Renaissance

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Les minutes s'écoulent et seul le bruit du moteur berce l'habitacle. Castiel, front contre la vitre, n'a plus décroché un mot depuis qu'ils ont quitté Portland.

La circulation sur la I-90 qui mène droit vers Sioux Falls est fluide.Dean a prévu une pause déjeuner dans les environs de Spokane, dans l'état de Washington. Ils poursuivront ensuite jusqu'à Bozeman, Montana, où ils passeront la nuit.

Il espère arriver à Sioux Falls le vendredi dans la matinée.

Castiel ne prêtant qu'une oreille distraite à ce qu'il lui dit, Dean a fini par laisser tomber.

En désespoir de cause, il a allumé la radio, tombant sur une chaîne locale qui passe de la country. Bien que ce ne soit pas trop sa tasse de thé, ces balades en fond sonore semblent plus appropriées à l'ambiance de ce voyage que les riffs de guitare rock que Dean apprécie en temps normal.

Castiel somnole et Dean profite de la ligne droite et du peu de voitures sur la route pour détourner le regard vers lui.

Malgré les joues rongées par une barbe fournie et les cheveux qui masquent ses oreilles et lui tombent sur le front, Dean n'a pas de mal à retrouver les traits de ce visage qu'il n'a jamais réussi à oublier. Il resserre ses doigts sur le volant et laisse ses yeux glisser sur les bras croisés, retenant les pans ouverts de cette veste que Castiel a refusé de quitter.

Il poursuit sa lente descente et hésite un court moment avant de continuer sur ses cuisses et les pans de son baggy qui pendent dans le vide.

Il pourrait presque les imaginer encore là et s'en mord la lèvre d'en avoir envie. Quand il relève la tête, il tombe nez à nez avec les deux orbes bleus. Ce qu'il y voit est indéfinissable.

"Désolé ", bafouille-t-il en reportant son attention sur la route.

"Parfois, je les crois encore là... Je me lève et je tombe ",en posant ses mains sur ses genoux. " Mais le pire, c'est la douleur... ", en calant sa nuque sur le repose-tête.

"La douleur ? ", espérant prolonger ce premier échange en près de cinq heures.

"Je la ressens comme si c'était hier ", en se massant mécaniquement les cuisses. " Elle ne me quitte jamais. "

Dean aimerait dire qu'il est désolé, qu'il comprend, mais il ne le peut pas, alors il garde le silence et se contente de lui offrir un demi-sourire qu'il espère compatissant et non de pitié. La marge est si étroite entre les deux.

Castiel croise les bras et les serre contre sa poitrine.

"Tu as froid ? Tu veux que j'allume le chauffage ?", s'inquiète-t-il.

"J'ai toujours froid ", en laissant retomber son front contre la vitre. " Il fait si froid la nuit là-bas et tellement chaud le jour ", perdu dans ses pensées.

Et Dean se tait, encore, parce qu'il n'y a rien à dire.


Moins d'une demi-heure plus tard, les yeux épuisés par la route, Dean gare l'Impala dans une station routière à l'entrée de Spokeman.

Castiel se redresse sur son siège, sortant de sa torpeur, la peur au ventre.

"Il y a du soleil et 18 degrés ", en lui indiquant son tableau de bord. " On peut manger dehors ", en pointant un point pique-nique à la droite du parking, où seul un couple est attablé.

Il sent Castiel se relaxer, ouvre la portière et fait le tour de la voiture pour en sortir le fauteuil.

Rufus lui a montré comment le plier et le déplier, si bien qu'il lui faut moins d'une minute pour le placer à deux pas de la portière-passager.

Le chasseur et le soldat : Les invisiblesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant