Chapitre 2

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Mai 2002

Eden

18 ANS

- Non, je t'assure, je n'ai pas envie de venir, je vais trop m'ennuyer.

Sébastien me regarde avec un air de chien battu. Ca fait cinq minutes qu'il essaye de me convaincre de l'accompagner à l'anniversaire de sa petite sœur. Comme si j'avais une tête à faire du baby-sitting.

- C'est samedi soir mec, tu ne préfères pas aller en boîte ?

- Si carrément, me répond celui-ci, mais si j'arrive à surveiller les ados boutonneux ce week-end, mes parents me payeront un week-end à la mer avec Maxine.

J'attrape la manette de la console tandis que la musique de Mortal Kombat se fait entendre.

- Ok donc si je comprends bien, je viens jouer les chaperons avec toi à l'anniv de ta sœur et, en échange, toi tu te barres un week end à la mer avec ta copine. J'y gagne quoi moi ?

Seb attrape l'autre manette et me rejoint sur le canapé de ma chambre.

- Ma reconnaissance éternelle mon ami ! Je te revaudrais ça je te le promets.

Alors que le combat commence et que nous appuyons comme des forcenés sur les boutons pour nous entretuer, je le questionne :

- Maxine sera là ?

- Bien sûr qu'elle sera là. C'est ma petite amie.

Je soupire. Je n'aime pas cette fille qui accapare tout le temps mon ami. En plus je sais que si je viens, je vais devoir tenir la chandelle toute la soirée. Je préférerais sortir et emballer une fille ce soir. Je n'ai même pas rappelé celle de la semaine dernière. En réalité je lui ai même donné un faux numéro pour être sure qu'elle ne me harcèle pas. Il me faut une nouvelle proie pour le week-end. Pour m'occuper l'esprit.

Comme d'habitude ma mère s'est barrée pour le week-end avec sa nouvelle conquête. Ça fait dix ans que mon père est parti et, depuis, ma mère a dû me ramener au moins cinquante mecs à la maison. A l'entendre à chaque fois c'est l'amour fou, c'est le bon, c'est l'homme de sa vie. Et puis, ils se disputent encore et encore et après vient la haine et les insultes. C'est toujours la même rengaine et je suis fatigué. Alors quand elle est là je pars, un peu à droite à gauche, souvent chez Seb. Ses parents ont l'habitude de m'avoir à leur table sans prévenir depuis que j'ai une douzaine d'années.

Devant mon mutisme, Seb met le jeu en pause et se tourne vers moi.

- Eden, tu es mon voisin et mon meilleur ami depuis tellement longtemps, s'il te plait fais ça au nom de notre amitié.

Il se laisse glisser du canapé pour se retrouver à genoux devant moi en joignant ses mains pour me supplier.

- Si tu ne le fais pas je ferais de ta vie un enfer. Je dirais à toutes les filles qui te plairont que tu as une maladie infectieuse. Je ferais foirer tous tes plans dragues jusqu'à tes cinquante ans, je le jure sur ma tombe.

Je pouffe de rire en lui envoyant au visage un t-shirt qui trainait en boule sur le canapé.

- Ok, espèce d'enfoiré, je viendrais mais je te promets que tu me revaudras ça en quintuple !

***

- N'importe quoi c'est Britney Spears la plus sexy.

Je secoue la tête avec conviction.

- Mais pas du tout. Attends tu as bien vu ce clip ; Shakira a un déhanché de malade. Je suis sure qu'elle va faire un malheur cette fille.

La fête de Zoé avait démarré depuis plus d'une heure et je m'ennuyais déjà comme un rat mort. Je tapais la causette avec un gamin de première pour savoir qui de Britney Spears ou de Shakira était la plus sexy. Appuyé contre un mur du salon, j'avais réquisitionné quelques bières que les gamins avaient essayé de ramener en douce et me les enfilais pour survivre à cet enfer. Je me doute qu'il devait encore y en avoir en circulation mais franchement je m'en foutais. J'avais accepté de venir mais pas de jouer les flics. De toute façon, Seb avait disparu dès que Maxine avait débarqué, comme d'habitude. Ces gosses c'était sa responsabilité, pas la mienne.

Apres avoir terminé ma conversation passionnante, je me dirige vers la salle de bain du premier étage.

Je pousse la poignée mais la porte est fermée à clef.

Je tape du poing sur le bois.

- Bougez-vous j'ai besoin d'aller pisser.

Aucune réponse. Je tape plus fort et me met à crier :

- J'espère que vous n'êtes pas en train de vous envoyer en l'air là-dedans

Je colle mon oreille sur la porte et entends du mouvement de l'autre côté. Quand celle-ci s'ouvre brusquement je me manque de tomber vers l'avant et me retrouve nez à nez avec Zoé qui me fusille du regard.

- Très classe Eden vraiment !

Je lui tire la langue en riant. Je commence à être un peu bourré et cette gamine me fait toujours rire quand elle prend ses grands airs. Je la connais depuis qu'elle a six ans. Elle est un peu comme ma petite sœur à moi aussi. On s'aime et on se déteste autant que de vrais frères et sœurs.

Elle se décale pour sortir et je vois derrière elle une fille sortir de nulle part. Elle est assez jolie. Enfin, je crois car ma vue commence à se brouiller. Elle est blonde avec des yeux noirs rehaussés de très longs cils et une peau claire. Ses lèvres sont pleines et brillantes et ses cheveux tombent en cascade sur ses épaules frêles. Je crois l'avoir aperçue tout à l'heure mais elle n'était pas habillée ainsi. Elle porte une sorte du bustier noir très saillant et un jean moulant taille basse. Une ceinture avec des cercles métalliques entremêlés pend de sa taille. C'est celle de Zoé, je la reconnais parce que je me suis souvent moqué d'elle quand elle la porte. En fait, je crois bien que ma petite voisine a prêté ses fringues à sa copine. Dommage que cette fille soit une copine de Zoé, vu comme je suis en manque elle aurait pu m'intéresser mais bon, je crois que la bière sera ma seule compagnie pour la soirée. Merci encore Seb !

- Allez, les mini-pouces, dehors maintenant.

Je montre la sortie en faisant une révérence.

Zoé souffle en sortant et sa copine lui emboite le pas un fixant le sol pour éviter mon regard. Elle a l'air coincé.

Ma voisine s'arrête net et fait demi-tour avant que j'ai pu refermer la porte. Elle pointe son index vers moi et me menace du haut de son mètre cinquante.

- Eden t'as pas intérêt à gâcher ma fête, je te préviens !

Je rigole de voir sa mine toute chiffonnée.

- Bien sûr, Zoé, tu me connais. Et toi petite merdeuse, ne bois pas trop de bière, je n'ai pas envie de ramasser ton vomi.

Elle pousse un grognement de colère, tape du pied et redescend l'escalier. Sa copine lève enfin son regard vers moi et je suis subjuguée. Elle est vraiment jolie en fait et ce n'est pas l'alcool qui parle. Son regard est tellement profond, c'est comme si un million de vies s'y entrechoquaient. Elle parait si candide et si mûre en même temps que ça en est étrange. J'ai envie de lui dire quelque chose, j'ai envie de savoir qui elle est, mais aucun mot ne sort de ma bouche. Nous nous fixons simplement sans rien dire. Zoé et sa voix haut-perchée brisent cet instant hors du temps.

- Anthéa tu viens ou tu prends racine ? 

Ce temps qui nous échappe -Sous contrat d'édition chez First Flight Edition -Where stories live. Discover now