Chapitre 52

2.8K 241 4
                                    

Alexander

« Gave love 'bout a hundred tries
Just running from the demons in your mind
Then I took yours and made 'em mine »
Halsey - Without Me

L'agréable tintement de Girls Of Summer fait écho dans mon esprit tandis que la porte de ma chambre s'ouvre dans un affreux grincement. Allongé sur mon lit, une bouteille de Jack à la main, j'ai tout le mal du monde à me redresser pour voir de qui il s'agit. Mes volets fermés, plongeant la pièce dans une accommodante pénombre, me forcent à plisser les yeux au possible pour parvenir à deviner la personne postée dans l'entrebâillement de la porte. Une longue silhouette plutôt sportive se glisse à l'intérieur de ma piaule avant de presser le doigt sur l'interrupteur. Je laisse échapper un beuglement grave, pris de court par la soudaine luminosité bien trop forte provenant du plafonnier. Je me frotte les yeux en balançant négligemment la bouteille de whisky vide dans un coin de la pièce.

– Cette piaule empeste l'alcool.

J'entends la voix de Félix résonner dans la pièce alors que mes yeux demeurent clos dans l'attente que cette affreuse sensation d'éblouissement s'estompe. Et lorsque sa voix s'élève dans la pièce, le doux soufflement de ma mère reprenant à la perfection Girls Of Summer, audible dans mon foutu esprit étriqué, cesse soudainement. Ma gorge se noue alors qu'une désagréable sensation d'arrachement me parcourt, parvenant à me couper le souffle l'espace d'une courte seconde. Je suffoque, la main pressée contre mon cœur, me contentant d'observer la fureur se dessiner sur le visage de mon frangin à la seconde où je parviens à recouvrer une vue plus ou moins nette.
Je demeure muet, l'observant se saisir de la bouteille vide avec dégoût pour venir la jeter dans ma poubelle. Je parie qu'il est là pour me faire la morale quant à mon comportement de parfait salaud face à Elizabeth, plus tôt dans la journée. Mais non, il se plonge à son tour dans un perturbant mutisme, ouvrant distraitement les fenêtres de la pièce pour venir inspirer une bonne dose d'air frais. Le vent souffletant dans mon dos me glace de l'intérieur. A vrai dire, je ne parviens pas à savoir si cela provient du vent ou bien de la mine dénuée du moindre sentiment de mon frangin désormais planté face à moi. Il va se décider à ouvrir la bouche ? Pas vrai ? Parce qu'en réalité, son pesant mutisme m'angoisse bien plus que s'il était entré dans cette chambre en me beuglant dessus comme à son habitude.
Les minutes passent, et le silence de Félix en dit long quant à son état intérieur. Dans ses yeux, je vois naître un bouillonnement de colère, une effusion de déception.

– Qu'est-ce que tu me veux, Félix ?

Il rit, un rire empli de reproches et de dégoût. La princesse des glaces est donc bel et bien allée se plaindre au pseudo Jiminy Criquet me servant de frère.

– Qu'est-ce qui te prend, Alexander ? Pourquoi...

– ... Pourquoi est-ce que je m'en suis pris à Elizabeth ? Pourquoi est-ce que j'ai agi comme un parfait salaud avec l'une des seules personnes capable d'avoir ne serait-ce qu'un soupçon de sympathie envers moi après tout ce que je lui ai déjà infligée ? C'est ta question ? je beugle en bondissant de mon lit, manquant de me ramasser.

L'alcool se consumant en moi depuis que j'ai ouvert cette bouteille, quelques heures plus tôt, a finalement raison de mon équilibre. Et je me laisse retomber lourdement sur le lit en hurlant de rage.
Pathétique. Je suis pathétique.

– En fait, non, je me demandais simplement ce qui te poussait à te comporter comme notre père à l'époque. C'est ce que tu veux devenir ? C'est ce à quoi tu veux ressembler ? C'est ce que tu veux faire subir à Elizabeth ?

HornsWhere stories live. Discover now