23 : dans mon cœur

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[28 octobre]

Nous étions légèrement en retard pour le train, mais nous avons réussi à ne pas le rater. Une fois en ville, un minuscule restaurant discret qui respirait la verdure nous faisait envie. C'est là que nous avons déjeuné et je tenais vraiment à l'inviter pour ça. Puis, nous avons pris notre temps pour nous rendre au musée. Il s'agissait en ce moment d'une exposition sur le peintre Vermeer qui avait une place particulière dans mon cœur. Enfant, j'appréciais particulièrement visiter ce musée avec mon grand frère, et je lui faisais subir ce calvaire chaque année pour mon anniversaire. En grandissant, j'ai appris à y aller seule à l'époque du collège et cela l'arrangerait. Cette année, finalement, j'y retournais presque pour le même événement, mais le fait de ne plus être seule me faisait bizarre.

J'étais déjà immergée jusqu'au cou dans les peintures qui m'entouraient, très tôt dans l'après-midi. Liam ne cessait de faire des remarques idiotes sur chacune des œuvres qu'il croisait, mais il parvenait tout de même à me faire rire. Il s'amusait également à me taquiner sur la moindre de mes paroles ou presque, remarques auxquelles je répondais de la même manière. J'appréciais ce jeu auquel nous jouions et j'aurais préféré qu'il dure un peu plus longtemps qu'une après-midi.

Cependant, une chose m'agaçait particulièrement : Liam a dû passer une bonne moitié de la journée à répondre à des messages qui le faisaient sourire discrètement. Il se cachait toujours un peu pour y répondre, ce qui a fini par me faire penser qu'il s'agissait d'autres filles qu'il draguait. Je ne lui en voulais pas par jalousie, mais surtout car j'avais l'impression de parler aux visages peints sur les toiles plus qu'à lui. J'avoue que tout ceci me décevait un peu et m'embrouillait l'esprit. Je ne comprenais plus vraiment ce qu'il essayait de me faire comprendre sur ses sentiments envers moi. Et j'admets m'en être voulue pour cette prétention de ma part, pour avoir imaginé qu'il m'appréciait plus que cela.

Quelques heures passèrent entre rires et incompréhension. Et vers dix-sept heures, nous avions déjà fait le tour du musée. Nous en sommes donc sortis sans trop savoir quoi faire.

_ J'ai faim, ai-je annoncé en toute spontanéité.
_ Je crois que j'avais vu un vendeur de crêpes et gaufres à l'entrée du musée. Tu veux qu'on aille y faire un tour ?
_ Pourquoi pas, oui. On peut aller se poser dans le parc après, si ça te dit. Il fait encore bon et il y a un peu de soleil.
_ Ça me va, on fait ça.

Finalement, par gourmandise, nous avons pris chacun un chocolat chaud pour nous réchauffer les doigts, et une gaufre liégeoise. Nous nous sommes installés sur un banc froid dans le parc qui manquait d'un peu de feuilles. Le téléphone de Liam vibrait sans cesse, mais il faisait de plus en plus en sorte que je ne puisse voir leur conversation.

_ C'était cool cette journée, quand même, ai-je tenté, la bouche pleine.
C'est vrai oui, mais c'est pas fini ! répondit-il, les yeux rivés sur son écran.
_ Oui, il est un peu tôt. Mais je me demande bien ce qu'on va faire, maintenant.
_ On peut rester un peu ici, pourquoi pas. Sauf si tu as froid.
_ Ça va, pour l'instant.

En vérité, mes jambes étaient gelées dans mon jean. Je regrettais d'être partie sans mon manteau ou au moins une écharpe, finalement. Lui aussi semblait avoir un peu froid. Son gobelet fumant en carton était maintenu fermement entre ses grandes mains pâles, et il ne semblait plus vouloir le lâcher. Son téléphone vibra une énième fois dans la poche de sa veste, ce qui fit résonner le banc de bois. Cette fois-ci, en ouvrant son message, ses joues virèrent au rose et il ne put plus cacher son sourire. Dans un élan d'agacement et en tant que vengeance, je me suis presque jetée sur son précieux pour lui tirer des mains, afin de vérifier s'il se fichait bien de moi. Je me suis levée du banc pour m'éloigner de lui, pendant qu'il tentait de récupérer son portable. 

_ C'est quiiiiiiii ?
_ Non, s'il-te-plaît, ne regarde pas ! Angeline ...
_ J'en ai assez de ton téléphone, tu as passé l'après-midi dessus ! J'espère que t'a une bonne raison. Oh, attends ...

Mon prénom au beau milieu d'un message attira mon attention et ma curiosité me força à tout lire. Liam ne draguait pas une autre fille, mais discutait avec un de ses amis, me semblait-il, à propos de moi. J'ai appris pendant ces quelques secondes de débattement avec lui qu'il me trouvait vraiment jolie. Le destinataire lui conseillait de tenter d'avoir des contacts physiques avec moi, et Liam répondait qu'il aimerait beaucoup mais qu'il n'osait pas. Cette conversation m'avait rendue toute chose et je regrettais alors d'avoir eu cet élan de colère.

Liam était à présent rouge tomate, terriblement gêné et ne savait plus où regarder. Je lui ai rendu son téléphone en lui souriant, attendrie, et nous avons repris place côte à côte sur le banc.

_ Je ne m'attendais pas du tout à ça.
_ ...
_ En tout cas, je trouve ça plutôt mignon.
_ Vraiment ?
_ Oui, enfin ... oui.
_ Je suis désolé, c'était n'importe quoi. J'aurais dû lâcher un peu plus mon téléphone et j'aurais jamais dû lui dire ça. C'était ridicule.
_ Ne dis pas ça, il ne faut pas t'en vouloir. C'est pas grave. Ça arrive, et puis ça me dérange pas. Enfin non, c'est pas que ça me dérange pas ; je veux parler du fait que tu essaie, pas de ce que t'as dit dans ta conversation. Ou alors, c'était ... Oh, désolée je mélange tout.
Tu me fais rire à t'embrouiller comme ça.
_ Ça m'arrive souvent quand je sors de ma zone de confort. Je trouve que c'est un grand défaut, d'ailleurs.
_ Moi, je trouve ça mignon, me souriait-il.

only fools fall for youOù les histoires vivent. Découvrez maintenant