Devious BOSS | Œuvre intégrale

𝟖 - 𝐔𝐧𝐞 𝐝𝐞 𝐩𝐥𝐮𝐬

𝐋𝐢𝐚𝐦.

— Quinze, peut-être dix-huit mois Monsieur, mais les délais demandés sont irréalisables, pour ne pas dire chimériques !

Il m'agace. J'ai bien envie de lui demander si nous parlons la même langue, mais je m'abstiens.

Ce qui est chimérique, c'est que ce type soit directeur de projet et autant payé pour me sortir de telles conneries. Sans parler du fait qu'il ose contester le bien fondé de mon argumentaire. Bon, je dois avouer qu'il a des couilles le Walbert, mais il devrait savoir que je déteste être contredit ; surtout quand j'ai raison.

Merci, Ethan !

C'est lui qui devait présider cette réunion. Mais il a décidé, à la dernière minute, d'aller s'éclater à La Barbade. Il a de la chance de faire un boulot irréprochable et d'avoir pu imposer nos exigences à Chicago, parce que si en plus de me frapper ses heures de boulot et les revendications de confort de nos collaborateurs, il fallait que je me coltine Akermann père et fils au téléphone pour les convaincre moi-même, je serais déjà enfermé à Rikers.

Pour en revenir à Walbert, je sais qu'il pense que je ne maîtrise suffisamment ni le sujet d'un point de vue technique ni ce dossier, mais il se trompe. Je connais tous les dossiers en cours, même ceux qui sont sous la supervision de mon bras droit. Ethan et moi formons un tandem. Nous n'avons attendu personne pour nous renseigner, en amont, sur la faisabilité de notre nouveau projet.

Toujours avoir plusieurs coups d'avance est une de nos devises, chez KMC.

Nous avons confiance en nos équipes, bien que je n'aie jamais eu de problème à virer qui que ce soit pour le remplacer par un cerveau plus compétent, ce n'est un secret pour personne. Pour autant, je ne demanderai jamais à quiconque d'abattre un travail en une semaine si je sais qu'il en faut trois, je ne suis ni un tortionnaire ni un utopiste, contrairement à ce que Walbert semble croire. Mais c'est moi qui suis à la tête de cette société, à moi qu'il revient de tout faire pour la porter plus haut sans jamais qu'elle ne chute. C'est ma responsabilité. Alors leur accorder des délais trente pourcents supérieurs à ce qui est nécessaire, c'est non. C'est une perte de temps, et le temps c'est de l'argent. En plus, je ne supporte pas d'entendre des chefs de secteur dévaloriser ni sous-estimer les capacités de leurs équipes ; et par extension, de KMC.

Allez, je vais encore passer pour le méchant flic en tapant du poing sur la table.

Deborah Stein, du service recherches et développements Telecom, termine un laïus dont je n'ai rien suivi, ce qui n'est pourtant pas dans mes habitudes. Mais je ne doute pas qu'elle a soutenu les propos de son collègue. J'ai eu des soucis de concentration cette semaine.

— Je ne vous demande pas la lune ! tonné-je, les prenant par surprise.

Leurs paires d'yeux dévient vers moi. Bien. Enfin, je me comprends.

— En fait, je ne vous laisse pas le choix, continué-je fermement sous leurs regards interloqués. Vous avez douze mois et je me trouve déjà conciliant. Et je vous prierais de ne plus préjuger de ma méconnaissance sur les dossiers de MA société, ni sur mes capacités techniques, soit dit en passant.

Bordel, qu'ils me gonflent !

Silence. On entendrait une mouche siffler la traviata.

— Je ne suis pas ingénieur mais si vous avez un boulot, ce n'est pas parce que les choses marchent toutes seules, grondé-je en tapant du plat de la main sur la table.

D'un regard circulaire et tout en me levant, je constate que j'ai toute leur attention.

— Que les choses soient claires une bonne fois pour toutes, le prochain qui se plaît à spéculer que tout m'est tombé tout cuit dans les mains et que je ne suis ici que pour signer des chèques et des contrats, je lui conseille un détour par le service du personnel pour déposer sa démission, sinon c'est moi qui le vire !