Le cristal et le feu

1 0 0
                                    

"Regarde Sérény, un dolmen se dresse de toute sa hauteur pour nous surveiller. »

Sérény plissa les yeux : malgré son âge, sa grand-mère attestait d'un œil de lynx. Au loin, de gros rochers se dressaient sur un vallon. Tels des géants, ils contemplaient depuis la nuit des temps les voyageurs qui passaient sur ces terres.

La mer bleue du début de leur périple avait laissé place à une mer verte. Seule une route de pierre d'un autre âge coupait cet espace qui s'étendait aussi loin que portait le regard. Trouver un marchand pour traverser les immenses plaines de Seres n'avait pas été aisé pour les voyageuses. Peu de monde, hormis les pélerins en route pour l'éclosion de la Claraflos, avait de raison de s'aventurer dans ces terres vides. Enfin, pas si vide, car des rumeurs de sauvages agressifs les arpentant avaient rendu les marchands et voyageurs encore plus réticents. Trois jours avaient passé après leur sortie du monastère avant que Sérény ne trouva une caravane. Trois jours arpenter le port et les marchés de Lyrallia, à quémander à tous les commerçants de passage. 

Alors que le désespoir commençait à la gagner, qu'elle s'imaginait rentrer bredouille chez elle, qu'elle visualisait le regard déçu de son aïeule, elle tomba sur une caravane en partance pour sa destination, en quêtes d'épices exotiques. Les marchands de ce convois n'avaient pas peur des nomades de la plaine, pour la simple et bonne raison qu'ils les connaissaient et qu'ils savaient très bien que ce n'étaient que des préjugés de citadins. 

Le meneur de la caravane, un gros bonhomme à la moustache tombante et aux habits de laine, avait proposé de les emmener gratuitement, il trouva leur quête intéressante, et avait accepté de bon cœur. La place ne manquait pas, avait-il affirmé. Ainsi, les deux femmes se trouvaient dans une roulotte depuis une semaine déjà. Leurs moyens de transport surplombaient d'énormes mollusques, des saliankas, qui avançaient lentement mais sans jamais faire halte, de jour comme de nuit. Leurs peaux grises et visqueuses ainsi que leurs quatre yeux situés au bout de tentacules avaient rebuté Sérény de primes abords, mais la douceur et la placidité de ces animaux avait fait évoluer son opinion.

Au fil des jours, l'herbe verte laissa peu à peu place à des terres de broussailles brunes, qui montaient à hauteur de taille. D'immenses cristaux blancs et violets, massifs comme des châteaux, crevaient la terre. Ce dolmen était le seule construction humaine qu'ils croisaient depuis l'avant-veille. Seul le vent soufflant dans les hautes herbes troublaient la quiétude de la région. 

Sereny avait été impressionnée par ces cristaux pourpre. Elle se dit une fois de plus que le monde regorgeait de merveilles. Alors que la journée s'annonçait tout aussi paisible que les précédentes, le convoi entendit des éclats de voix au détour de l'un deux.

« Attention ! Cria une voix à leur gauche, baissez-vous ! »

Tous eurent le réflexe de se jeter à terre, Sérény empoigna sa grand-mère sans réfléchir et sauta à l'avant de la roulotte, mettant son corps en protection. Sa chute fut amortie par les hautes herbes, et elle aperçut une fraction de seconde plus tard un flot de feu qui passa au dessus d'eux. Les parties touchées des chariots se trouvèrent allumées de flammèches. Comme toujours, les saliankas restèrent imperturbables.

« Les dragons de cette année sont bien vigoureux !" déclara la même voix en riant.

Sérény se releva lentement, puis souleva sa grand-mère.

« Sérény, ma douce, je me suis blessé à la jambe. »

La jeune femme regarda la cheville de son aïeule, celle-ci enflait à vue d'œil. L'homme qui les avait interpellés s'approchait à grand pas. Sa tunique de cuir s'ouvrait sur un torse bien dessiné, tandis que sa crinière de cheveux noirs flottait au vent. Le plus surprenant dans son apparence restait les cornes qui ornaient son front, et qui encadraient des yeux aux pupilles orange. Autour de lui, voletait une petite créature ailée couleur bronze, ressemblant à un reptile. D'abord ébranlée par l'aspect étrange, mais aussi par la beauté, de cet étranger, Sérény eut un temps d'arrêt. Elle reprit cependant bien vite ses esprits, en voyant sa grand-mère souffrante et les autres voyageurs en piteux état. Un feu de brousaille brûlait près d'eux, mais l'étranger ne semblaient en avoir cure.

La quête de la ClaraflosWhere stories live. Discover now