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Le bouclier blanc se fissurait de plus en plus dans des craquements sinistres à en faire hérisser les poils. Les hurlements lugubres du Chronosaurus faisaient tout trembler. Chan tenait Felix dans ses bras. Il devenait aussi léger qu'un enfant. Son bras gauche était presque entièrement fondu, son bras droit partiellement, ses côtes transperçaient son torse et la chair coulait affreusement, ses jambes étaient désormais inutilisables. Chan déposa doucement Félix sur le sol, ayant peur de le briser en mille morceaux comme de la porcelaine. Chan pleurait encore et une peine brûlante lui lacérait la poitrine avec violence. Il refusait de perdre Félix. L'idée même d'y penser lui était inconcevable. Chan restait à moitié statufié à cause de la glace et ça lui demandait un effort surhumain pour ne pas se geler entièrement. 

Felix était presque devenu une momie. Son visage commençait à devenir squelettique d'un côté, l'autre côté se pliait comme si c'était des rides de vieillesse qui étiraient son œil et sa joue. Chan n'arrivait pas à pleurer.

« C-Chan...

- Arrête de parler Felix... ça t'affaiblit...

- J-j'ai mal... j'ai tellement mal... »

Chan serra les poings, impuissant. La rage s'emparait de son cœur. Il aurait voulu hurler sa peine. À la place, il murmurait des mots doux à Felix. Cela ne calmait pas sa douleur.

 « P-pleure pas Felix... »

Chan essuya du bout du pouce une larme sur la joue du côté ridé du visage de Felix puis la caressa doucement. Chan posa son autre main sur le torse de son ami, du moins, ce qui y ressemblait : le toucher était gluant et désagréable.

« J'ai... m-mal... Chan... e-et j'ai peur... j'ai si peur... »

Une seule larme coula de l'œil de Chan mais il ne prit pas la peine de l'effacer car elle se gela presque instantanément. Sous sa main posée sur le torse  de Félix, sa magie de glace congelait tout ce qu'elle trouvait et faisait en sorte que les atomes qui composaient Félix se figent en glace. Chan se força à fermer les yeux, conscient de ce qu'il était en train de faire. Les poumons de Félix se transformèrent peu à peu en glace. Chan serra la mâchoire. 

 « D-dis... Chan... (Les yeux de Felix devenaient vitreux et sa peau virait au bleu.) T-tu me crois si... j-je te dis que... je v-vois... le paradis... ? »

Sa phrase s'éteignit dans un murmure et Felix toussa, mais très peu d'air sortit de ses poumons gelés. Chan devait abréger tout ça. Il passa sa main derrière la nuque de Felix et posa ses lèvres sur son front. Felix ferma les yeux d'une lenteur infinie puis il devint une statue de glace informe. Chan écarta ses mains tremblantes et ce qui restait de Félix vola en éclats scintillants en même temps que le cœur meurtri de Chan. Une longue plainte remonta dans sa gorge mais il la ravala. Cependant, Chan éclata en une marée de sanglots violents.
Il avait tué son ami.
Il avait pris la vie de Felix de ses propres mains pour ne plus qu'il souffre. 

***

Entre le Chronosaurus et la créature du Bien, l'affrontement était terminé. Les mille visages s'effritèrent, disparurent, ne laissant paraître qu'une silhouette humanoïde noire avec une pendule jaune au milieu du torse. L'ombre se transforma en poussière et s'évanouit dans les airs. Le dôme blanc s'estompa et la petite-fille battit de ses ailes irisées, regardant les quatre derniers survivants tomber dans l'océan car l'Île de Miroh s'était purement et simplement volatilisée. 

Les corps heurtèrent la surface de l'océan. Chan crut qu'il avait atterri sur une surface en béton. Il était incapable de bouger et sa vision se teintait de noir. Il tendit ses mains vers la surface de l'eau qui s'éloignait au fur et à mesure. Chan laissa échapper des bulles d'oxygène et sombra.

Lorsqu'il rouvrit les yeux, il fut étonné de l'endroit où il se tenait, flottant dans un vide spatial et des myriades d'étoiles scintillaient. Un grand poisson blanc, d'une espèce inconnue, majestueux, nageait d'une extrême lenteur autour de Chan. Sa peau était plus pure que le blanc et les yeux du poisson rappelaient une rivière translucide. 
Chan s'étonnait de ne plus ressentir aucune douleur mais il ne savait pas quoi dire à la créature en face de lui. La créature lui parla par des pouvoirs psychiques semblables à de la télépathie.

« Toi qui m'a appelé par l'Ocarina. Je sens bien dans ton cœur ce que la perte de tes compagnons t'a infligé. Sache que je peux exaucer le vœu de ton choix... mais je ne peux pas ramener les morts à la vie. Que souhaites-tu noble héros ? »

Chan avait déjà réfléchi à son vœu depuis longtemps. Mais est-ce qu'il marcherait ? La divinité n'apposait aucune règle, sauf celle de la mort. Chan était peut-être guéri physiquement, mais ses réflexions l'affaiblissaient de plus en plus. Il n'avait plus rien à perdre à présent. Chan serra son poing. Son seul vœu déterminerait de l'avenir du monde. Chan plongea son regard dans celui de la divinité et dit simplement : 

« Je souhaite que tout ce qui s'est passé, ne soit jamais arrivé. »

Tout devint blanc. Un chant doux effleura les oreilles de Chan qui ferma les yeux, bercé par la mélodie, puis des murmures que le jeune homme ne comprenait pas très bien, se répétaient. 

口ʌǝɹʍɹᴉʇǝ



𝐁𝐑𝐎𝐊𝐄𝐍 𝐂𝐎𝐌𝐏𝐀𝐒𝐒 ⋯ stray kids 🪐Where stories live. Discover now