SUNOO - IV

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Le petit détour par le supermarché s'était transformé en un trajet interminable. J'avais égaré Ni-Ki plusieurs fois parce qu'il ne prenait pas le temps se s'arrêter à chaque fois que je réfléchissais face à un article, trop occupé à remplir notre sac de sucreries en tout genre. Il oubliait toujours qu'à la fin, c'était moi qui devait tout porter. Même si cela en faisait plus pour moi à partager avec Jungwon, le soir, je détestais ça.

Nous en étions sortis avec une dizaine de paquet sous le bras ; il n'allait certainement pas tous les manger. Comme à son habitude, il en avait pris trois. Trois qu'il allait soit égarer, soit partager.

« Sunoo, les balançoires sont libres ! s'était-il écrié en se précipitant vers le parc. »

À deux doigts de lâcher tout ce qu'il avait dans les mains, il trottina jusqu'à l'entrée dans m'attendre. Je le suivis sans me presser. Il était rare de les voir libre, mais lorsque ça arrivait, il réservait toujours une place pour moi avec sa sacoche en cuir.

Je le fis tomber du siège pour m'installer dessus.

On n'avait pas grand chose à se raconter, la plupart du temps. Il se balançait, je jouais sur mon téléphone jusqu'à l'heure de retourner en cours. Des fois, lorsque cela germait dans mon esprit, je lui racontais une scène inutile qui s'était déroulée, plus tôt dans la journée. Il procédait ainsi, lui aussi. Une ou deux phrases pour m'interpeller, puis un long monologue comme un parchemin qui se dépliait.

« Le contrôle c'était vraiment n'importe quoi.

- Ah oui ? »

Je haussai un sourcil en décollant les yeux de mon téléphone. Une sorte de feu vert.

« D'habitude, je révise un chouia et j'arrive et même quand je comprends rien j'arrive quand même à grappiller des points par-ci par-là, mais là... Que dalle ! J'ai rien compris du début à la fin. On aurait dit un amas de hiéroglyphes. En plus, vu l'espace entre chaque question, je crois que les autre ont fait des calculs de malades. Il y a un type là, je sais pas trop quel est son nom mais il écrivait à une vitesse ! Ça se voit, il avait révisé à fond.

- Peut-être que c'est aussi ce que tu devrais faire.

- Hein ?

- Réviser plus sérieusement. »

Peut-être que je n'aurais pas dû lui sortir cela aussi abruptement, mais c'était réel. J'étais content pour lui, en tant qu'ami, quand je le voyais passer du bon temps avec ses amis, avec moi ou n'importe qui d'autre. Quand il se plaignait faussement de futilités aussi : j'en déduisais qu'il vivait bien. Comme il devrait. Mais d'un autre côté, je ne pouvais m'empêcher de penser que se laisser vivre autant restait une mauvaise idée. Qu'un jour il se prendrait un mur, que la pression lui tomberait dessus aussi abruptement qu'elle ne m'avait écrasé et que je ne voulais pas le ramasser comme à chaque fois.

« T'as fait quoi, hier ? lui demandai-je en ouvrant un paquet de sucettes d'un coup sec. J'étais disponible, j'aurais pu te faire réviser. »

Il fuit mon regard, préférant sans doute se perdre dans le ciel qu'énoncer la vérité. J'avais raison.

« Je sais plus... J'étais sans doute en train de jouer, ou un truc du genre. »

À moitié vrai, sans doute. Cela ne me surprendrait pas de lui. Bientôt, il trouverait tout ce qu'il a sous la main pour me faire oublier son manque de débrouillardise.

« Tiens, d'ailleurs. »

Touché.

« J'ai trouvé ça, tout à l'heure sur le banc. Je me suis dit que tu l'avais peut-être perdu. »

Il ralentit et j'attends qu'il s'arrête, surpris. À part mon téléphone, j'étais certain de n'avoir rien sorti. De quoi me parlait-il ?

Sans doute de ce porte-clé en forme de Lune qu'il sortit de sa poche juste après, et qu'il me tendit, avec son sourire en coin, l'air de dire « J'ai peut-être l'air d'un plouc mais je suis un bon ami. ».

Oui, tu étais un bon ami, Ni-Ki. Sauf que ce porte-clé ne m'appartenait pas du tout.

→ porte-clés ;; enhypenWhere stories live. Discover now