Envol

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« Foutaises ! Balivernes ! Contes pour enfants ! Légendes d'un autre âge ! » Lui avait-on répété sans cesse. Durant toute son enfance, Sérény avait été bercée par les récits de jeunesse de son aïeule. De voyages surtout, dont un revenait en particulier : celui où encore petite fille, elle avait traversé la mer, pour assister à l'éclosion de la Claraflos, la fleur mystique qui ne s'épanouissait  qu'une seule fois tous les soixante-et-onze ans. Sa grand-mère appréciait de lui conter ce périple, détaillant à chaque fois combien la plante s'était avérée magnifique, combien son parfum l'avait transportée et Sérény ne se lassait jamais de l'écouter. Ses parents cependant, voyait cela d'un autre œil, et aimerait que leur fille unique ait un peu plus les deux pieds sur terre. Le monde avait changé, tournait plus rapidement qu'autrefois, la ville et son mode de vie avaient gagné du terrain, il fallait exceller pour s'en sortir, et vivre vite.

Sérény n'avait cure de tout cela, encouragée dans son pêché par son aïeule. Il restait quelques espaces de nature autour de son village, et c'était là qu'elle se réfugiait quand le besoin s'en faisait ressentir. Personne de son âge ne connaissait les environs aussi bien qu'elle, et elle était sûrement meilleure dans ce domaine que la plupart des adultes du coin. Quand elle ne parcourait pas les étendues sauvages de la région, Sérény appréciait de bricoler dans l'ancien atelier de son grand-père, parti trop tôt, elle avait commencé à lire très jeune les plans qu'il avait laissé derrière lui, et s'était amusée à réaliser des appareils de plus en plus sophistiqués. Sur bien des aspects, elle n'avait pas grand chose d'une princesse, et elle le revendiquait fièrement.

Rien ne la prédestinait à quitter Kauhale, jusqu'à ce que la chance croise sa route. Un jour  qu'elle traînait à la taverne du coin à dessiner les habitués, elle remarqua un groupe de personnes qui ne semblaient pas du village. Elle qui ne demandait rien à personne et griffonnait tranquillement, perdue dans ses pensées, ces étrangers remarquèrent son activité. D'habitude, les habitants la laissaient dessiner en paix, prenant parfois faussement la pose pour faire valoir leur meilleur profil. Les visiteurs, interpellés, finirent par se rapprocher d'elle pour lui demander à voir ses croquis. Ceux-ci leur plurent dès qu'ils eurent posés les yeux dessus, car Sérény avait fini par acquérir une longue expérience.

« Que dirais-tu de me laisser tes esquisses ? demanda une des femmes, je serais ravie de les emmener avec moi. Ils sont charmants, et cela me ferait un souvenir.

– Désolé mais ils ne sont pas à donner, répondit Sérény, je les collectionne.

– Allons, ce serait du gâchis que de les laisser prendre la poussière dans un tiroir, répliqua la femme, allez dis ton prix !

– Si vraiment tu les veux, nous pouvons les jouer au jeu. C'est une coutume ici, nous réglons nos différents comme cela. C'est une manière comme une autre de se départager. La seule règle, c'est de ne pas jouer d'argent.

– C'est très exotique, si typique ! Les filles n'en reviendront pas ! J'accepte ! s'époumona l'étrangère.

– Bien. Si tu gagnes, je te laisse mes œuvres, et je t'en fais une de plus. Tu pourras prendre ta plus belle pause, proposa Sérény.

– Et si je perds, que voudras-tu en échange ? Nous avons avec nous de superbes objets ! proposa la femme."

Sérény n'avait que faire des babioles de l'excentrique voyageuse. Elle réfléchit un instant et un plan germa dans son esprit : il s'agissait d'une occasion à ne pas rater, car il n'y en aurait probablement pas d'autres.

" Quel est celui auquel vous tenez le plus ? demanda Sérény.

– Quoi ? Comment ça ? répondit l'étrangère, surprise.

– Tu me laisse ton objet le plus précieux, et tu reviens le chercher dans deux ans. Ce jour-là, je partirai avec vous de l'autre côté de la mer, annonça Sérény de manière solennelle. Je te donnerais toute ma collection d'œuvre en prime. Tu pourras en faire ce que bon te semblera. Une fois traversée la mer, tu ne me reverras jamais. Qu'en dis-tu ?"

La femme fut surprise et quelque peu impressionnée par la détermination de la jeune fille. Elle sentit qu'elle avait de bonnes raisons et ne chercha pas à savoir. Elle accepta, et elles jouèrent toute la nuit à un jeu local ce soir là.

Après deux longues années à ronger son frein, le moment qu'elle attendait tant était arrivé : demain, elle partirait à l'aventure. Sérény préparait cette épopée depuis de nombreuses semaines, et son sac attendait, bouclé et fin prêt, rempli de matériel de voyage et de cartes qu'elle avait elle même tracées. Même ici, en ces contrées reculées, il avait été aisé de trouver des documents qui traitaient de la Claraflos, et sa localisation générale, si ce n'était précise. Le plus dur avait été de trouver un moyen d'emmener sa grand-mère avec elle. Ce moyen, Sérény avait fini par le mettre au point, et il lui hâtait de lui faire la surprise. Ce qu'elle ferait dès le lendemain matin.

Elle rentra chez elle ce soir là, après un dernier tour dans les environs. Arpenter une dernière fois ces lieux qu'elle connaissait tant l'avait remplie de nostalgie, car elle savait qu'elle ne rentrerait pas avant de nombreuses semaines, un sentiment qui se partageait à la joie de découvrir d'autres contrées plus exotiques et plus sauvages.

Ce soir là, le repas se déroula sans encombre. Elle ne fit pas d'histoire, et se contenta de manger en silence, tout en regardant ses parents avec attention, afin de graver leurs visages dans sa mémoire. Sa mère était une femme adorable, qui se faisait beaucoup de soucis pour son étourdie de fille. Elle possédait de long cheveux couleur caramel, dont Sérény avait hérité, et des yeux de la même couleur. Bien que peu grande, sa mère arborait encore une certaine forme physique, et faisait tourner la tête des hommes du village malgré son âge mur. Son grand cœur l'avait faite se diriger dans la médecine : ses talents de guérisseuse avait déjà fait des miracles. Physiquement, Sérény tenait plus de son père, elle avait les même yeux bleus que lui, le même nez arrondi et le même visage fin. Homme rigolard en dehors du travail, il prenait son activité d'architecte très à cœur, et il avait plusieurs fois tourné le dos à la fortune : souvent, il travaillait gratuitement pour les plus démunis.

Combien de fois avait-elle entendu ses parents lui intimer de trouver un travail et un mari ? Elle ne saurait le dire, mais plus ils lui disaient, moins elle en avait envie. Elle avait décidé de garder son expédition secrète dès le premier jour, autrement, ils auraient usé toute leur salive pour la détourner. Elle n'aurait pu prendre le risque qu'ils réussissent.

La tablée était complétée par la grand-mère de Sérény, une petite femme replète au visage affable et aux petites lunettes dorées. Ses cheveux étaient blancs depuis longtemps, mais elle avait une bonne santé pour son âge. Cependant, il était évident qu'elle ne pourrait pas supporter un tel voyage à pied, ce fut la raison pour laquelle Sérény utilisé toute son ingéniosité pour contourner ce problème. Le repas achevé, ils montèrent tous se coucher, mais Sérény, gagnée par l'excitation, ne dormit que très peu.

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