44 : aucune chance

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[31 décembre]

Abigaëlle, après m'avoir scrutée de haut en bas avec un air fier, ne m'a pas adressé un seul mot et faisait en sorte de se tenir entre Evan et moi à la moindre occasion. J'avais hâte que mes trois amis rejoignent cette maison pour me soulager de la pression qu'elle pouvait me procurer, mais aucun d'entre eux ne répondait à mes messages. Quelques garçons inconnus sont arrivés et ont rempli la maison, m'isolant face à ma jalousie habituelle.

Ma rivale était simplement resplendissante et j'avais l'air d'une cruche face à elle, dans ma robe lavande si simple. La sienne brillait de mille feux et je n'ose parler de son maquillage stupéfiant qui la rendait encore plus belle. Je n'avais aucune chance. Mais d'un autre côté, m'étais-je dit, tout ceci n'était que très superficiel, et j'avais mes précieuses valeurs en plus d'une frange sensationnelle. Finalement, je n'avais peut-être pas tout perdu. Mais alors que je m'apprêtais à m'imposer aux côtés d'Evan, on sonna à la porte et quelqu'un laissa entrer mes trois éternels amis que j'avais tant attendus. Ils me souriaient et me tendaient les bras, je n'ai donc pas hésité à les serrer dans les miens.

Après cela, j'ai bien tenté de danser à nouveau avec mon voisin, mais Abigaëlle s'amusait tant à m'en empêcher. Je l'ai vue rire de moi plus d'une fois, mais je savais que j'étais au-dessus de ces enfantillages de sa part, bien que j'aurais aimé lui faire des croche-pieds. J'ai fini par renoncer à cette bataille pour le moment, réfléchissant à un plan pour l'attaquer par derrière sans qu'elle s'y attende, et ce tout en finesse.

J'ai passé la soirée aux côtés de Sam, Sophia et Agnès, ces deux dernières toujours dans les bras l'une de l'autre. L'heure de la nouvelle année est finalement arrivée plus rapidement que prévu et Evan avait distribué à quelques-uns d'entre nous tous des canons à cotillons. Mes amis et moi nous sommes vêtus des plus jolis chapeaux pointus de carton et les mains pleines de serpentins colorés et de confettis. Nous nous sommes empressés de décompter en chœur, impatients et surexcités. La tension était à son comble avant que l'on explose tous en un immense "BONNE ANNÉE !" et nous serrer dans les bras les uns des autres. J'ai embrassé mes amis en leur assurant que je les aimerai toute ma vie, et les remercier pour être là chaque jour. Je me suis cependant vite arrêtée car je n'avais pas très envie de pleurer sur leurs épaules et ruiner mon maquillage à paillettes que je ne sors qu'une fois l'an. 

J'ai instinctivement tourné la tête vers Evan en espérant qu'il fasse de même, mais il était bien trop occupé pour cela. En effet, l'intégralité de mon monde et de mes espoirs se sont effondrés à la vue d'un Evan embrassant à pleine bouche une Abigaëlle aux anges. J'étais parfaitement tétanisée au beau milieu de cette foule de rires et de souhaits bienveillants. J'aurais tant aimé me trouver à la place de cette peste qui ne le méritait pas à mes yeux. J'ai senti quelques larmes froides et douloureuses trancher mes joues et fendre mon cœur, semblant me retrouver seule face au reste du monde. Je ne pouvais réaliser ce que j'avais sous les yeux, ni comment j'avais pu avoir des doutes sur les sentiments d'Evan à mon égard. J'ai soudainement pensé à Liam, et je ne savais plus vraiment laquelle de nos situations était pire. Finalement, c'est moi qui lui ai brisé le cœur, contrairement à ce qu'avaient prédit les intuitions de Sam. Et je ressentais la même chose en ce moment-même, bien que j'espérais me trouver dans un de ces cauchemars infernaux. Et je n'avais définitivement eu aucune chance.

Une main douce s'est posée sur mon épaule nue, me faisant détourner les yeux de ce spectacle déchirant. J'ai fondu dans les bras d'Agnès qui me caressait les cheveux, et nous avons fini par nous éclipser tous les quatre dans la salle de bain. Je ne pouvais m'arrêter de pleurer, sans pour autant réaliser ce qu'il m'arrivait. J'aurais aimé faire taire ces sanglots incessants qui ne devaient être qu'un calvaire pour mes amis. Ils sont finalement parvenus à me consoler comme ils pouvaient, tandis que Sam semblait remettre en question tous ses calculs de prévisions. Nous avons fini par rentrer chez moi et passer la soirée dans mon salon, certes bien plus restreinte, mais toujours réconfortante. J'avais beaucoup de chance de les avoir comme amis. J'aurais également compris qu'ils m'en aient voulu pour ne pas avoir passé une soirée du nouvel an comme elle était prévue. 

only fools fall for youOù les histoires vivent. Découvrez maintenant