13 | Une amie et du pilou, ca vaut plus que tout

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Alors que les autres élèves commencent à se lever, la mélodie qui sert de sonnerie se met à retentir. Le repas se termine, et il faut retourner dans les dortoirs, mais Chiara n'a pas l'air de cet avis. Elle reste assise, à discuter avec le garçon d'en face, comme si elle ne pouvait pas vraiment s'en détacher. Je n'ose pas le lui reprocher - on ne se connaît que depuis quelques heures - mais je n'ai pas envie de retourner dans la chambre seule, sans compter que les élèves sont déjà presque tous partis. Vu mon sens de l'orientation, il vaut mieux que je ne parte pas seule à la recherche du dortoir.

Finalement, elle remarque que je l'attends et se lève élégamment avant d'épousseter son uniforme. Le garçon nous souhaite bonne nuit en anglais avant de partir devant nous, et je me retrouve seule avec Chiara. D'ailleurs, le Jack Frost mystérieux n'est plus là, mais j'oublie bien vite cette pensée furtive, car ma nouvelle amie se met à bavarder.

Nous montons les escaliers ensemble tandis qu'elle me parle du garçon de tout à l'heure, qui s'avère être un américain du nom de Ben.

- Alors, il est sympa ? demandé-je en anglais.

- Il l'est ! me répond-t-elle avec un sourire. Bon, il est aussi un peu collant, mais il est gentil et il adore l'Italie !

- Je n'avais même pas remarqué, dis-je d'un ton sarcastique avant de lui donner un léger coup de coude.

Nous nous sourions, complices, avant de monter jusqu'au dortoir. La plupart des filles sont déjà parties vers les douches, d'autres discutent encore, en tailleur sur les lits. L'ambiance est décontractée, les vestes d'uniformes sont plus ou moins accrochées dans les penderies, et l'internat semble être soudainement devenu une soirée entre filles géante, sauf que personne ne parle la même langue.

Je tourne la tête vers Chiara, qui cherche ses affaires de toilettes. Je décide de faire de même, et nous partons prendre une douche. Lorsque je sors de ma cabine, habillée d'un pyjama en pilou, très confortable mais presque ridicule, j'ai un moment de doute. J'aurais dû prendre un pyjama bien plus sobre !

- La classe ! me lance Chiara, interrompant mes pensées.

Je me retourne vers elle, prête à la voir dans une petite tenue en satin, ou que sais-je d'autre. Quelle n'est pas ma surprise lorsque je la vois avec le même pyjama que moi ! Elle me regarde, le sourire jusqu'aux oreilles et à moitié en train de rire.

- Tu es belle mon amie, affirme-t-elle dans un français approximatif avant de pouffer.

Je me mets à rire avec elle, car ces pyjamas sont vraiment discutables. Mais la joie visible de Chiara semble me confirmer une chose : j'ai bien l'impression d'avoir trouvé une véritable amie dans ce fichu institut. Pire encore, car contre toute attente, je ne m'y sens pas si mal.

Une femme passe la porte de la chambre, m'interrompant dans mes pensées. Tous les regards se tournent soudainement vers elle.

- Bonsoir Mesdemoiselles, il est presque vingt-deux heures. Je vous prierai de vous mettre au lit en vitesse, annonce-t-elle en anglais, avant de repartir aussi vite qu'elle est venue.

Je jette un coup d'œil à Chiara, qui hausse les épaules avant de grimper dans son lit. Je m'apprête à me plaindre que c'est trop tôt, qu'on n'est plus des enfants, mais personne ne bronche et les autres filles se glissent sous leurs couvertures, tandis que les discussions se transforment en murmures.

Je décide de faire de même et monte sur mon lit en hauteur, histoire de ne pas causer de problèmes, mais au fond, j'ai la gorge serrée. L'arrivée à The White Institute ne s'était pas trop mal déroulée, et j'avais presque apprécié ma première soirée ici. Mais maintenant que je me retrouve confrontée à la discipline de l'école, c'est bien loin d'être la même chose...

Les dernières lampes s'éteignent, et bientôt, la totalité du dortoir est plongée dans le noir et le silence. J'attrape mon téléphone, posé sur l'étagère accrochée au mur. Je ne l'ai presque pas touché de la soirée, c'est bien la première fois que ça m'arrive ! D'ailleurs, je m'étonne un peu du fait de pouvoir le garder pendant la nuit. Dans une école aussi réputée, ce n'est pas très sérieux, me dis-je intérieurement.

J'ouvre Instagram, mais le réseau charge si lentement que mes yeux se ferment après avoir visionné quelques stories. Mes amis ont l'air de s'éclater sans moi de toute façon, alors j'éteins mon téléphone et le repose à côté de moi. Je tombe presque de fatigue - sûrement à cause du décalage horaire, même s'il me semble que la différence ne va pas au-delà de deux heures - et je me tourne, de manière à voir le plafond.

C'est quand même dingue d'être en Russie, pensé-je. Ce n'est pas si horrible, au final.

Je sursaute, à moitié surprise par ma propre réflexion. Bon sang, cette école est en train de me monter au cerveau ! J'ai été tellement obnubilée par tout ça que j'en ai oublié la véritable raison de ma présence ici. Il est hors de question que je donne raison à mes parents. Certes, Chiara est sympa, l'internat est mieux que ce que j'imaginais, l'uniforme est plutôt pas mal et j'ai quand même hâte de découvrir mes premiers cours, mais ça reste un pensionnat pour gosses de riches ! Pas question que je me plaise ici : dès demain, je vais montrer à The White Institute que je ne suis pas faite pour évoluer ici. Non, non, non ! Je refuse de succomber comme les autres, et je vais bien le faire savoir.

Je m'endors alors sur cette pensée, le cœur empli d'une hargne sans faille. Je suis Victoria Gabriaux, j'ai toujours ce que je veux et jamais ce queje ne veux pas. J'ai juste à être différente de ces gamins modèles, ces enfants de riches qui veulent avoir les meilleures notes, et revenir en France le plus vite possible, car c'est ce que je veux de tout cœur.

Enfin, je crois.

The White Institute (en pause)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant