29. Déployer ses ailes

75 7 125
                                    

21 Janvier 1978

Les membres du groupe commençaient à s'impatienter. Ils devaient commencer le tournage de We Will Rock You suivi de Spread Your Wings et Freddie n'était toujours pas là.

L'album était sorti quelques mois auparavant et aujourd'hui, ils avaient décidé de tourner les clips dans la neige au beau milieu de la cour de Roger. Ce dernier en avait vraiment ras le bol des retards de celui qui fut son amant et se défoulait sur sa batterie en l'attendant, il avait déjà cassé une paire de baguettes.

Environ deux heures après le début initial de l'enregistrement, alors que les autres en avaient marre de se les geler dehors et étaient rentrés se réchauffer à l'intérieur, Freddie se décida enfin à arriver.

— Tiens Freddie. C'est surprenant de te voir sans ton petit toutou.

— C'est surprenant de te voir si langue de pute, Brian. Donc, qu'est-ce qui se passe ?

— Tu le saurais si t'étais à l'heure.

— Je suis un artiste, darling, pas un banquier suisse, répondit Freddie comme il pouvait être cinglant avant de soupirer et de se reprendre.

— Pardon, je suis en retard.

— Encore.

— C'est vrai.

— On est rentrés parce qu'on en avait marre de t'attendre dans le froid.

— Mais maintenant, on peut y aller, déclara Roger en se levant, plus qu'agacé.

— Ça va. Relax, les gars. On peut se poser un peu.

— Donc, Mr. Mercury arrive en retard et se permet encore de nous dire de patienter le temps qu'il se prépare ? T'es pas seul à décider pour le groupe, Fred'. Merde !

— Je dis juste que je suis fatigué et que je n'ai pas envie de me tuer à la
tâche tout de suite.

— Fatigué ? Tu as vu l'heure ? Tu as eu tout le temps de faire la grasse mat, alors maintenant au boulot !

Roger avait perdu patience. C'était loin d'être la première fois qu'un tel événement arrivait. Le batteur ne pouvait plus supporter ça, mais il ne se doutait pas de ce qui se passait dans la tête de Freddie. Quand le chanteur arrivait avec plus de trois heures de retard, c'est que quelque chose n'allait pas. Cela se produisait quand il constatait que Paul n'était pas là à son réveil, qu'il était encore parti Dieu sait où sans rien dire et qu'il ne rentrerait pas avant la tombée de la nuit.

Farrokh faisait encore fréquemment des rêves de Roger et il n'y avait pas un jour sans qu'il ne pense à ce qui c'était passé au Ten Bells. Dans ces moments-là, il était heureux d'avoir Paul à ses côtés, il arrivait à lui changer les idées. Mais quand il partait, Freddie se retrouvait livré à tous les remords et regrets qui tournaient en boucle dans sa tête et que même la drogue ne pouvait arrêter. Il lui fallait quelques heures avant de trouver le courage de retrouver Roger et les autres pour travailler et il arrivait toujours complètement défoncé. En dépit de son imponctualité, c'était la raison pour laquelle il arrivait avec tant de retard et que Roger ne pouvait soupçonner.

— C'est bon, maintenant je suis là. Alors qu'on en finisse. Vous m'énervez déjà.

— Tu veux pas faire des excuses d'abord ? Ou nous expliquer ce que tu fous ces moments-ci ?

— Peu importe, je suis là, non ? Alors tournons ce putain de clip.

— J'en ai marre de bosser avec toi et marre de supporter tes caprices ! Maintenant, tu te bouges, on devrait déjà avoir fini !

Roger était furax, en plus de jouer au gros con, Freddie avait mis une veste très similaire à la sienne. Il portait également un pantalon blanc pattes d'eph ainsi qu'une paire de lunettes aux verres en forme d'étoiles pour rappeler que c'était lui la diva.

Le tournage se passa globalement bien, hormis l'ambiance aussi glaciale que la température qu'il faisait dans la cour. Mais le perfectionnisme de Freddie fit vite remonter la température jusqu'à ce que cela chauffe vraiment.

— J'en ai marre de bosser avec lui ! Si ça continue, je quitte le groupe ! dit John en posant sa basse au sol et en partant.

Ça y est. Le sujet était remis sur le tapis. Les tensions récentes avaient déjà donné beaucoup de scènes dans ce genre-là, mais ils étaient tous à cran et cela commençait à devenir sérieux.

— John ! Reviens ! Bientôt, on sera débarrassé de Reid et tout sera fini !

En effet, la plupart de leurs désaccords étaient liés à leur manageur qui ne s'occupait pas assez d'eux, trop préoccupé par sa relation avec Elton John.

— John ! Tu ne peux pas faire ça ! T'énerver, ok. Mais quand le résultat nous prive de bassiste parce que tu es allé te soûler dans un bar et que tu n'arrives pas à gérer ta colère en pleine tournée, c'est trop ! Alors, tu reprends cette foutue basse et on te laisse filer dès que le clip est terminé !

Les garçons étaient si préoccupés par leur dispute qu'ils n'avaient même pas remarquée la Rolls Royce qui venait de se garer dans l'allée.

— Les garçons ! Désolé de vous interrompre dans votre grande concentration, mais je suis pressé. Alors, si on pouvait vite régler cette affaire, ça m'arrangerait.

C'était John Reid qui venait signer le contrat de rupture. Il avait déjà réussi à mettre Brian hors de lui avec son sarcasme sur les problèmes du groupe. Ils partirent s'engouffrer tous les cinq à l'intérieur de la voiture pour y réfléchir dans de bonnes conditions. Il était conseillé de prendre des décisions l'esprit au frais, mais s'ils restaient dans la neige cinq minutes de plus, le leur aurait fini par geler.

— Les gars, une fois qu'on aura rompu, il nous faudra un nouveau manageur, vous avez des idées ? lança Brian qui était visiblement le seul à avoir le sens des responsabilités plus fort que la rancœur.

— On pourrait être notre propre manageur. On prend les décisions nous-mêmes ; pas de patron, pas d'emmerdes. Paul pourrait nous aider, je suis sûr qu'il s'en sortira très bien, suggéra Freddie pressé de se débarrasser de Reid.

— Ton Paul, il commence sérieusement à me sortir par le cul !

— En attendant, si tu as de meilleures idées, blondie ...

— Ça pourrait le faire, intervint Brian. Du moment que ça reste temporaire.

— Ok. Alors on signe et on y retourne.





Love Cannot DieOù les histoires vivent. Découvrez maintenant