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HEESEUNG - VI

« Calme tes idées meurtrières, tu sai- Écoute, il est mignon, c'est pas ma faute. Je cède facilement. Il va finir par le retrouver, de toute façon ! Il ne doit pas être allé bien loin, non ?

- Hein ? »

Coupé court dans ma discussion avec Sunghoon, je tournai la tête vers le son que je venais d'entendre et aperçus Jungwon au bout du couloir. Depuis combien de temps était-il là ?

« Ça fait cent ans que je te cherche ! Tu fais quoi ? »

Il arriva devant moi, les mains serrés sur les anses de son sac, l'air un peu confus à la vue de Sunghoon. Pour être honnête, je le comprenais : je ne traînais jamais avec les deux en même temps, et j'avais pour habitude de le retrouver à l'entrée, le matin.

Néanmoins, ce jour-là, nous nous trouvions en situation de crise. En tant qu'ami fidèle, je me devais encore une fois de supporter Sunghoon, même si le gars dont il me parlait depuis des lustres ne m'avait pas l'air très futé.

« Jungwon, commençai-je en pointant du doigt mon interlocuteur, voici Sunghoon. Pour la faire courte, on était dans le même club l'année dernière. Et ça, c'est Jungwon.

- « Ça» ? répéta Jungwon en fronçant les sourcils. Tu m'appelles pas « ça » quand tu viens chez moi pour-

- J'abrège, le temps presse ! Je te présenterai plus dignement un autre jour. »

Ma gorge se dessécha en un temps record. Sunghoon me fixait avec un regard insistant, sans doute en quête de précisions. Je n'avais ni la motivation ni la volonté d'éclaircir la situation.

« Bref, tout ça pour dire que nous sommes actuellement légèrement occupés. Tu veux pas retourner avec Sunoo ? Il doit avoir des trucs plus intéressants à faire que nous. Je reviens dès qu'on a fini. »

Je ne me sentais pas tellement de le rajouter dans des histoires qui ne le concernaient - et ne l'intéresseraient - sans doute pas. Avec un peu de chance, je me disais qu'il comprendrait. Pourtant, ses sourcils se froncèrent, et une moue déprimée s'installa  sur son visage alors qu'il fixait Sunghoon.

« S'il-te-plaît, insistai-je, j'en aurai pas pour longtemps. C'est promis. Je t'achèterai des Haribo si tu veux.

— Crocodiles PIK, hein, précisa-t-il.

— Crocodiles PIK. »

Il soupira, mais fit quand même demi-tour en jetant un regard vers nous. Très vite, il disparut du couloir. Je me tournai vers Sunghoon en frappant des mains.

« Vous ! Nous avons encore des choses à régler. Dis-moi que j'ai le droit d'aller lui remonter les bretelles. De toute façon, même sans ton accord, je le ferais, mais c'est toujours mieux lorsque tu me donnes ton aval.

— Laisse-le tranquille, répéta-t-il une fois de plus. Je l'aiderai à le chercher plus tard, c'est tout.

— Je te ne reconnais plus, soupirai-je, dépité. Si c'était moi, tu m'aurais ignoré pendant deux semaines. L'amour de rend réellement zinzin, truc de dingue. »

Je passai une main dans mes cheveux. Cet enfant me dépassait, et j'avais un problème avec sa gentillesse excessive vis-à-vis de son béguin. "Il est trop gentil pour ceci, il ferait pas de mal à une mouche, il a juste pas fait ça mais je le connais..." Oui, oui ; que des balivernes. Ce type avait surtout l'air totalement con. Dix ? Quinze ans qu'ils sont potes et le mec avait toujours pas capté que son meilleur pote était totalement à fond sur lui ? Il n'était jamais sorti avec personne ou quoi ?

J'aimais bien Sunghoon, même il me tapait un peu sur le système depuis qu'il était amoureux. Certes, il reste mignon, mais toujours ennuyeux.

« Tu veux pas nous aider à mettre la main dessus ? »

Mes épaules s'affaissèrent.

« Seulement parce que t'es mon pote. Ton Jake là, dès que je le vois, je le retourne.

— Hé ! »

Il posa une main sur son torse, faussement offensé. Le sourire timide qui naissait sur ses lèvres me faisait toujours fondre. Il était trop adorable pour que je ne le porte pas dans mon cœur. En fait, depuis qu'il avait le béguin, je n'arrivais plus à le gérer.

Sauf qu'il a toujours eu le béguin pour Jake. Il est ingérable à la base.

Sunghoon était trop gentil pour ce Jake, et j'avais un peu peur que cela ne lui porte préjudice. Je ne pouvais que me contenter d'avoir peur, de toute façon ; avoir peur et le supporter. Parce que, aussi bête son meilleur ami soit-il, il n'arrêtera jamais avant de s'être mangé le mur.

« Viens, c'est bientôt l'heure d'y aller, souligna-t-il après avoir regardé sa montre. »

Sans répondre, je le suivis jusqu'aux escaliers.

« Sinon, t'as déjà pensé à te confesser ? demandai-je curieusement, puisque l'idée venait de germer dans mon esprit.

— Oui, et je pense que je ne le ferai pas. J'y ai déjà réfléchi, c'est la meilleure solution. »

Sa réponse était fluide, claire. Un peu comme s'il s'attendait déjà à ce que je la lui pose. Il avait déjà dû se la poser assez souvent lui-même pour y répondre aisément. Je ne savais que peu de la relation que partageait les deux, n'étant ami avec Sunghoon que depuis peu, mais, sur le moment, je m'étais dit que son choix devait être le bon.

Au rez-de-chaussée, nous nous séparâmes, et je trouvai Jungwon assis sur l'extrémité d'un banc, en train d'écouter des chanson en gribouillant sur son carnet. Je m'approchai de lui par derrière pour lui piquer un écouteur.

« T'écoutes quoi ? lui demandai-je en m'accroupissant près de lui.

— Rien de spécial. Lana Del Rey, je crois.

— Tu crois ?

— La playlist est en aléatoire. »

Il se décala pour me laisser une place. Je m'assis à côté de lui.

« Il a quoi, ton Sunghoon ?

— Rien de bien méchant. Il est piqué, c'est pas vraiment sa faute. Son pote a perdu son porte-clé. »

De mon sac, je sortis une pochette. J'avais besoin de faire mes devoirs avant d'arriver en classe. Je pris le temps de vérifier mes consignes avant de chercher mes exercices.

« Un porte-clé, tu dis ? répéta curieusement Jungwon.

— Ouais, un porte-clé.

— Son pote ressemble à quoi ? »