux. Tous les domestiques vinrent le saluer ainsi que quelques paysans. A les voir ainsi attristés, on aurait cru que la France avait déclaré la Guerre à quelques nations étrangères et que Monsieur le Baron partait combattre les ennemis du royaume. Nous n'étions pas loin de la vérité, sauf que les ennemis en question étaient français...

-  Ma chère Maud, je vous promets de protéger votre Eugène du mieux que je pourrais, fit Charles en l'embrassant.

-  Comme d'habitude mon ami, je vous fait confiance...

Elle se rapprocha de lui avec un accent douloureux, elle reprit:

- Je vous en prie, ramenez le moi.

- Ne vous inquiétez pas, il est entre de bonnes mains, nous veillerons sur lui minutieusement, ma mie et moi.

           Le marquis se retira pour laisser place à Eugène. Voyant le tricorne de travers, Maud ne pût s'empêcher de pincer ses lèvres de désapprobation et de le coiffer correctement, elle remit aussi son col droit. Que son mari pouvait être négligent de sa personne parfois! Il sourit devant ses petites manies et soupira :

-  Que ferais-je sans vous ma fée... C'est l'heure de nos adieux.

La Baronne acquiesça de mauvaise grâce et quémanda:

- Écrivez-moi dès que vous le pouvez... Vous avez dit au revoir à Aurore?

       Eugène hocha la tête et lui promit de lui écrire tous les jours, l'embrassa puis se tourna vers son fils.

-  Je vous charge Monsieur, de la sauvegarde du château, de votre mère et des enfants de votre parrain. C'est une lourde charge, puis-je vous faire confiance ?

-  Bien sûr père ! Mais... Avec quoi les défendrais-je ?

-  Remarque judicieuse.

     Le baron réfléchit et lui tendit son couteau avec lequel il avait égorgé le sanglier la veille. C'était un couteau à la lame longue et large, légèrement courbée, forgée par Margoton lui-même. Très bien aiguisé, les armoiries des Guérinière y avait été ciselées avec une finesse remarquable. Le manche était agréable au toucher, il y avait une bonne prise en main. Il était en bois d'olivier. L'arme était légère et très maniable. En recevant ce cadeau, les yeux de Grégoire s'écarquillèrent et sa bouche s'ouvrit.

-  Oh merci père ! Merci !

            C'était l'heure, les chevaux s'impatientèrent. Le Baron monta aux côtés des Bonchamps. Maud se mit à agiter son mouchoir, la gorge serrée. Grégoire resta un peu avec Zoé qui sanglotait, puis subitement courut derrière la berline. Il ne savait pas ce qui l'avait poussé, ses jambes étaient parties toutes seules. Il voulait encore voir le visage de son père.

-  Soyez fort mon fils ! Cria Eugène, ne faites pas pleurer votre mère. En mon absence c'est vous le baron ! Je vous aime Grégoire !

      Ce dernier ralentit à l'approche du portail qui marquait la fin de son territoire. Essoufflé, il attendit de ne plus voir le tricorne que son père agitait par la fenêtre, pour s'en retourner chez lui. Il ne fallait pas pleurer. Il écrasa ses poings sur ses yeux dans ce but. C'était lui le Baron. Fort de cette conviction, il arriva près de sa mère, le visage impassible et un sourire confiant aux lèvres.

La Louve de la Grande ArméeTahanan ng mga kuwento. Tumuklas ngayon