Episode XLI : Rose noire

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La rose mortelle commença alors à planter ses racines sous terre. Ses graines destructrices étaient sous la forme de deux mains, pâles, dépourvues de leurs gants habituels. D'abord une, puis deux, ses racines étaient sujettes à des milliers de divisions successives. Elles glissaient, presque miraculeusement sous la terre, empoisonnant les terres grises de Neverland. Elles se propageaient telle la peste, il fut un temps, inarrêtables. Un court moment passa, puis ce fut tout le Neverland occupé qui était pris. Mais alors qu'un calme absolu régnait en maître dans les allées du monde, des cris d'enfant commencèrent à se faire entendre, puis d'adulte.

Dans un premier temps, qui ne serait pas apeuré en voyant toutes ces racines surplombées ce monde ? Elles étaient de véritables anomalies dans ce monde si carré et rectangulaire. Elles poussaient, encore et encore des tréfonds de la terre, montaient. Elles menaçaient, bien que les esprits l'ignoraient, de les faire disparaître à jamais. Certaines racines étaient plus importantes que d'autres, pouvant être aussi petite qu'une fleur lambda. Dans un second temps, ces racines sombres et obscures s'avérèrent être des tiges.

...et je m'élançais vers ce tunnel sombre.

La différence de luminosité qu'il y avait entre l'extérieur et celui-ci était importante. Il me fut un certain temps pour m'y habituer, mais même après cela, je n'y voyais quasiment rien. Le plafond était étonnement bas, si bas que je craignais qu'il s'écroule à chaque instant. Je me demandais s'il y allait y avoir des pièges comme dans les séries, je restais au maximum sur mes gardes. Il y avait une pente avant de s'enfoncer dans les souterrains, une pente assez raide. Le sol était jonché d'une couche épaisse de poussière bien que le reste du corridor ne l'était pas. Il y avait un silence complet, oppressant. Le seul bruit que j'entendais était celui de mes pas. C'était étrange, tout était si différent de la dernière fois, mais exactement comme. La porte blanche que j'avais vue était bien plus proche dans mes souvenirs, cependant, je ne la vis qu'après une bonne dizaine de minutes. J'écartai ce détail quand je me retrouvai en face de la mystérieuse porte blanche. Je me rappelai, c'était d'où venait la voix. Je n'étais pas obligée de l'ouvrir, cette porte, mais prise d'une curiosité morbide que je ne connaissais que trop déjà, je le fis.

La porte grinça lourdement, et ce ne fut que peu après que la lumière s'activa en un cliquetis incertain. Elle grésillait. Je riais jaune, plus je m'aventurais dans les catacombes, plus perturbantes et dérangeantes, elles étaient. J'ignorais, pour quelles raisons cette salle a été utilisé, je souhaiterais ne jamais le savoir. Je me trouvai dans ce qui semblait être une salle d'hôpital, mais je doutais sincèrement que ce soit le cas. Pourquoi avoir une salle d'hôpital à Neverland ? Cela était insensé. Il y avait des lits - non, plutôt des capsules ? - vide des deux côtés de la salle, toutes vides. J'avais, pendant une centième de seconde penser, que ce serait plus troublant et inquiétant d'en voir des vides que de les voir prises.

Je m'étais lourdement trompée.

Mon regard ne pouvait se détourner de cette femme aux cheveux blancs, au milieu de la pièce, dormant tranquillement dans un sommeil profond, trop profond. Elle me faisait penser à Blanche-neige et à son cercueil de verre. La femme aux cheveux blancs avait une peau pâle -aussi pâle que la mienne, sur elle, il y avait une magnifique robe aux tons roses clairs. Elle avait un détail qui ressortait de tout le reste - parures, bagues...- c'était ce bandeau noir, qu'elle avait sur les yeux. Je fronçais les sourcils avant de m'approcher d'elle. Cette femme m'hypnotisait, c'était comme si j'avais une voix, au fond de moi, qui me criait d'y aller. Lentement, je sentis le monde autour de moi devenir, flou, flou et toujours plus flou. Je plissai les yeux pour rattraper cette soudaine baisse de vue, en vain. Reproduisant parfaitement mon expérience à l'hôpital, je ne distinguais que des formes, quand la lumière décidait de me laisser les voir. Le bruit de crépitement de l'éclairage -un son certes désagréable, mais rassurant- se faisait plus distant, comme un écho que l'on entendait au loin. Ces éléments, accouplés à cette brutale impression, me firent comprendre ce qui se passait, bien que cela fut confirmé peu après.

Une fois suffisamment près du corps, je le regardais fixement, sans raison, du moins c'était ce que je pensais. Je rapprochais ma main de sa main, j'avais ce sentiment qui filait à travers mes doigts quand ceux-ci entrèrent en contact avec les siens, un sentiment qu'ils ne m'étaient pas inconnus. J'avais l'impression que l'on ne s'était jamais séparée. J'avais l'impression, cette si curieuse impression de retrouver une vielle amie. J'avais le sentiment de connaître ce visage. La revoir, avait fait naître en moi des souvenirs, si lointains que j'en oubliais l'existence. Une perle d'eau traversa ma joue. J'essuyais cette larme imprévue, et l'observais. Munis de toute ma force, je réussis à faire glisser le couvercle de sa boite, je le retirai en le jetant par terre dans un énorme fracas. Je tenais fermement sa main figée et celle-ci se mit à me rendre la même ferveur. La femme aux cheveux blancs tourna son visage vers moi, toujours ce bandeau noir aux yeux. Je hoquetai, les yeux écarquillés d'horreur :

-Lily ! Que t'est-il arrivé ?

-Il... Il m'a retiré de l'Entité, me susurra Lily de sa voix enrouée, elle peinait à respirer. Je ne sais même plus ce que je suis désormais. Peut-être une âme ? Peut-être un esprit ?

J'entrouvris ma bouche afin de répondre, mais elle me coupa.

-Ne dis rien. J'ai compris maintenant, je n'aurai jamais dû exister.

Sur ces paroles, sa tête se remit dans la position qu'elle avait plus tôt, comme si rien ne s'était passé, comme si cette discussion n'avait pas eu lieu. Son visage se refigea, avoir cette si courte conversation l'avait dépossédée du peu d'énergie qui lui restait. Je pris une inspiration puis pris la carcasse de Lily entre mes maigres bras, déterminée plus que tout à ne pas la laisser pourrir ici. Je me dirigeai vers la porte d'entrée, regardais une dernière fois cette pièce lugubre et ce cercueil dépouillé de son corps au milieu. J'éteignais la lumière et quittais cette maudite sale pour de bon. 

"Je ne te laisserai pas tomber. C'est nous deux ou rien."

Je portais alors ce qu'il restait de ladite Lily sur mon dos tout en continuant mon avancée. J'ignorais qui elle était vraiment et j'ignorais même qu'elle était sa relation avec moi, avec nous. Mais je n'avais pas le chois, car c'était Colaïa qui avait pris le contrôle de l'Entité désormais. Enfin, je croyais ? Je n'avais pas compris grand-chose à cette dernière scène, hormis le fait que je ne pouvais point y interférer.  

Je n'étais que pure spectatrice.

Œil de LuneWhere stories live. Discover now