⚜ Chapitre 15 - En terres lointaines ⚜

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Ma tête me tue de douleur et je ne peux voir qu'un petit carré de lumière au milieu du noir. Suis-je mort ?


Se demande le français qui, malgré tous ses efforts, ne peut bouger que le bout de ses mains et de ses pieds, l'obligeant à rester allongé sur la couche de tissus sur laquelle il se réveille. Derrière son crâne il ressent une blessure, c'est certain qu'on lui avait porté un coup.

Au moins il lui reste une bonne nouvelle car ce coup aura fait taire la voix qui faisait du bruit là-haut.

Son odorat s'éveille aussi vite ; ce parfum salé, c'est la mer. Cela explique sans doute que la petite pièce dans laquelle il se trouve semble tanguer de gauche à droite.

Grâce à une reprise calme et lente de sa respiration France parvient à ouvrir, bien que difficilement, ses yeux. Autour de lui c'est encore flou mais il peut déjà distinguer des murs en bois sombre, une porte qui se fond presque dans le décor et des caisses de bois, beaucoup de caisses. Aussi, non loin de la porte il y a ce petit carré de lumière ; cette fenêtre.

Non l'empereur n'est pas mort, mais il n'est pas sauvé non plus. La réalisation de la situation suffit à lui faire perdre son calme et lui faire se poser mille questions : Où allait-il ? Qui l'avait emmené dans ce navire ? Pour quelle raison ?

Quelques minutes sans réponse passent et son instinct le remet dans la réalité : il veut sortir de là. Cependant on l'en empêchait, des liens serraient ses cuisses, entouraient son buste et menottaient ses mains. De plus, son corps reste endolori même si les maux de crâne se mourraient petit à petit. Était-ce déjà trop tard ? Le français vaguait-il déjà à sa mort après ce voyage ?

Oh, encore trop de questions.

Tout d'un coup, une deuxième source de lumière vient éclairer la petite pièce, c'est la porte qui s'ouvre et, bien malheureusement pour le français, il ne verra qu'une grande silhouette tenant la poignée pour refermer la porte peu après sans avoir mis un pied dans la pièce. France a maintenant une idée sur son ravisseur mais elle est bien trop belle, bien trop absurde.

Il est une nouvelle fois laissé seul dans l'ombre sans réponse alors la situation la fatigue terriblement même si le révolutionnaire revient d'un long sommeil.

D'ailleurs, combien de temps était-il resté dans cet état ?

Ça recommence...


Après cette visite, plus rien n'est venu perturber la pièce, c'était le vide, et pour économiser son énergie l'empereur profite du silence mêlé au bruit discret des vagues de l'extérieur et décide de fermer les yeux. De toute évidence rien d'autre n'était à faire, se plongeant une nouvelle fois dans le noir total le français tente d'ignorer ce mal de tête et ses liens qui lui pressent la peau et de retourner dans le sommeil.


En dehors de cette salle sombre la vie continue, le trois-mâts Nadejda n'est sorti du large du port du Havre il y a à peine trois heures et le navire devait rester discret puisque rien de ce pourquoi il servait n'était toléré par les pays du traité de Vienne.

Les détours pour éviter au mieux les rencontres avec la Royal Navy rallongeait le trajet mais le détenteur du Nadejda n'avait pas le choix, quitte à traverser les zones les plus froides et brumeuses de la mer Baltique.


Des jours et des jours dans ces conditions... environ une semaine.

Ce temps là le navire s'était arrêté à un port, le français n'avait pas ingurgité une miette de pain ou même un morceau de viande et ce n'est pas parce qu'on ne lui donnait rien : certes ses repas étaient très minces mais il n'y touchait pas, l'empereur avait totalement perdu l'appétit. Au moins il avait un espoir : si on le nourrit on ne souhaite pas le tuer, ou du moins pas tout de suite.

Pour une nouvelle fois on vient ouvrir la porte de la petite salle de stockage où les caisses ont déménagé plusieurs fois déjà, un jeune marin vient faire signe au français de se lever, tout ça gentiment sans grande autorité mais le révolutionnaire ne voulait pas montrer d'hostilité ou même de résistance. Alors, dans le silence, il se lève difficilement  et le jeune homme vient derrière lui pendant que France ne tourne même pas la tête ; l'homme lui défait ses liens avec facilité. Sûrement l'habitude du métier.

Retournant au pas de la porte il fait comprendre sans dire mot au pays de le suivre et, non sans souffrance, France marche avec lui vers l'extérieur et ouvre ses yeux au ciel blanc en étant frappé par le froid.

Le jour est tristement présenté, surtout à quelqu'un qui ne l'a pas vu depuis un temps. Du plancher de la partie ouverte du trois-mâts le français voyait le port agité autour de lui, les hommes y faisaient des allers et retours, chargés de toutes sortes de choses. Mais plus que tout  il était intrigué par le drapeau flottant au haut du navire et de celui des autres.

Même en retournant sa mémoire il n'avait plus souvenir de la correspondance de ce drapeau : c'est de l'armoirie navale, la plupart des pays ont des drapeaux bien différents de ceux de leur arsenal de mer.

Encore plus contrastant que l'obscurité de la pièce et la lumière du jour, la température. L'air marin, même enfermé dans une cage, était mille fois plus chaleureux que celui auquel le petit français était confronté sur le pont de ce bateau. Dès sa venue à l'extérieur, l'homme souffle une fumée blanche et tressaille sous le vent glacé qui traverse ses vêtements.

D'ailleurs, il n'ose même pas imaginer dans quel état il est à ce jour, n'ayant pas mangé et changé et de vêtements depuis des jours. D'habitude vigoureuse et écrasante, là l'empereur faisait sans doute plus pitié qu'autre chose, néanmoins il reste droit, encore plus quand le jeune marin finit de discuter avec un supérieur et invite France à descendre du navire et rejoindre le port. Sans espoir que l'homme lui réponde ou même le comprenne, il demande l'air fatigué et agacé :

"Destination ?

- В Москва."

Au cœur de l'EmpereurWhere stories live. Discover now