11 | Premier jour, premières galères

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La salle entière s'agite, et tout le monde reprend ses sacs et ses valises en main pour rejoindre les dortoirs. Je décide de suivre le mouvement, comme intimidée par ce nouveau remue-ménage, et attrape mes affaires d'un geste hésitant avant de soupirer. Il va falloir que je me reprenne, ce n'est rien qu'une nouvelle école après tout, que je vais d'ailleurs quitter dans peu de temps.

La masse d'élèves sort de la salle pour monter au troisième étage. Les escaliers sont longs, et je peine à traîner ma grosse valise jusqu'en haut, mais les autres discutent allègrement entre eux en passant de l'italien au japonais, alors je décide de ne pas me plaindre. Je ne veux pas faire pitié ou passer pour une incapable auprès de ce que j'appellerais des étrangers ; je suis Victoria Gabriaux, tout de même !

Alors que je traîne ma valise sur le grand palier des dortoirs, je me mets à chercher le mien. Nous n'avons pas vraiment eu d'indications pour trouver nos chambres, mais je crois apercevoir des écriteaux sur les grandes portes où les élèves s'engouffrent. Je m'approche de l'une d'elle.

« Dortoir féminin des troisièmes années » est-il marqué sur le panneau de bois accroché à la porte.

Je hausse les épaules ; mon dortoir se trouve sans doute à côté. Je vérifie l'écriteau d'une seconde porte.

« Dortoir masculin des quatrièmes années »

Je lève les yeux au ciel. Ou se trouve celui des nouveaux étudiants, ceux qui viennent d'arriver ? Ils devraient savoir qu'on se perd facilement dans un nouvel établissement.

Après quelques autres portes, je soupire, la boule au ventre. La plupart des étudiants sont partis s'installer et je dois me rendre à l'évidence : mon dortoir n'est pas ici. Je sens un petit stress monter dans ma poitrine avant de se loger dans ma gorge. Je déteste cette sensation, moi qui aime généralement contrôler tout ce qui m'arrive.

Je décide de reprendre le contrôle de la situation. Après tout, je sais parler aux gens, et je suis bien décidée à trouver ce fichu dortoir. Je m'approche alors d'un garçon qui vient seulement d'arriver et qui a l'air un peu plus âgé que moi.

- Excuse-moi, commencé-je en anglais avec l'accent le plus authentique possible. Tu saurais où se trouve le dortoir des premières années ?

Il replace son sac de voyage sur l'épaule avant de me toiser d'un air presque supérieur. Je baisse le regard, gênée par sa présence, mais aussi par sa prestance. Il est là pour étudier, et ça se voit ; tout en lui semble briller d'intelligence, même sa cravate.

Je m'apprête à bredouiller une excuse pour continuer à chercher mon dortoir seule, lorsqu'il ouvre enfin la bouche.

- C'est l'étage du dessus, miss, lance-t-il dans un anglais parfaitement maîtrisé.

Je le remercie vivement tandis que ma voix s'emballe. Mes muscles se détendent, et je pousse un soupir de soulagement. Je sais maintenant où je dois aller.

J'ajuste mon sac sur mes épaules et empoigne ma valise, prête à me farcir un escalier de plus pour arriver à bon port. Mais à peine la première marche montée, la voix de l'étudiant m'interpelle :

- Ne panique pas, moi aussi j'étais perdu au début. Mais ne t'inquiètes pas, tu vas vite t'y faire ! Cette école va devenir ta deuxième maison en très peu de temps, je t'assure. La preuve, j'ai décidé d'y rester encore un an !

Je lui lance un sourire entendu malgré mon envie de fuir cette école d'intellos.

- Oh, il faut que je rejoigne mon dortoir ! reprend-t-il en regardant sa montre. Tu devrais en faire autant si tu ne veux pas te faire choper dans les couloirs dès le premier jour !

J'acquiesce tandis qu'il pousse la porte du dortoir des quatrièmes années, et je monte les escaliers à grande vitesse, ou plutôt aussi vite que ma grosse valise le permet.

J'arrive en haut, à bout de souffle. Effectivement, les lourdes portes des dortoirs des premières et deuxièmes années sont bel et bien à cet étage, et tout le monde a l'air d'être arrivé à l'heure. Je passe une main sur mon front en pestant contre moi-même tout en tirant mes bagages avant de pousser la porte de ma nouvelle chambre, du moins pour quelques jours.

Lorsque j'entre, tous les regards se braquent sur moi. Mes joues rougissent instantanément ; la honte ! Je déteste passer pour une idiote auprès des autres. Et je déteste déjà toutes ces filles. Dire que je vais devoir dormir avec cette trentaine d'idiotes jusqu'à mon retour à Paris !

Je cherche un lit encore disponible en faisant le tour du dortoir, avant d'en trouver un en hauteur, près d'une fenêtre. Bon, je pourrais au moins admirer le paysage.

Sur le lit est posé un sac parfaitement zippé. C'est sans doute l'uniforme, pensé-je. Je le regarderai plus tard, ce n'est pas comme si j'avais hâte de le mettre.

Je commence à défaire ma valise et range mes affaires dans le grand placard relié à mon lit, la mine renfrognée. Autour de moi, les autres filles discutent joyeusement. Certaines sont déjà en train de poster des photos de leur amitié naissante sur les réseaux sociaux tandis qu'une américaine montre fièrement sa tenue de cheerleader, faisant s'extasier les fans de série télévisée.

- Excuse-moi ? m'interpelle en anglais une voix toute douce à l'accent chantant.

Je me retourne, intriguée, avant de tomber nez à nez avec une grande rousse aux allures de fée. Son chemisier blanc qui se termine avec un nœud, sa jupe en cuir rosé et ses bottines blanches vertigineuses soulignent sa taille et ses formes dignes d'une mannequin alors que son visage arbore un grand sourire.

- Salut ! reprend-t-elle. Je me demandais si tu voulais de l'aide pour ranger tes affaires. Je t'ai vue arriver et tu avais l'air un peu perdue, alors on peut faire connaissance en vidant ta valise, enfin si tu veux bien !

Je l'observe, un peu méfiante, avant d'accepter avec un sourire un peu forcé. Je n'aime pas trop l'idée qu'une inconnue touche à mes affaires les plus personnelles. Pourtant, lorsqu'elle sort mes vêtements de ma valise en les complimentant, je ne peux m'empêcher de la laisser faire. Elle a l'air sincèrement gentille, et il va bien falloir que je trouve quelqu'un avec qui manger pour les jours qui vont suivre.

- Je m'appelle Victoria, et je suis française, dis-je en guise de présentation.

- Chiara, italienne et également ravie de te rencontrer ! me répond-t-elle, toujours avec son adorable petit accent.

Je lui lance un sourire. Une chose est sûre : je ne vais pas rester dans ce fichu institut, mais ces premiers jours ne seront peut-être finalement pas si affreux avec cette fille à mes côtés.

The White Institute (en pause)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant