JAKE - I

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« Allez, hop ! Une de plus. Essaie pas, tu me battras jamais. »

Je lui mis un coup d'épaule, il fit tomba sur le lit. À force de le connaître, je me  contentais de rire : j'avais fini par saisir qu'il faisait toujours semblant.

« Même le jour de mon anniversaire, tu veux pas me laisser gagner, c'est abominable ! m'insurgeai-je en passant une main dans mes cheveux, alors que mes yeux étaient encore rivés sur la télé.

Une victoire où je te laisse gagner par gentillesse n'est pas une vrai victoire, mon ami.

Park Sunghoon, je vous déteste. Heureusement que je gagne encore à ça. »

Il venait de se redresser sur le lit, je lui lançai mon oreiller à la figure.

« Je mérite une récompense ! s'exclama-t-il fièrement. »

Peut-être, c'était vrai. Sauf que je lui avais déjà donné tout ce que j'avais d'intéressant ; ce qu'il lui manquait, il pouvait se le procurer lui-même.

« Prends ce que tu veux, Buddy. Je suis à court d'idées. »

Il regarda autour de nous, l'air songeur. Il fit une, deux, trois fois le tour de la pièce, et ses yeux se posèrent sur moi. J'étais un peu confus, je dois l'avouer ; l'expression sur son visage avait quelque chose de plus sombre qu'à l'accoutumée. J'avais pour habitude de voir la commissure de ses lèvres s'étirer à chaque fois qu'il me fixait. Derrière son regard amusé se cachait une anecdote surprenante ou une blague nulle ; là, rien. Très vite, je conclus qu'il s'était perdu dans ses pensées.

Et sa bouche s'entrouvrit.

« T'as encore des Spéculoos ? »

Menteur. Il s'était ravisé.

« Je crois qu'il en reste. De toute façon, si j'en ai plus, on peut toujours en acheter. »

Je ne le suivis pas lorsqu'il disparut de la pièce pour aller chercher des faux Spéculoos. Je le regardai disparaître, et soupirai me laissant tomber sur mon lit. Ce n'était pas la première fois que ça arrivait, mais je commençais à avoir un peu de mal  à supporter cette nouvelle habitude qu'il avait de me cacher tout ce qui se passait dans sa tête.

Six ans que je traînais avec lui, et ce fut ce moment-là qu'il choisit de se mettre à jouer les garçons mystérieux ? Son comportement me désespérait, et je n'arrivais même pas à en trouver la cause.

« J'ai aussi trouvé des Oreo, t'en veux ? me proposa-t-il. »

J'attrapai le paquet qu'il me lança et le posai à côté de moi en soupirant. Je me lassai tomber sur mon matelas, sans le quitter des yeux. Il venait de mettre un biscuit dans sa bouche et avait attrapé la manette pour changer de jeu. Je le fixais intensément ; l'idée de pouvoir sonder ses pensées commençait à m'envahir l'esprit.

Il ne mit pas beaucoup de temps à se tourner vers moi, me lançant un coup d'œil surpris.

« Mmh ? qu'il me lâcha en se reconcentrant sur la télévision.

Que se passe-t-il dans votre tête, mon ami ? »

Un gloussement lui échappa et il passa sa main dans ses cheveux.

« Tu le sauras bien assez tôt.

Mouais. »

Je m'étirai. À en juger par l'horloge de mon téléphone, nous approchions des des deux heures du matin. Je jetai le paquet de biscuits sur mon bureau et me glissai sous la couette en essayant de ne pas le déranger.

« Il va bientôt être deux heures, tu devrais dormir.

Je viendrai après, t'inquiète. »

Peu de temps après, je l'entendis à nouveau quitter la pièce. Il ne fallut que quelques minutes pour que je m'endorme, seul.

Plus tard, quand je me réveillai, mon lit n'était que plus froid, signe qu'il n'avait probablement passé la nuit dans le salon. Je sortis de ma chambre et descendis les escaliers avec prudence, peu conscient, et j'appelai mon ami. Aucune réponse ne me parvint.

J'atteignis le salon et ne vis sur le canapé qu'un plaid plié et un pyjama plié, accompagnés d'une petite carte et d'un joli sachet en papier sombre.

Tout s'assembla aisément dans ma tête : une fois de plus, il avait choisi de se volatiliser sans saluer personne.

Un sentiment de frustration amère me parcourt, alors que je m'étalais sur le sofa. " Tu le sauras bien assez tôt ", il m'avait dit, la soirée passée. Balivernes.

Je pris la carte et la dépliai :

Coucou, Jakey !

Désolé de pas être resté, mais j'avais quelques urgences avec certaines personnes. Je garde ça secret, je te raconterai un jour si j'y pense.

J'ai pas eu l'occasion de te donner ton cadeau, alors je te le laisse ici. J'espère qu'il te plaira, j'ai mis longtemps à choisir.

Entraîne-toi à Mario Kart, histoire de pouvoir me battre avant l'année prochaine. Ce serait dommage de perdre aussi le jour de ses 18 ans, non ?

Passe une bonne journée,
Kiss kiss, Sunghoon.

Des secrets. Il commençait à n'y avoir que cela entre nous. Sa carte était trop courte pour que j'en sois satisfait. Trois petits paragraphes ? Je le savais capable de bien plus. Je m'en souvenais encore, de cette fois où il avait écrit trois pages à son ancienne copine.

Mon ami me manque. Le Sunghoon que je connaissais serait encore là : « Pourquoi je partirais ? C'est ta journée, je dois la passer avec toi. C'est ce qu'on fait, entre potes. »,il m'aurait dit. Il m'aurait raconté ses querelles interminables avec n'importe qui pour n'importe quoi. Il m'aurait traîné un peu partout dans la ville, à m'acheter tout ce qui traînait. Nous nous serions retrouvé à rien faire, allongés sur mon matelas, à ne rien faire.

« Jake – Oui ? – Je t'aime bien, tu sais. – Je sais. Moi aussi, je m'aime bien. Je t'apprécie tout autant. »

Que nenni.

À présent, je ne pouvais me contenter que du petit porte-clé en forme de Lune qui jouait entre mes doigts.

→ porte-clés ;; enhypenUnde poveștirile trăiesc. Descoperă acum