Deux.

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Salam.

Hafsa est un personnage fragilisé par son parcours.

Depuis peu je repense à ce soir là. Ma tête n'arrête pas de tourner en boucle cette séquence : j'essaie de me débattre des mains de ces hommes et puis je cris le nom de Taysir. Je ne sais même plus à quoi il ressemble mais je sais qu'il porte des casques sur la tête. C'est ce que je vois avant qu'on ne pose ses mains sur mes yeux et qu'une horrible douleur survienne sur le haut de mon crâne. Et puis ensuite, plus rien. C'est comme s'il la suite n'existait pas.

Et je me réveille en sueur dans les bras de mon mari qui essaie tant bien que mal de me calmer.

Samir - c'est bon chuuut.. calme toi respire tout va bien je suis là.

Je me mets à pleurer une énième fois. Je m'excuse une énième fois.

Samir - c'est rien Sassou c'est rien.

Il avait les mots et les gestes pour me calmer. Alors que je reprenais ma respiration une envie folle de régurgiter survient. Je me lève et court jusqu'aux toilettes ressortir le repas d'il y a quelques heures. Samir arrive et pose sa main sur mon dos puis caresse ma nuque. J'ai chaud et ma gorge me fait profondément mal.

Samir - ça va aller ?

- je..

et c'est reparti pour un tour..

[...]

Après avoir pris une douche froide en plein milieu de la nuit je me suis blottie contre son torse pour essayer de me rendormir. Qu'est ce que je l'aime cet homme : il m'a tout donné même si je n'avais rien en échange. Je ne sais pas comment je pourrais faire sans lui c'est le pilier de ma vie le plus important. Il n'est plus seulement mon mari, il a aussi le rôle d'ami et de confident. Il me comprend sans que je ne dise un mot et pour rien au monde je ne l'abandonnerai.

Mais depuis ces derniers mois je réfléchis à quelle sens donner à ma vie. Plus ma mémoire me revient et plus je me mets à mal. Mes sentiments, mon amour pour celui qui partage ma vie depuis quelques petites années maintenant se confrontent à la réalité. Il m'aime je le sais, mais il est aussi impliqué dans mon mal-être, puisque le premier nom entendu quand j'ai ouvert les yeux dans cette pièce sombre harmonisé par l'odeur de pissé et d'humidité, c'est le sien. 

- rendors toi Mimi.

Il détestait ce surnom il y a des années, aujourd'hui je me permets il a finit par craquer.

Samir - je t'aime Hafsa ne l'oublie jamais.

Ces petits moments là n'étaient pas rare avec lui mais ils étaient tellement sincères. Il savait me faire sourire, c'est inévitablement le meilleur. Et pourtant je doutais parfois de la sincérité de ses mots doux, de ses gestes et caresses, de l'amour qu'il me porte. Et puis j'ai honte. Honte de l'aimer et de le laisser m'aimer. Et l'amour triomphe à chaque fois lorsque mes pensées se font la guerre.

- moi aussi je t'aime.

Il embrasse mon front et rabat la couverture sur nous. Morphée pouvait à nouveau nous border.

-

Au petit matin il avait le droit à un vrai. petit déjeuner. Des oeufs, des fruits, un produit laitier et des tartines craquantes à la confiture de fraises. Rien de mieux pour commencer une longue journée.

Après notre petite discussion il m'a embrassé avant de me souhaiter une bonne journée et disparaître. Moi, je le regardais partir derrière la fenêtre. Et puis comme à chaque fois je me perdais loin dans mes rêves je me construisais une vie imaginaire avec des amis, une famille.

C'est drôle à dire parfois ils me manquent. J'ai une meilleure amie dans ce monde qui s'appelle Sira elle est de Palestine. Puis j'ai un grand frère qui se nomme Idriss et un petite soeur que j'ai décidé d'appeler Naya. On est très proche elle et moi, on est une petite famille du sud de la France. Croyez moi ou non ce sont ces petits moments de rêvasse qui me permettent d'exister. Autour de chaque personnage je crois être quelqu'un, je crois vivre pleinement ma vie de jeune femme au coeur rempli d'amour et entourée des siens.

Parfois, dans la vie réelle, je pleure parce que je suis remplie de peine. Je suis quand même arrivée au point où j'imagine faire partie d'une famille, au point où je crois être aimée par des gens qui ne sont que le fruit de mon imagination. Et puis je pleure parce qu'ils n'existent pas. Ni mon frère, ni ma soeur. Ni Sira la palestinienne. Je pleure parce que je suis condamnée.
Et le jour d'après je me remets à rêver.

Ma vie est maussade. D'ailleurs je n'aime plus l'idée de rester enfermer ici. Je ne me plais plus dans le rôle de femme au foyer j'ai envie de bouger de sortir de rencontrer d'autres personnes que celles que j'invente.

C'est horrible pour moi je n'ai pas l'impression d'être à ma place. Comme si en vérité je ne vivais pas ma propre vie. J'étais juste témoin de mes actes, de mes sentiments, comme quelqu'un de mort intérieurement.

Autour du repas je fais le choix d'en parler à mon mari. Il est d'abord un peu sceptique à l'idée que je m'intègre dans la vie active ses arguments s'appuient sur mon manque d'expérience et de diplômes qui entraîneraient une difficulté à trouver un réel emploi.

Je tente de le dissuader de me refuser cette semi-liberté. Je me défends comme je peux et c'est sûrement ma forte volonté et ma détermination qui finissent par m'encourager quand je lui explique ce que je ressens.

Il est toujours à l'écoute quand j'ai à lui parler et comprend toujours ce que j'ai à lui dire. Il a les mots pour tout, sait quand intervenir et quand il ne le faut pas.

- heureusement que tu es là.

Samir - je serai toujours là pour toi.

Je l'aime, du plus profond de mon coeur. Et jamais cela ne changera.

-

Hafsa.

Disparue - HafsaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant