Vingt-cinq.

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Salam.

Partie plus courte que d'habitude.


Vingt-septième jour dans la rue.

Il fait froid j'ai faim mon dernier repas remonte à avant-hier soir, un morceau de pizza. Je suis fatiguée et je me demande quand est-ce que je vais mourir.

Parfois des maraudeurs passent nous proposer une soupe chaude mais ça fait six jours que je ne les ai pas vu.

En parlant d'eux un groupe d'une association s'approche. Un jeune homme âgé sûrement d'une vingtaine d'années s'accroupie et me demande comment je me porte.

Mais yeux se contente de le fixer.

Lui - tu vas bien ?

Je fais signe de ne pas savoir, les mains en avant et les épaules montantes. Je suis quand même à la rue.

Lui - tu sais il y a des centres d'hébergement qui peuvent t'aider, ils propose un repas chaud et une nuit voir plus.

Je refuse, mon expérience enfermée avec des inconnus m'a fait comprendre que plus jamais je ne prendrai une nouvelle fois le risque de me retrouver seul dans une pièce avec une ou des personnes potentiellement dangereuses.

Lui - je comprends, je peux connaître ton nom ?

J'hoche la tête et lui fait signe de tendre sa main. Sur sa paume, avec mon doigt, je trace chacune des lettres de mon prénom qu'il énonce au fur et à mesure.

Lui - S... A... Hafsa ?

- hum..

Lui - enchanté Hafsa moi c'est Lloyd.

Je lui montre mon pouce, il sourit et me demande avec toute la gentillesse du monde s'il peut s'asseoir près de moi. J'acquiesce.

Il s'installe alors sur la gauche dans cette ruelle à peine éclairée pour y voir nos visage. Je lui propose toujours sans parler de partager mon repas avec lui. Il refuse mais je refuse aussi de manger sans lui. Il acceptera finalement un morceau de pain.

Lui - on discute ?

Je le pointe du doigt, il rit.

Lui - j'ai vingt-deux ans je suis étudiant en psycho' je vis chez mes parents j'ai un chat qui s'appelle Moustache et c'est tout, ma vie n'est pas très passionnante.

Je lui fais comprendre que si.

- Lloyd on y va !

Lui - ah je dois y aller, prends soin de toi Hafsa on se revoit dans deux jours !

Je lui souris et il s'en va après m'avoir salué d'une main.

Cette courte conversation m'a fait énormément de bien. Même si je suis restée silencieuse Lloyd est très sympa. Ça crée un peu de lien que de parler ne serait-ce que cinq minutes. Entre le manque de considération et de respect envers les gens sans domicile, et la rupture sèche avec le monde extérieur.. le moindre bonjour devient source de plaisir. Qu'en est-il d'un petit monologue ?

Après avoir finit mon repas, je me cale de façon à ce qu'on puisse le moins me voir possible et je m'endors.

C'est nuit là, j'ai rêvé qu'à mon réveil mon ancien moi me réveillait et me montrait le bout de la vétustée ruelle. Son doigt pointait Samir et Badr debout regardant en ma direction. Je me suis alors dépêcher de me lever et de courir pour fuir.

Ma nuit a été très agitée.

-

Trente-quatrième jour dans la rue.

Ce matin comme tous les autres depuis maintenant un peu plus d'un mois je marche en direction de la gare où je ne tarde pas à me poser à l'entrée, sur un banc mouillé et froid.

Les gens ne font pas attention à moi, ils courent café en main ou téléphone à l'oreille, dans la peur de rater le prochain train. Alors que la foule commence à se former, le soleil se lève et vient gifler mon visage.

Je plonge ma main dans le papier kraft de boulangerie pour attraper le croissant que j'ai osé acheter en cours de route. Le premier croc est indescriptible : le gout du beurre ni trop absent mais assez présent pour qu'on sente son goût. Il est léger, aéré, cuit comme la France le demande. Pas trop blanc ni trop cramé, et surtout à un goût, lui, indescriptible. Les choses simples deviennent les plus belles, je me sens privilégiée de pouvoir profiter de mon croissant au beurre assise sur un banc sans courir après le temps. Sur ma gauche mon verre cartonnée de jus d'orange fraichement pressé et directement versé de la carafe de la boulangerie.

Mon instant dure quelques courtes minutes mais c'est comme si ça ne s'arrêtait jamais. Et quand il a fallut jeter mes déchets, j'étais souriante et satisfaite de m'être sentie pendant quelques secondes comme chacun des passants.

Je suis bien misérable de rapporter mon existence à une simple viennoiserie. Mais croyez moi le fait de pouvoir se faire plaisir donne l'impression d'avoir le droit d'exister.

Toute la matinée le sourire m'est resté scotché au visage. J'ai erré dans le métro, les bus, et les trams. J'ai erré dans les parcs et dans les grandes rues de la ville. J'ai souris à chaque passant sans vouloir me cacher de qui que ce soit. Mon seul mets de la journée avait suffit à me rendre heureuse.

Quand la nuit commençait à tomber je me suis rendu près de la ruelle où je passais mes nuits, derrière l'hôtel du Grand Boulevard. A la place ou j'avais l'habitude me mettre un petit sac ne ressemblant en rien à une poubelle. Je l'ouvre sans réfléchir et y trouve un bol de soupe, une mandarine, un morceau de pain et de fromage avec un petit mot « bon appétit Hafsa » signé au nom de Lloyd. Il n'était pas censé venir aujourd'hui je suis un peu déçue de l'avoir raté, la prochaine fois je rentrerai plus tôt.

-

Hafsa.

Disparue - HafsaWhere stories live. Discover now