Rêve #2 Boule Disco, Prédateur et Queue

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D'après un vrai rêve vécu en décembre 2020 par Salomé D.


Hmmmm.... J'ai l'impression de zapper un truc.

Je longe une façade en pierre, en plein centre-ville. Il fait nuit, et il n'y a personne ; juste des lampadaires qui cassent l'obscurité. D'habitude, ça m'aurait un peu fait flipper, mais là je me sens confiante, habituée. Puis d'un coup, je me rappelle.

Merde... J'suis hors de la zone, j'devrais pas être ici.

La "zone", c'est le secteur où les gens comme moi sont parqués la nuit : interdiction formelle de sortir sous peine de grosses mandales dans la tronche.

Je ne sais plus comment c'est arrivé ni depuis quand, mais certains humains ont légèrement muté - et évidemment, ça fait peur aux gens normaux. La journée, nos différences sont invisibles et personne ne nous démasque. La nuit... c'est très bizarre. Pour faire simple, non seulement nos véritables apparences se révèlent plus facilement, mais en plus il arrive qu'on se mette à briller comme des lucioles. Ou plutôt, des boules disco. Ce qui n'est pas super super discret en soi. Bref, tout ça pour dire qu'on est contenu le soir ; et si on ose s'échapper, on se fait tabasser.

C'est pas ouf, ouais.

Je me dirige donc vers la zone. Je vais devoir esquiver les gardes qui surveillent les entrées et sorties. Quand j'y pense, c'est pas très logique. Ils nous laissent partir une fois le soleil levé comme si de rien était, comme si on arrêtait d'être inhumain, puis ils se remettent à nous chasser aussitôt la nuit tombée. C'est qui l'abruti qui a décidé ça ?

M'enfin. Je vais pas me plaindre, ça m'arrange : je suis tranquille la journée. L'instant d'après, je me retrouve dans une autre partie de la ville, près de ce qu'on appelle "la frontière" - celle qui délimite la zone.

Je... qu'est-ce que je fous dans un arbre ?...

Bon. Pourquoi pas, après tout ? Je suis cachée parmi les branches et le feuillage, dans un des platanes qui bordent le canal. Au sol, le calme règne d'un silence pesant. C'est la seule route possible pour rejoindre l'enceinte sécurisée de la zone.

Attendez... ça y est, je me souviens ! Je dois surveiller. On est plusieurs, caché.es, à faire ça. Mais... surveiller quoi déjà ? Ah oui : les policiers qui rodent dans les parages. Ce soir, il y a une ambiance qui ne me plaît pas trop.

Ça pue le flic qui veut se défouler.

Je plisse les yeux. J'ai repéré un adolescent craintif près de l'un des ponts en arc au-dessus du canal. Un nouveau : il fait sa boule disco. Il avance timidement, recroquevillé sur lui-même, tournant la tête à droite et à gauche comme s'il sentait la présence du prédateur. Sauf que - évidemment - il scintille dans tous les sens façon robe de Céline Dion, donc il attire forcément l'attention du policier qui s'est introduit dans le secteur.

Ah le con.

Je parle du flic. L'autre, il n'a rien demandé. En théorie, le prédateur n'a pas le droit de l'empêcher de rejoindre la zone. En pratique, c'est différent. C'est là que j'interviens. Je vois le flic s'approcher du nouveau, et je m'élance hors des branches.

Je sais que plusieurs autres guetteurs font comme moi : depuis le début je devine leurs présences, et là, je sens qu'ils s'activent. Pourtant je ne les vois toujours pas. En temps normal je trouverais ça bizarre voire flippant - mais je viens juste de découvrir que j'étais VRAIMENT très agile, et c'est absolument génial.

Héhé.

Un air extasié sur la face, je saute et me projette dans tous les sens. J'arrive au niveau du pont, passe en dessous en un mouvement de balancier et réapparaît de l'autre côté, avant de me réceptionner sur la rive, juste derrière le flic.

- Yo.

Mon dieu j'suis beaucoup trop cool.

Le type se retourne, confus et légèrement apeuré. Je souris, parce qu'il faut quand même avouer que mon entrée en scène était particulièrement stylée. Puis, un truc derrière mon épaule capte son attention, et le flic blêmit. Je fronce les sourcils et tourne la tête pour suivre son regard.

Pourquoi il-... Oh putain.

Euh... j'ai une queue. Genre... une queue, quoi. Normal. Merde, c'est vrai : la mutation. J'avais oublié ce détail. C'est assez balèze en plus, je sais pas comment j'ai fait pour la louper. Je phase dessus quelques secondes : la tige est légèrement plus épaisse que celle d'un singe, très longue, et l'embout me fait penser à un mix entre un triangle et une raie manta. Le tout est d'un bleu foncé qui luit d'un halo magique. Je déglutis.

Tout. Va. Bien.

Quelque part, ça explique comment j'ai pu me balancer dans tous les sens. Je reporte mon attention sur le flic en soufflant un bon coup, prétendant d'un air décontracté que je savais parfaitement que j'avais une queue. L'adolescent-luciole est toujours recroquevillé au sol derrière son prédateur. Je lui adresse d'un ton amical :

- Si j'étais toi, j'en profiterais pour me barrer en courant.

Ma voix semble réveiller le flic. Il enrage subitement.

- Non !

Il amorce un mouvement agressif en direction de la boule disco, mais j'élève ma queue avec davantage de menace pour le dissuader de faire quoi que ce soit. Le policier se stoppe net, stupéfait. Je grimace face à la façon dont il me dévisage : confus, hésitant. J'ai l'impression qu'il n'a pas trop intégré l'idée que j'étais une mutante. Ils sont tous débiles ou quoi ?

Je soupire en affaissant les épaules, et finis par rouler des yeux au ciel.

- C'est mieux si je...

Au même moment, je titille ma propre boule disco interne et me met à scintiller.

- ... shine bright like a diamond ?

Ses yeux s'écarquillent d'un effroi haineux. C'est bon, il a compris le bougre. Il a tellement bien compris qu'il décampe en sprintant vers la droite. Je fronce les sourcils, surprise. Je m'attendais à ce qu'il m'attaque, au moins. J'en serais presque vexée.

Ouais ouais, dégage bien, ouais.

Je soupire et secoue la tête en regardant sa silhouette diminuer au loin, avant de me tourner vers l'adolescent. Ce dernier n'a pas bougé, et me dévisage avec une expression encore choquée et incertaine. Je me masse l'épaule en le fixant d'un air un peu débile, ne sachant pas trop quoi lui dire pour l'apaiser.

- T'en fais pas, je crois qu'il-

Je n'ai pas le temps de finir ma phrase qu'il se relève et détale à son tour - vers la frontière, cette fois. J'abaisse les bras en soupirant d'un air agacé.

Lui aussi ? Mais sans déconner.

Je place mes mains autour ma bouche pour faire porter ma voix - même si je ne suis pas sûre que ce soit utile.

- ET DE RIEN, HEIN !

Aucune civilité, c'est dingue. Je sais pas, je viens de lui sauver la vie. A la limite, il aurait pu se barrer avant, quand je lui avais indiqué. Je me gratte le front, lasse, détournant les yeux de sa course. Je suis seule à nouveau. Super.

Bon bah... Je suppose que j'vais rentrer du coup.

Rêves étrangesWhere stories live. Discover now