Chapitre deux : Des instants mémorables, jusqu'alors inexpérimentés

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Juin 1861.

A mon arrivée au port de Londres, je suis tout de suite impressionnée par le nombre de personnes, et par conséquent le bruit typique de la ville. Après des semaines passées en mer, il s'agit là d'un changement radical d'environnement. Mary, qui a eu le mal de mer pendant une bonne partie du voyage, ne peut retenir un long soupir de soulagement.

-Eh bien, quelle aventure ! J'espère que vous resterez le plus longtemps possible ici Mademoiselle, je ne tiens pas à recommencer une telle traversée de sitôt.

Thomas, aidé de porteurs chargés de nos affaires, va nous chercher une calèche et nous nous mettons alors en route pour l'auberge où mon oncle et ma tante nous attendent depuis quelques jours. Depuis la calèche, dirigée par un magnifique cheval de robe blanche, j'observe les rues de Londres, émerveillée. Nous passons devant plusieurs parcs où de nombreuses familles se promènent, profitant du soleil en ce mois de Juin. Nous croisons également des cavaliers, et je ne peux m'empêcher de m'imaginer sur l'un de ces chevaux, allant à la découverte de ce pays. A Baltimore, j'ai appris l'équitation dès mon plus jeune âge, et il me tarde de recommencer à monter à cheval.

-Votre famille a certainement leurs propres écuries dans le Kent, Mademoiselle, me dit Thomas, devinant ce à quoi je suis en train de penser.

-Je l'espère, je lui réponds en souriant. D'autant plus qu'ils habitent tout près du littoral. Quelle joie ce serait de galoper sur la plage...

Du peu que j'en ai vu, Londres et l'Angleterre m'enchantent déjà. Cependant, en passant dans plusieurs rues, je suis prise d'un sentiment d'injustice en apercevant des enfants vêtus de haillons mendier. J'ordonne au cocher de s'arrêter devant l'un d'eux, un jeune garçon frêle aux traits fatigués. Il ne doit pas avoir plus de 10 ans. Je m'approche de lui et lui tends quelques pièces, qu'il accueille avec des yeux ronds, stupéfait par mon geste.

-Où sont tes parents ? Je lui demande.

-Morts M'dame...

Sonnée, je me revois alors à 10 ans, incapable de prononcer cette phrase, même en pensée. Admirative devant son courage, j'ajoute le reste des pièces se trouvant dans ma poche à sa petite main. Il me remercie, les larmes aux yeux, avant de courir en direction d'une femme qui lui ressemble et doit être de sa famille. Je remonte dans la calèche sous les yeux bienveillants de Mary et Thomas. D'autres mendiants nous regardent alors que le cheval nous conduisant repart au trot. Je détourne le regard, impuissante.

-Vous ne pouvez pas tous les aider, Mademoiselle, me dit Mary, compréhensive.

C'est ainsi que je vois deux visages de Londres au cours de ce trajet, les mêmes que je voyais aux Etats-Unis : la ville riche qui prospère, et la ville emplie de misères. Je me sens alors reconnaissante de faire partie de la première catégorie et ce depuis ma naissance, certains n'ayant pas cette chance.

La calèche s'arrête finalement devant une auberge accueillante, dans une rue paisible et bien entretenue. Nous descendons et j'entre dans le bâtiment, nerveuse à l'idée de revoir mon oncle et ma tante que je n'ai pas vus depuis 10 ans. Ils sont assis à une table présentant de nombreux mets qui ont l'air vraiment appétissants. Ma tante, Grace, est la première à nous apercevoir. Elle se lève aussitôt et parait très émue :

-Oh Eliza !

Elle me prend dans ses bras et je lui rends son étreinte.

-Que tu as grandi, et quelle jolie jeune femme tu es devenue !

-Merci tante Grace.

Mon oncle Harry s'avance alors, tout sourires :

-Bienvenue en Angleterre, Eliza. J'espère que le voyage fut agréable.

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