CHAPITRE 2

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   Les graviers craquaient sous les pneus et les tilleuls de l'allée nous baignaient dans l'ombre chaude du mois de mai. Le bourdonnement du moteur fit place aux petits piaillements des oiseaux. Nous étions arrivés, la vieille carte n'était pas si labile, finalement.

— Vous voyez ! On n'est pas mort, ironisais-je.

Maman se retourna brusquement, instinctivement, je me reculai et m'enfoncai dans mon siège. Mes mains se crispèrent et mon ventre se noua, je ne me souvenais plus qu'elle était sur les nerfs. Elle vit ma crainte, car aussitôt elle souffla et son visage se détendit. Je déglutis mais ne bougeais pas d'un pouce. Pris de court, je n'avais pas remarqué qu'elle avait quitté ses lunettes de soleil et posé son magazine sur le tableau de bord.

— Ne donne pas une nouvelle occasion à ton père de me refaire la morale ! sermonna-elle d'une voix faussement douce.

Elle se tourna vers mon père, qui repliait la carte, puis soupira en secouant la tête. Je l'observais, ses gestes étaient saccadés, elle sortit en claquant la portière et remonta son pantalon aussi haut qu'il le lui permettait. Je n'arrivais pas à cerner son état d'esprit, ni même à prévenir ses actions, elle me stressait.

Adam ne semblait pas être dérangé par cette ambiance délétère, ses écouteurs de nouveau dans ses oreilles, il ne semblait pas avoir remarqué que nous ne roulions plus. Désespérée par son comportement de tête en l'air, je ne pu m'empêcher de lui envoyer une pichenette sur la tempe droite. Je perçus sa désapprobation, lorsqu'il leva les yeux vers moi, je levai les mains en signe de paix et pointai la maison du doigt. Je lui souris de bon cœur mais il me toisa, tu l'as mérité, bien fait pour toi ! me disputai-je.

Il s'empressa de mettre en veille sa console, puis regarda à travers la fenêtre tout en se craquant les doigts. Un cognement me fit sursauter. Je me tournai vers celui-ci et vis ma mère penchée vers mon carreau la main en visière tentant de nous apercevoir au travers. Je lui lançai un regard interrogateur auquel elle s'empressa de répondre sur un ton agacé;

— Il vous faut une permission pour sortir ?

Elle m'insupportait, je m'empressai de sortir de la voiture, pour ne pas la mettre en rogne plus qu'elle ne l'est déjà, toujours en train de crier, faut la faire boire du thé, ça va la détendre ! Reste zen Lysandre, reste zen.

Le vent, étonnamment frais, vint me caresser le visage et fit virevolter mes cheveux, amenant jusqu'à mes narines l'odeur des plantes arrivés à terme de floraison. Mes poumons s'emplirent et se délectèrent de l'air sein, profitant ainsi de nettoyer les ondes négatives qui circulaient dans mon corps. Finalement c'est peut-être moi qui ai besoin de prendre une tisane.

Notre maison n'était pas la plus jolie du quartier, ni la plus grande, mais son jardin rehaussait les couleurs ternes de la brique, faisant davantage ressortir les couleurs roses des bégonias plantés l'année dernière par papa. La couleur avait fait polémique entre mes deux parents, ma mère préférait le jaune, mais papa prétendait que la couleur allait faire fade avec les grands arbres de l'allée. Maman ne voulait pas abandonner et avait donc convaincu mon père de planter des jonquilles aux pieds des arbres. Je jetai furtivement un coup d'œil vers eux, les hirondelles n'étaient toujours pas revenues dans le nichoir à oiseaux, peut-être avaient-elles élu domicile ailleurs ?

Je fis mes premiers pas depuis le déjeuner, mes jambes flageolaient dans ma trajectoire incertaine elles me conduisaient jusqu'au perron. Haut, c'était le mot qui me venait à l'esprit en regardant les quatre petites marches.

— Laurence les bagages ! l'interpella mon père la tête dans le coffre.

Elle n'avait pas perdu de temps, déjà à l'intérieur, elle se plaignait de l'odeur de renfermé et ouvrait les volets. Avant de passer la porte d'entrée, je zieutai derrière moi et vis mon père encombré par nos trois valises, je souris, je suis sûre que Adam voudra bien lui filer un coup de main, m'étais-je certifiée.

Noyée la tête hors de l'eauDonde viven las historias. Descúbrelo ahora