Visyak

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Sam n'a rien dit. Il s'est écarté, a croisé cette forêt trop dense emportée par le tumulte et lui a souri. 

Dean le lui a rendu.

L'odeur de la maison, de la peinture fraîche encore présente malgré les semaines écoulées, celle de la pizza et du café mêlés. Peu à peu, Dean retrouve ses marques et une forme de paix entre ces murs familiers. Ce chez lui qu'il a mis tant d'années à faire sien.

Son sac est toujours dans le coffre de la voiture et y restera jusqu'au lendemain. Il n'a pas envie de sortir le chercher. Il craint cette nuit et celles à venir.

Il ôte sa veste, la balance sur le dossier d'une chaise de la cuisine et ouvre le frigo. La lumière de celui-ci éclaire la pièce encore plongée dans la pénombre. Sam s'appuie épaule contre le chambranle et observe son frère.

Des bruits de bouteilles qui s'entrechoquent et Dean se retourne, deux bières dans les mains, refermant le frigo d'un coup de talon.

"Ça te dit ? ", en les levant légèrement.

"Ça me dit ", en s'avançant.

"Pepperoni ? ", demande-t-il en soulevant le couvercle d'une des boîtes de pizza.

"Et Margherita ", rajoute Sam.

"Génial », sourire de gosse s'affichant sur son visage creusé par la fatigue. " Viens ", en saisissant l'une des boîtes. " On sera mieux dans le salon. »

Sam prend la seconde et le suit.

Le salon s'éclaire et Dean inspire profondément.

"Putain, que ça fait du bien de rentrer chez soi.", en tendant une bière à son cadet.

Des images de sans-abris surgissent comme de vieux fantômes collés à ses baskets.


Ils s'affalent tous les deux dans le canapé. Avec un plaisir presque enfantin, Dean se débarrasse de ses bottillons et cale ses pieds sur la table basse en soupirant d'aise.

"Santé », bière vers Sam

"Santé ", en trinquant.

Pizzas sur les cuisses, l'un et l'autre piochent dans celle du voisin.Ils se battent avec les fils de fromage et rient pour éviter de parler de ce qui donne envie de pleurer.

"Comment va Jess ? ", relance Dean entre deux bouchées.

"Elle va bien, comme tout le reste de l'équipe... J'ai d'ailleurs un message à te faire passer de la part de Charlie...", en calant à son tour ses pieds déchaussés sur la table basse sous le regard satisfait de son aîné. " On est tous attendus demain soir à l'agence... Elle a passé commande chez "le chinois qui déchire ", encadré de guillemets fictifs.

"Je vais encore devoir me farcir ces stupides biscuits à la con ", ronchonne Dean en mordant dans sa part de pizza. " Je l'attends encore moi, hein ! Mon fabuleux tour du monde ", bouche pleine.

"Tu as peur de l'avion, je te signale ", en se léchant les doigts.

"Je n'ai pas peur de l'avion ", se défend-il. " Je n'ai pas confiance en ces boîtes volantes, c'est pas pareil ", avec une mauvaise foi consternante.

"Sûr ", déposant la boîte à moitié vide sur la table. "Je vais me chercher une bière. "

"Deux... et ramène les essuie-tout tant que tu y es ", en haussant la voix.

Quand Sam revient, rouleau de papier dans une main et bières dans l'autre, il retrouve un Dean au visage fermé, fixant sa part de pizza, l'esprit ailleurs. Son sourire a disparu ainsi que toute trace d'insouciance.

Le chasseur et le soldat : Les invisiblesWhere stories live. Discover now