Chapitre 24

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Evan n'a fait aucun commentaire quand il m'a retrouvée dans les bois, les joues inondées par les larmes et les membres tremblants. Il s'est contenté de m'allonger dans le lit avant de s'éclipser assez rapidement.

Je suis prête à parier que c'est lui qui a proposé aux filles de venir me rejoindre à la maison pour me changer les idées. En parlant d'elles, je ne leur ai pas pipé un mot depuis leur arrivée. Pas parce que je ne veux pas, plutôt parce que je suis encore sous le choc.

Ce déchirement douloureux dans ma poitrine avant que je ne sois englobée par les ténèbres me hante encore.

- Luna, vous allez bien? Demande Samy.

- Ne. Me. Vouvoie. Pas. Merde, mais qu'est-ce qui ne va pas chez toi? Ne pus-je me retenir de crier.

Les trois louves se jettent un regard en coin se voulant discret. Je ne sais pas ce qu'il m'a pris de m'emporter ainsi et visiblement, elles non plus.

Samy baisse la tête mais je vois qu'elle bouillonne de rage. Elle voulait juste m'aider après tout.

-  Tu vas bien, Luna? Demande à son tour Willow.

Cette fois, j'échappais un rire sarcastique.

- Vous savez les filles, je n'apprécie pas particulièrement quand vous m'appelez Luna. Je n'ai plus de louve, je ne peux pas procréer, et je deviens humaine. C'est fini pour moi ces conneries.

Franchement, je ne sais pas d'où me viennent ces paroles crues, mais elles ont eu l'effet escompté. Les louves se lèvent une à une pour sortir de la pièce, sans oublier de m'adresser un vif hochement de tête au passage.

Je n'ai même pas le temps de me laisser tomber dans le lit que Reina entre, les joues rougies par la colère.

Elle va me détruire. Je le vois dans ses prunelles de sang qu'elle a un message à me faire passer.

- Écoute, je comprends que ces derniers jours ont été éprouvants pour toi. Je sais que ça ne doit pas être facile de perdre sa louve du jour au lendemain. Si tu veux faire ta petite demoiselle en détresse dans les bois, vas-y. Si tu veux pleurnicher pendant des heures, fais-toi plaisir. Merde, si tu veux te cloîtrer toute seule dans ta chambre pendant des jours, t'as pas besoin de demander la permission. Mais jamais au grand jamais je ne veux t'entendre dire à ta meute que tu n'es plus leur Luna. T'as beau ne pas ressentir le lien, mais eux le sentent, et c'est pas très plaisant. Si tu veux décevoir tous ces gens, c'est ton choix, mais assure toi de ne pas les détruire parce que tu vas avoir affaire à moi. C'est clair?

Nous nous jaugeons du regard pendant quelques secondes avant que je ne flanche. Elle me défie et elle adore cela.

Ses cheveux virevoltent autour d'elle quand elle tourne les talons pour partir aussi vite qu'elle est arrivée.

Cette altercation me laisse de marbre. Rien de ce qu'elle n'a dit ne m'a atteinte comme elle l'espérait.

Je me laisse tomber sur le lit. Les yeux fixés sur l'ampoule au plafond, je me demande « mais qu'est-ce qui cloche chez moi ». Mes pensées sont interrompues par une troisième visite.

Cette fois, la louve qui passe la porte ne m'est pas aussi familière. Son visage parsemé de taches de rousseurs et de rides lui donne un air chaleureux. Cette impression n'est qu'accentuée quand elle me sourit sincèrement.

- Victoria. Fit-elle avec un hochement de tête.

Je lui retourne son geste, un peu hésitante. Qui est donc cette femme?

- Nous nous sommes rencontrées très brièvement lors de ta présentation officielle, c'est pour cela que tu ne me reconnais pas.

D'accord. Elle lit dans mes pensées.

- Je connais ce regard. Tu as peur.

Je fronce les sourcils, n'en revenant pas de ses paroles manquant terriblement de tact. Depuis quand on fait ce genre de remarque en rencontrant quelqu'un pour la première fois?

- Je n'ai pas peur.

Je relève le menton pour montrer ma supériorité. Je ne sais pas pour qui elle se prend cette petite vieille, mais elle va voir de quel bois je me chauffe si elle continue.

- Non, tu es terrifiée. Mais il ne faut pas avoir peur, tu n'es pas seule.

Franchement, elle me tape sur le système. L'impression de chaleur qui émanait d'elle me semble lointaine à présent. Pourtant, son visage semble détendu, ses yeux me couvent d'un regard maternel. Sa bouche ne s'accorde pas avec le reste.

- Pourquoi t'être enfuie dans les bois si tu n'as pas peur?

Je me remémore la scène. Tous ces regards sur moi, la compassion de tous ces loups, le sentiment de honte.

- J'avais besoin d'espace, c'est tout.

Elle esquisse un sourire triste et se rapproche de moi pour poser sa main sur mon épaule. Son geste est réconfortant, pourtant je reste de marbre. Ça m'arrive souvent ces temps-ci.

- Ou alors, n'était-ce la peur de te faire rejeter? En tant que louve, en tant que Luna? La peur de perdre leur respect?

Sa voix résonne dans mon esprit. Chaque mot remue quelque chose en moi dont je ne connaissais même pas l'existence. Elle a raison, la peur a pris le contrôle de mon corps à ce moment précis.

Mais ça, je ne lui avouerais jamais.

- Je n'aime pas particulièrement l'attention. Qu'y a-t-il de mal à cela?

- Je ne suis pas ici pour me moquer, Victoria. Je ne suis pas un ennemi, ni une menace. J'essaie seulement de t'aider à comprendre les changements que tu vis présentement.

Comment est-elle au courant des changements de mon corps? Les autres loups savent que j'ai perdu ma louve, sans toutefois savoir que j'ai toujours froid, que mes yeux prennent lentement une couleur humaine et que je n'ai plus des sens amplifiés.

- Quels changements?

C'est à son tour de me cacher des choses. Elle hausse les épaules et me tourne le dos, prête à partir.

- Ne rejette pas l'alpha. Cela pourrait t'être fatal. Bonne journée Luna. Et bonne chance.

Sur ces mots, elle sort de la pièce, me laissant encore plus confuse que quelques minutes auparavant.

Une chance à l'amourOù les histoires vivent. Découvrez maintenant