15. Envahisseurs

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Ils hantent ma maison
Je les sens.

Ils sont là, en permanence, et ils font de ma vie un enfer. Ça n'a pas toujours été comme ça. J'ai toujours vécu dans cette maison, et d'aussi loin que je me souvienne, je n'ai connu que le silence et la paix. Mais du jour au lendemain, tout a changé.

Ils ont commencé à se manifester.

Je n'en ai pas tout de suite pris conscience. Au début, ce n'étaient que des petites choses que je mettais sur le dos de mon étourderie. Une porte de placard ouverte alors que j'étais persuadée de l'avoir fermée, un verre ou une assiette qui changeaient de place, ou encore des rideaux ouverts après que je les ai tirés. J'étais intriguée, bien sûr, mais je vivais seule depuis tellement longtemps que je me suis dit que c'était mon esprit qui me jouait des tours. La solitude, quand on la subit depuis autant de temps que la subissais, finit par grignoter notre santé mentale, lentement mais sûrement. Sans contact humain, on perd petit à petit nos repères, et tous nos démons, même ceux enfouis très profondément en nous, finissent par ressurgir.

Pourquoi est-ce que je m'inflige cette solitude, me demanderez-vous. Parce que je n'ai pas le choix. Le monde extérieur ne veut pas de moi, il me l'a bien fait comprendre. J'ai toujours été rejetée. Et maintenant, j'ai peur de l'affronter. Ma maison, cette maison si chère à mon cœur que mes parents m'ont laissée, est mon seul et unique sanctuaire.

Je pensais sincèrement que la solitude me plaisait. Je m'étais convaincue que c'était ce que je voulais vraiment. Je pouvais vivre la vie que je voulais, me centrer sur moi-même, et avoir autant de loisirs que je le voulais, sans contraintes, et sans avoir de comptes à rendre à qui que ce soit. J'y croyais du plus profond de moi-même. Mais ces événements ont ébranlé toutes mes convictions. Si j'étais en train de perdre la tête, c'est que cette situation ne me convenait peut-être pas, après tout.

Et cela n'a fait qu'empirer.

Après les portes ouvertes et les objets qui changeaient de place, il y a eu les murmures. Je les entendais à des moments aléatoires dans la journée. Et à chaque fois que cela arrivait, je me figeais et je tendais l'oreille, essayant de discerner ce qu'ils disaient, mais ils étaient inaudibles. Et plus le temps passait, plus ils devenaient forts. Les murmures diffus se sont petit à petit transformés en bribes de conversation. Une voix d'homme, de femme, et même d'enfants. Je les entendais par intermittence, très éloignés, comme une radio mal réglée. Les phrases sans contexte ne voulaient pas dire grand-chose pour moi.

« ... Tu ne devais pas aller le voir ? Avec tout ce qui se passe ici... »

« Je n'ai pas pu, il est absent... »

Mais le pire pour moi, c'était les enfants. Je les entendais courir dans la maison, riant aux éclats. Ils me terrorisaient, encore plus que les voix. Un jour, j'étais dans ma chambre, tranquillement assise dans mon fauteuil préféré en train lire, lorsque la porte s'est soudainement ouverte avec fracas. Des bruits de course et des éclats de rire ont envahi la pièce pendant quelques secondes, avant de s'éloigner dans le couloir et disparaître. J'étais pâle comme un linge, paralysée de terreur dans mon fauteuil, essayant de toutes mes forces de me convaincre que j'avais rêvé la scène à laquelle je venais d'assister. Mais la porte grande ouverte de la chambre, que j'avais sans l'ombre d'un doute fermée me narguait, en se balançant légèrement d'avant en arrière.

Je pensais que rien ne pouvait être pire que ça, mais c'était sans compter l'horrible nuit que j'ai passée quelques jours plus tard.

J'étais dans mon lit, lumières éteintes et rideaux tirés, presque entièrement plongée dans les ténèbres si ce n'était le faible rayon de lune qui filtrait à travers les rideaux. Le silence était total, me berçant et me faisant lentement glisser vers le sommeil, lorsque tout à coup, j'ai entendu une voix murmurer à mon oreille.

Chair de poule 2 [Terminé]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant