09 | Bienvenue en terre inconnue

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Je me réveille en sursaut, peu avant l'atterrissage. Je regarde par le hublot, et ce que je vois m'arrache un petit cri de surprise. Je ne suis pas la seule ; les autres passagers cherchent eux aussi à admirer l'extérieur.

Il y a de la neige partout. Le sol est blanc et cotonneux, et donne envie d'y plonger. Bon, il vaudrait mieux éviter, on doit bien être à mille cinq cent mètres d'altitude, mais le paysage est vraiment magnifique. Je colle le nez à la vitre, réellement charmée. La dernière fois que j'ai vu de la neige remonte à une sortie en quatrième, lors d'un voyage scolaire dans les Alpes françaises, alors pour moi, c'est une véritable redécouverte.

Je sais que je passe au-dessus des régions les plus froides, et qu'ailleurs, il ne neige pas toute l'année, mais cette courte vision est sublime à voir. Je profite des derniers instants enneigés avant que l'avion ne traverse une zone plus chaude et se dirige vers l'aéroport de Moscou.

L'atterrissage se fait en douceur, à moins que ce ne soit moi qui suis fascinée par les paysages qui s'offrent à moi. Je l'avoue, je ne pensais pas que la Russie serait un aussi beau pays. Je m'étonne moi-même, à vrai dire. Mais ça n'empêche que je reste fidèle à moi-même ; je ne viens pas ici pour profiter d'un nouveau pays et faire la touriste.

Les autres passagers descendent de l'avion, récupèrent leur bagages, et je fais de même, trainant ma grosse valise que j'ai tout de même remplie pour un trimestre. Je suis le mouvement et j'avance, la gorge nouée par la peur de me perdre. Mais bien vite, je repère une femme en tailleur qui porte une pancarte : « Students of The White Institute ». Ouf, sauvée. Je m'élance vers elle avant de la perdre de vue, les cheveux décoiffés par le vol, et m'approche du groupe qu'elle semble présider.

- Bonjour mademoiselle, m'interpelle-t-elle en anglais avec un accent russe très prononcé.

- Bonjour, je réponds, légèrement intimidée.

J'observe la femme qui m'accueille. Elle a un air sévère, accentué par sa coiffure tirée et ses vêtements presque militaires. Je ne sais pas qui elle est, mais elle impose le respect, alors, malgré ma volonté de tout gâcher, je garde ma langue dans ma poche, cela vaut mieux. Et puis, il doit bien y avoir soixante étudiants qui l'accompagnent, alors pas question de me ridiculiser. Je rejoins leurs rangs, cherchant du regard un français pour étaler mes états d'âmes, mais il n'y a pas l'air d'en avoir. Beaucoup discutent, heureux de rencontrer leurs futurs camarades, et je me sens comme perdue au milieu de ces gens qui sociabilisent avec tant de facilité.

Finalement, une fille typée espagnole à l'air joyeux s'approche de moi. Je lui souris, soulagée, alors qu'elle commence à me parler.

- Salut ! m'apostrophe-t-elle dans un français approximatif. I love France !

Je lui souris, amusée, et nous commençons à discuter en anglais. J'apprends alors qu'elle s'appelle Luna, qu'elle vient d'Andalousie, et que la fameuse dame n'est autre que la référente de l'institut où nous allons tous. Il semblerait d'ailleurs que tous les étudiants ici présents viennent des quatre coins de l'Europe, et qu'il ne s'agit que d'une petite partie, la plupart étant déjà arrivé quelques jours auparavant

Nous bavardons encore un peu, le temps d'attendre les dernières arrivées. J'aime déjà beaucoup cette fille, naturelle et franche, sans artifices. Ça me change de mes fréquentations habituelles, mais ça ne me dérange pas plus que ça. J'en arrive même à oublier l'angoisse qui me suit partout depuis quelques jours.

Malheureusement, les derniers arrivants nous rejoignent, et le groupe se met à suivre la référente vers les bus qui nous mèneront à l'école. Je monte dans un des bus, espérant retrouver Luna, mais elle est déjà partie discuter avec d'autres élèves, toujours aussi souriante. Je m'installe alors contre la vitre, qui devient peu à peu mon endroit favori, et je mets mes écouteurs, avant de m'abandonner à la musique que je connais, la tête calée entre le siège et la fenêtre.

Le voyage est terriblement long, et malgré tous mes efforts, impossible de m'endormir. Je finis par abandonner cette idée ; ce serait bête que quelqu'un me surprenne avec de la bave au coin de la bouche pour ce premier jour. Je déverrouille donc mon téléphone à la recherche d'une distraction quelconque, et allume ma 4g. Je crois bien que ma mère a changé mon forfait juste avant le départ pour que je puisse me connecter même en plein terrain inconnu.

En effet, ma connexion marche, et bien vite, les notifications fusent. Je réponds à quelques snaps de mes amies en soupirant, et je les regarde s'extasier devant leur nouvel appartement et leur carte bleue flambant neuve.

Moi aussi, j'étais censée vivre ça, pensé-je, la mine renfrognée.

Je me recale dans mon siège, avant de voir une notification surgir. Je clique dessus ; c'est ma grand-mère. Je me redresse soudainement en m'empresse d'ouvrir son message, car je sais d'ores et déjà qu'il me fera sourire.

« Coucou ma petite-fille chérie, c'est Mamie ! Je pense que tu dois déjà être à l'autre bout du monde à l'heure où je t'écris, et je n'ai même pas pu te dire au revoir, mais sache que je pense très fort à toi ! Tes parents sont un peu idiots parfois, et ils veulent le meilleur pour toi, même s'ils ne s'y prennent pas toujours de la même façon, mais je sais que tu es capable de beaucoup. Alors, ma petite Victoria, maintenant que tu es en Russie, défonce tout, comme disent les jeunes ! Je suis sûre que tu te débrouilleras comme une chef et que tu survivras à leur école de militaire complètement débile. Gros bisous ma petite, Mamie qui t'aime et te soutient depuis le canapé ! PS : Papi dort à côté de moi mais il est de tout cœur avec toi ! PPS : Tu me ramèneras une chapka ? »

Je ne peux m'empêcher de lâcher un petit rire. Mamie a toujours sur me réconforter avec ses blagues foireuses, et je tiens beaucoup à elle. Je me dépêche de lui répondre, un sourire aux lèvres.

« Coucou Mamie, c'est pas facile mais je fais avec ! Gros bisous à vous deux, vous allez énormément me manquer <3 Et c'est d'accord pour la chapka, je t'en trouverai une belle, très authentique ! »

Je lève les yeux de mon téléphone. À l'extérieur du bus, le paysage est redevenu blanc. Je trouve le décor toujours aussi beau, mais au fond, j'ai un peu peur de voir où se situe vraiment l'institut. Le bus roule déjà depuis une heure ou deux, et nous ne sommes toujours pas arrivés.

Je commence à croire que The White Institut est complètement isolé au milieu de nulle part, et à vrai dire, cette idée ne me rassure pas vraiment.

The White Institute (en pause)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant