10. Le passager clandestin

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Être imprévisible.

Lorsque vos adversaires sont des hommes comme vous, cette qualité n'a pas la même signification que lorsqu'il s'agit de dieux, capables de lire vos pensées les plus claires, de parcourir vos souvenirs et de d'aller pêcher dans vos rêves comme un bolincheur sur l'océan atlantique.

Alors, il est primordial d'être imprévisible !

C'est pourquoi j'entre en scène.

Adrian von Zögarn, Histoire de mes voyages


D'une simple pression de la paume sur le lecteur, une plaque de métal d'un gris mat, la porte automatique reconnut Ek'tan et l'autorisa à entrer. Aussitôt le sas refermé derrière elle, elle laissa son regard errer en direction du ciel étoilé qui, comme dans les temples de Nout dans l'ancienne Égypte, recouvrait le plafond. Cette vision de l'extérieur lui parut oppressante ; Ek'tan bascula le commutateur de l'écran, qui revint à sa lueur blanchâtre ordinaire.

Son bureau comportait un ensemble de trois moniteurs informatiques encastrés dans le sol, auxquels faisait face un fauteuil confortable. Un module de sommeil était incrusté dans le mur.

Un homme, installé dans le fauteuil, jouait un concerto sur l'écran tactile d'un moniteur. Ayant remarqué son entrée, il leva la tête vers elle.

« Oups. »

Il tapa une dernière commande d'une main distraite.

« Amirale Ek'tan, c'est cela ? »

Elle dégaina le pistolet à impulsion à sa ceinture et le régla sur une puissance minimale, afin de ne faire l'effet que d'un coup de poing à distance.

« Stop ! Ne touchez pas à ce machin, c'est dangereux. Par ailleurs, je me rends.

— Qui êtes-vous ? »

C'était un homme d'âge mûr, vêtu d'un costume trois-pièces en laine de bébé alpaga, acheté au bazar d'Instanboum, comme il l'expliquerait plus tard, sans qu'Ek'tan ne sût jamais où se trouvait Instanboum. L'usure avait blanchi le tissu au niveau des coudes et des genoux, tout comme le bout de ses favoris fournis.

« Hum, si je vous le dis, pourriez-vous ne pas me vaporiser tout de suite ? »

Il parlait le latin de Rems avec un accent suranné.

« Je suis Adrian von Zögarn, alchimiste de renom, artiste discutable, philosophe confirmé, scientifique reconnu, grand amateur de bière, de fromage, et de Socrate.

— Phonzeugar ? L'ingénieur ?

— Ah, c'est vrai, je suis aussi ingénieur. »

Oubliant le pistolet pointé vers lui, il se mit aussitôt à arpenter le bureau tout en parlant. Tel un génie sorti de sa lampe, ou en l'occurrence d'une vieille carte postale, il ne pouvait pas tenir en place.

« Vous êtes l'inventeur du réacteur non-standard ?

— Hum, oui, c'est vrai. Je suis aussi l'inventeur du récure-peigne, qui permet de nettoyer les dents des peignes, ainsi que de la chasse au kangourou à l'arbalète, bien qu'aucune de ces deux inventions n'ait connu un franc succès.

— Que faites-vous ici ?

— J'ai appris que vous prépariez cette mission et j'ai su que je vous serais utile. Jugez plutôt : je peux être votre assistant, conseiller technique, biographe, j'écris aussi des poèmes et je cuisine assez bien.

Nolim II : Le dévoreur d'étoilesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant