Chapitre 1 : Pourquoi tu portes des tongs ?

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Quatre ans plus tard...

Comme l'avait sous-entendu le père du dénommé William, les étudiants de Watterfall High venaient de tout horizon, apparentés à des familles pour la grande majorité influentes, allant de célèbres banquiers à des membres très proches du gouvernement.  C'est par ailleurs dans ces lieux attrayants que William s'apprêtait à rentrer pour la cinquième année consécutive. Le jeune homme, malgré tout ce temps passé dans l'établissement, ne dérogeait toujours pas à la règle : considérablement brillant dans le domaine des études, il faisait partie des plus grandes fiertés de l'établissement. Mais ne vous méprenez pas, sa réussite scolaire était loin d'être le seul domaine qui lui importait : il avait la réputation d'être d'une écoute sans précédent, sur qui tout le monde, en particulier sa bande d'amis, pouvait compter.

Ce matin du premier Septembre, William se dirigea une nouvelle fois vers sa voiture. En main, il tenait toujours un livre traitant d'astronomie, bien plus complexe que celui qu'il lisait lors de sa première rentrée. En réalité, rien n'avait vraiment changé ; certes, le près adolescent était à présent un homme en devenir, mais il possédait toujours un long et épais manteau, qui laissait à peine entrevoir ses yeux. Ses prunelles, d'une sublime teinte qui n'était pas sans rappeler celle des marrons que l'on aime à ramasser l'automne venaient sublimer ses cheveux rebelles, aux boucles mi- longues qui donnaient à William une apparence unique. Seuls deux changements avaient été opérés : le père du jeune homme avait déserté le siège du conducteur, laissant la place au majordome de la famille, et l'ainé avait pris son envol vers des horizons plus larges.

En s'éloignant de l'allée, William fut happé par la nostalgie : ce vrombissement de moteur, il l'avait entendu pendant des années durant. Ces légers défauts de route qui soulevaient doucement la voiture, il avait appris à les aimer avec le temps. Et cette odeur d'herbe fraichement coupée, qui venait chatouiller le bout de son nez gelé, allait de pair avec le silence pesant qui régnait en maître dans l'automobile. Afin d'y remédier, William faisait semblant de parcourir son ouvrage, bien trop timide pour engager la conversation avec ce majordome qu'il connaissait pourtant si bien. Au moins ce dernier pourrait-il faire part de son sérieux à son père. Ses pensées en tête, le jeune homme tourna une des pages, dans une lassitude des plus prononcées. Il se préparait mentalement à cette nouvelle année scolaire, qu'il avait autant appréhendée qu'attendue avec impatience. Attendue, parce que rien ne pourrait jamais lui enlever la joie de retrouver ses meilleurs amis. Au nombre de cinq, l'établissement entier les surnommaient les « Forceps », nom que William avait repris avec plaisir. Eux aussi incarnaient l'excellence de Watterfall High, mais n'étaient pas appréciés par leurs camarades pour autant : en effet, en plus de la jalousie évidente qu'ils leur procuraient, le reste des élèves les considéraient comme des vaniteux, des prétentieux, à tort. Les Forceps étaient en effet toujours prêts à rendre service et à soutenir et aider leurs pairs dans leur travail scolaire.

William laissait échapper un soupir, tout en levant quelques secondes les yeux de son ouvrage afin d'admirer les bâtisses de son village, Averton, et humer la bonne odeur des pains tout juste cuits par le boulanger. Au fur et à mesure que la voiture s'engageait dans les allées, il regretta le manque d'indulgence de ses camarades, et se mit à espérer un avenir meilleur après ces vacances. Il était conscient de sa réputation et celle de ses amis, mais la haine dont ils étaient victimes était à ses yeux injustifiée. Ils avaient toujours tenté de sympathiser avec tout le monde : les rares amitiés qu'ils avaient réussies à tisser s'étaient révélées malhonnêtes, entretenue par l'intérêt des autres étudiants d'avoir des camarades naïfs et influençables. Lassé par cette hypocrisie, les Forceps avaient cessé leurs tentatives, dégoutés. Mais les rares personnes qui gardaient leur honnêteté et authenticité n'étaient guère plus sympathiques.

RocasWhere stories live. Discover now