Vingt-six.

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Salam.

Trente-huitième jour dans la rue.

Lloyd - j'avais l'habitude de venir ici avec ma petite soeur.

Je souris et regarde devant nous, cette étendue de verdure et les lumières qui l'illumine. Le paysage est beau, des collines de couleur vives, quelques groupements de sapins, de chênes répartis individuellement ou de platanes d'alignements formant consciemment de longues passerelles piétonnes. Au milieu on retrouve de magnifiques fontaines d'eau harmonisant l'espace naturel familial et paisible.

Nous sommes assis sur l'herbe en hauteur depuis près d'une heure. Lloyd a dit vouloir me faire découvrir un magnifique endroit. Il n'a pas tord c'est un superbe lieux. Il ouvre un sac cartonné et y sort une boite, puis une seconde, des verres, et deux bouteilles en verre. Une d'eau, l'autre de ce qui ressemble à du jus d'orange. Puis il n'arrête pas de sortir de petites choses de son sac.

Je le regarde faire les yeux pétillants prêts à laisser couler mes larmes.

Lloyd me sourit.

Lloyd - petit pique-nique improvisé.

Je regarde toutes ses bonnes choses préparées et refuse d'un signe de tête.

Lloyd - aller accepte s'il te plaît, on est plus des inconnus et ça me ferait plaisir de partager cet énième repas avec toi.

Je lui souris, il n'a pas tort. Lloyd et moi nous connaissons depuis un petit bout de temps maintenant. C'est la septième fois que nous venions à nous poser ensemble. Je ne l'ai jamais remercié oralement mais je l'ai fait avec le coeur, les gestes et il l'a comprit.

Dans un calme presque complet nous partagions notre repas. Il m'a entendu murmurer cette parole que l'on cite à chaque début de repas, et cette fois il a répété après moi. Il avait préparé des lasagnes et était fière de lui que d'avoir pu cuisiner une viande halal.

Lloyd - mais en fait c'est une viande comme une autre très facile à cuisiner, le goût est légèrement différent mais sinon c'est très bon aussi.

Comme toutes les autrefois c'est lui qui animait le rendez-vous. Il me racontait sa journée ou une anecdote et je me contentais de réagir par le rire ou le silence.

Lloyd est très aimable avec moi, et j'apprécie énormément sa compagnie. Il est cette petite chose parmi pleins d'autres qui me donne le courage et l'envie de continuer, de ne pas renoncer.

- merci, Lloyd.

Il me regarde surpris et redépose son morceau de poire piqué au cure-dent. C'est la première fois que le timbre de ma voix résonne dans son oreille. Je lui souris et tourne la tête vers le décor face à nous. Un air frais passe au même moment. Je sens son regard sur mon visage mais je n'ose pas le regarder. Il n'a entendu que ma voix mais j'ai l'impression de m'être livrée à lui, de lui avoir confié toute mon histoire.

Lloyd - de rien répond-il d'une petite voix.

Il s'allonge alors de façon à regarder le ciel bleu qui s'assombrit au fil du temp, complètement nu d'étoiles. Un silence non-lourd s'est imposé doucement qu'il finit par cassé.

Lloyd - si il y a bien une chose pour laquelle je m'en veux c'est d'avoir un coeur qui s'accroche à tout.

Je le regarde sans comprendre, il continue de fixer le ciel.

Lloyd - il y a des choses qui sont durs à accepter.

Je m'allonge également sur sa droite et observe à mon tour le ciel. Ça détend, de regarder au-dessus de nos têtes. Ça aide à penser et s'évader quelques temps.

Lloyd tourne sa tête vers la mienne, je le regarde. Quand nos regards se croisent je vois une chose dans ses yeux, une lueur que je n'oublierai jamais. Quelque chose que je n'ai vu dans aucun autre regard.

Lloyd - tu es magnifique Hafsa.

- ...

Je n'ai pas su quoi répondre ni quoi penser. Je le pense aussi pour lui, qu'il est magnifique. Une magnifique personne attentionnée et agréablement belle de l'intérieur. Mais je n'ai pas l'impression de voir les choses comme il les voit.

Lloyd - je sais que je ne devrais pas mais c'est trop tard.

Qu'est-ce qui est trop tard ?

Je lui fais part de mon incompréhension, il me sourit et regarde à nouveau le ciel. Je continue de l'observer, son sourire ne se détache pas de ses lèvres.

-

Cela fait maintenant quarante-deux jours que je suis à la rue. J'ai l'impression d'y être depuis beaucoup plus longtemps. La notion du temps est floue pour ma part. Une semaine ou trois jours, est-ce vraiment important ? Le plus soucieux est de savoir jusqu'à quand cela durera.

Je ne sais pas si je dois me motiver pour accepter l'aide de ceux qui me la propose ou si je continue de vivre ma vie de marginale. Je ne sais pas si j'ai envie de m'inscrire à nouveau dans une démarche de vie en tant que citoyenne, si je ressens vraiment le besoin d'être reconnu socialement de travailler de me faire des amis d'être entourée ou si je me contente de se mode de vie.

J'ai appris à vivre seule et en extérieur et à ne m'accrocher qu'à ma religion. C'est vraiment l'une des choses premières qui me fait tenir. Je suis instable, un jour je veux mourir un autre je veux reprendre ma vie en main. Un jour je veux être seule et un autre je pleure ma solitude.

Ma foi, elle est loin l'époque où je devais me lever chaque matin pour travailler. Je vivais tellement plus sainement. Pas de grand stress pas d'envie suicidaire pas de pensées noires ni d'envie de disparaître. Par contre ce qui a toujours été présent c'est mon sentiment de solitude. Avant je ne l'étais peut-être pas physiquement puisqu'entourée de mon mari, sa famille, ma voisine, mes collègues de travail. Aujourd'hui c'est une solitude poussée, hormis Lloyd que je vois un jour sur trois je suis profondément seule dans mon malheur et mon mal-être.

Mais bon la vie est belle parait-il, en tout cas jusqu'à ce qu'on vous l'empoisonne.

Hier j'ai passé la nuit dans ma ruelle habituelle. Je me suis cachée entre les poubelles puisque des hommes rodaient pas loin. Je m'imaginais le pire. J'ai eu ce qu'il ressemble à une crise de panique. Une respiration lourde et rapide à la fois, une difficulté à trouver un rythme régulier. Je sentais mon coeur battre rapidement et mes larmes se mettaient à couler. Il ne m'est rien arrivé.

Au matin, couverte d'une grande veste de couleur grise d'un voile noir et d'un bonnet de la même couleur, j'ai erré dans la ville. Simplement pour me sentir proche du monde. J'ai très vite été prise de fatigue alors je me suis assise sur un banc et je regardais les gens passer.

- excuse-moi ?

Je relève ma tête vers la droite où se tient un jeune homme surement proche de mon âge.

J'attends qu'il fasse sa demande.

- tu.. t'as besoin d'aide ?

Je lève les épaules. Je sais pas, est-ce que je veux de l'aide ?

Il me regarde longuement quelque chose semble le surprendre.

- je suis désolé c'est juste que t'as l'air jeune pour te retrouver à la rue.

Il y a des choses qui arrive, des parcours de vie différent, des accidents de la vie.

- tiens si t'as besoin tu peux appeler sur ce numéro quelqu'un pourrait t'aider.

Je souris et accepte sa carte. Je la range, il me tend également un sachet où j'y trouve un sandwich et une boisson.

- merci.

Il me regarde peiné en souriant difficilement du coin de la bouche puis disparaît mener sa vie.

Que de peine.

-

Hafsa.






Disparue - HafsaWhere stories live. Discover now