Chapitre 1 - Jeux de pouvoir

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Bartemius Croupton Senior se passa une main sur le visage dans un geste de profonde lassitude. Il avait passé la journée à rédiger des courriers dont les destinataires se trouvaient aux quatre coins de l'Europe, le tout pour une seule et même affaire. Tous les quatre ans, la Coupe du Monde de Quidditch apportait son lot d'incidents, et cette édition 1978 n'échappait pas à la règle. Cette fois, un supporter de l'équipe d'Angleterre, furieux que son équipe ait perdu face à la France, avait mis le feu à la tente d'un supporter français qui l'avait soi-disant provoqué. Le Français, qui dormait paisiblement au moment de l'incendie, avait accusé l'Anglais de tentative de meurtre, et l'histoire avait rapidement pris une ampleur démesurée. Pour régler cette affaire, il avait fallu échanger à la fois avec le gouvernement français dont le sorcier lésé était un ressortissant et avec le gouvernement roumain, dont le pays était l'hôte du tournoi. Du côté du ministère britannique, il avait fallu mobiliser le Département des jeux et sports magiques et le Département de la coopération magique internationale, qui avaient de concert pris en charge l'organisation de la participation des équipes anglaise et irlandaise à la Coupe du Monde. En tant que directeur du Département de la justice magique, Croupton aurait pu déléguer la paperasse à ses employés... Mais force était de constater qu'il était le seul dans tout le Département à maîtriser plus de deux cents langues. Par ailleurs, déléguer n'était guère dans ses habitudes, notamment lorsqu'il s'agissait d'une affaire internationale, qui risquait de rejaillir d'une manière ou d'une autre sur la réputation du ministre de la magie britannique. Or, Harold Minchum avait bien assez de soucis comme ça. Autant lui en épargner davantage en prenant lui-même les choses en main. Au moins, Croupton serait sûr que les choses en question seraient bien faites.

Avec un soupir, il repoussa le dernier courrier qu'il avait rédigé et jeta un œil à la pile de dossiers qui l'attendait encore. Il s'empara du premier.

L'affaire Fawley. Une bien sombre histoire. Une élève de Poudlard âgée de dix-sept ans qui avait tenté de mettre fin à ses jours en sautant du haut d'une tour. Selon elle, un autre élève l'avait soumise à l'Impérium et avait abusé d'elle à de multiples reprises. La famille avait porté plainte. Suite à un procès vite expédié, l'accusé avait été déclaré innocent, faute de preuves matérielles suffisantes. En effet, la baguette du jeune Alric Mulciber avait subi l'examen de la remontée des sortilèges, ce qui avait permis de prouver qu'elle n'avait jamais été à l'origine d'un tel sort. La baguette avait été examinée par Garrick Ollivander en personne afin de certifier que son propriétaire était bel et bien le jeune Mulciber. La famille Fawley avait argué que le garçon avait volé une autre baguette pour jeter ce sort, qu'il avait ensuite détruite, mais là encore, il n'y avait pas de preuves. Les rapports de Ste Mangouste sur l'état mental de la jeune fille prouvaient qu'elle avait subi d'importants sévices, mais la parole de Grace Fawley n'avait pas suffi à identifier un coupable. La famille avait décidé de faire appel. Mais Croupton ne croyait guère à une issue différente.

Il décida de s'occuper de ce dossier plus tard. L'affaire Fawley avait en effet d'étroites ramifications avec une enquête plus large, qui occupait habituellement la majorité de son temps et qui l'intéressait davantage. Le bureau des Aurors lui avait envoyé leur dernier rapport.

Croupton était convaincu que le jeune Alric Mulciber était coupable, même s'il ne pouvait pas le prouver. Les chiens ne font pas des chats, après tout. En effet, Croupton était convaincu depuis longtemps que Mulciber Senior faisait partie des proches de Lord Voldemort. Même si ça non plus, il ne pouvait pas le prouver. Mettre le nez dans les affaires d'Ebenezer Mulciber revenait à marcher sur de la glace. Une glace particulièrement fine. La famille Mulciber était très respectée, comme toutes les vieilles familles de sorciers prétendument « sang-pur » (le père d'Ebenezer Mulciber avait été outré que son nom de famille n'apparaisse pas parmi les « 28 sacrées » du fameux Registre des Sang-Purs publié au début des années 1930).

Les Chroniques des Maraudeurs - Tome 2 : La voie du phénixOù les histoires vivent. Découvrez maintenant