23 | Un SMS et tout repart

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Alors que tous les élèves se dirigent vers la porte, trop heureux d'en finir avec les cours pour la matinée, je fronce les sourcils. Chloé et moi ne nous sommes pas reparlées depuis que je suis partie, notamment parce que nous avions convenu - enfin, j'avais convenu toute seule, je l'avoue - de ne pas se contacter pour éviter de trop souffrir d'être éloignées l'une de l'autre. Décision idiote, certes, mais c'est l'une des raisons pour laquelle je me demande sincèrement ce qu'elle me veut, d'autant plus qu'elle n'est même pas passée par un réseau social ! Son forfait va prendre cher, mais envoyer un message classique, surtout dans ces conditions, c'est que ça ne rigole plus. J'ouvre alors, un peu inquiète, le message de mon ancienne amie.

« Coucou Vivi, c'est Chloé. Je le précise, parce que peut-être que tu as supprimé mon numéro, ou que les services secrets russes t'ont enlevé ton téléphone, j'en sais rien. Bref, je t'écris parce que tu me manques, et aussi parce que je ne pensais pas que la Russie nous éloignerait autant... Je veux dire, plus qu'en nombre de kilomètres. Ça craint, quand même, on se connaît depuis le CP, et ça fait un mois que j'ai plus de nouvelles de toi ! Je croyais que tu ne voulais pas aller en Russie, et j'étais prête à te revoir dès que tu serais revenue à Paris, mais j'ai appelé ta mère hier, et elle m'a dit que tu restais dans cette école et qu'elle n'avait pas plus de nouvelles que moi. Je sais pas ce que tu nous fais, ma Victoria, mais dis-moi juste que t'as été prise en otage là-bas si t'as pas d'excuse pour justifier ton silence. »

Je lève la tête, un peu déboussolée. Je ne m'attendais pas à ça, mais alors pas du tout ! Un mois que je suis là, et je n'ai même pas vu le temps passer... Et puis, c'est vrai que je donne peu de nouvelle à mes parents - en même temps, tout tourne autour de l'Institut et de mes nouveaux amis désormais - mais de là à ce qu'on m'en veuille autant...

Un instant, je la trouverais presque gonflée de m'envoyer ce genre de choses. Mais mon visage, quelque peu crispé, se radoucit à la pensée que je puisse manquer à Chloé. Elle mérite un message, alors je prends mes affaires et me dépêche de sortir de la salle tout en bafouillant des excuses en anglais au professeur qui attendait patiemment pour fermer la porte à clé.

Livres à la main, je repère le coin le plus tranquille du couloir et pose mes affaires par terre, avant de m'adosser contre le mur. Je vois Chiara de loin, qui me fait signe, et je lui réponds en tentant de lui faire comprendre de ne pas m'attendre. Elle semble recevoir le message et me sourit, avancer de tourner les talons et de disparaître dans la masse d'élèves. Quant à moi, je me concentre sur mon téléphone, et commence à rédiger ma réponse.

« Salut Chloé, j'espère que tu vas bien... C'est un peu délicat de te répondre après tout ce temps, parce que j'ai beaucoup changé, enfin je crois. Je te rassure, je n'ai pas été kidnappée, et je n'ai pas non plus subi de lavage de cerveau. Seulement, cette école russe que je détestais m'a fait ouvrir les yeux sur beaucoup de choses, et désolée si tu le prends mal, mais je suis bien loin de l'idiote égocentrique que j'étais l'an dernier. Bref, j'ai l'impression de grandir à mille à l'heure en ce moment, alors excuse-moi de ne pas être très claire. »

À peine ai-je eu le temps de respirer après avoir envoyé mon message, que je reçois déjà une réponse de sa part.

« Moi aussi, j'étais une idiote finie, tu sais ? On faisait bien la paire. Mais j'ai rencontré plein de gens à l'université, et j'ai carrément l'impression d'avoir pris en maturité d'un seul coup. Un peu comme toi finalement ! Je comprends que tu ne saches plus trop où tu en es, mais si jamais, rappelle-toi que ta vieille copine n'est pas loin. Parce qu'on avait beau être de belles hypocrites en terminale, j'ai toujours pensé que notre amitié était sincère. »

Une bouffée d'émotions me traverse soudainement le cœur. En trois messages et quelques vérités, j'ai comme l'impression d'avoir retrouvé quelqu'un à qui je dois accorder de l'importance dans ma vie.

« C'est exactement ce que je pense, moi aussi. Tu me manques beaucoup, ma Chloé. »

Ce dernier message, particulièrement sincère, manque de me faire couler une larme. Mais je la retiens, et tandis que je ramasse mes affaires qui étaient toujours au sol, un sentiment de joie m'envahit soudainement. Je m'élance ensuite vers le réfectoire, avec le cœur rempli d'un bonheur sans nom : celui d'avoir retrouvé une amie.

Lorsque je retrouve Chiara, qui m'attend à notre table habituelle, j'ai la tête ailleurs et le cœur léger. Mais alors que je la rejoins, je remarque qu'elle n'est pas seule.

Ben est avec elle, les yeux rouges et le regard fuyant. Alertée par son comportement, je me dépêche de m'approcher de lui avant d'imiter Chiara, qui l'entoure de ses bras. Nous formons ainsi une sorte de bulle autour de lui et tentons de le réconforter tant bien que mal.

- Ben, parle nous. Qu'est-ce qu'il se passe ? demandé-je tout en lançant un regard interrogateur à Chiara.

Alors que mon amie me répond par un haussement d'épaules, je tente de déceler ce qui met Ben dans un tel état, lui qui est d'habitude si optimiste.

Le voir ainsi est douloureux ; qu'a-t-il pu se passer ? Je m'apprête à rajouter quelque chose, histoire de le pousser à se confier, mais il prend soudainement la parole.

- Je n'y arrive pas les filles, je n'y arrive plus.

The White Institute (en pause)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant