𝐗𝐈𝐈

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    Quatre mois plus tard.

    J'entrai dans un petit café à l'angle d'une rue peu fréquentée. Une clochette sonna lorsque je poussai la porte d'entrée, indiquant ma présence aux personnes attablées, ainsi qu'aux employés de l'endroit. Le café était simple, chaleureux, il m'était déjà arrivée d'y aller pour travailler, ou simplement pour m'aérer l'esprit. Je balayai l'ensemble de la pièce jusqu'à apercevoir, tout au fond, sous un tableau représentant une mer déchaînée, un adolescent à la chevelure sombre et à l'air sage.
    Il pianotait sur son téléphone, ce qui était rare pour lui. Il n'était pas très branché à tout ce qui était numérique, et j'étais contente qu'il en soit ainsi. En quatre mois, j'avais eu le temps d'en apprendre bien plus sur celui qui s'était avéré être mon fils biologique. La conversation entre nous se faisait naturellement, avec entrain et intérêt, nous avions tous les deux beaucoup de choses à nous dire.
    Au début, nous ne nous voyions que les vendredis soirs, où je le raccompagnais jusqu'à chez lui après sa leçon de piano. Puis, on avait commencé à se voir le weekend, à nous promener sous la neige de janvier, dans les roseraies en février, au cinéma en mars. Henry avait tout d'un enfant parfait. Il était mature, intelligent, curieux du monde qui l'entourait. Et plus le temps passait, plus je décelais une ressemblance entre lui et Kalter. Tous les deux avaient la tête froide, les pieds sur terre. Ils s'attachaient au concret, aux chiffres, à ce qui était acté et démontré. Cependant, Henry était moins matérialiste que sa mère, il était même bien plus spirituel. J'avais découvert chez lui une passion accrue pour l'espace, dont il m'en parlait des heures durant.
    J'allai le rejoindre à sa table. En m'entendant arriver, il releva les yeux de son portable et un sourire s'invita sur ses lèvres.

    — Salut ! fis-je.
    — Hey ! Je t'ai commandé un cappuccino, je crois que t'aimes bien ça.
    — Effectivement.

    J'ôtai mon manteau que je posai sur la banquette à côté de moi.
    On débuta la conversation avec les formalités. On se racontait notre semaine, lui au collège et moi à l'Assemblée.
    Depuis que j'avais quitté le lycée, j'avais repris pleinement mes fonctions politiques. Et même si j'avais été pressée de reprendre, ce métier ne me semblait plus aussi incroyable et enrichissant qu'avant. J'aimais toujours ce que je faisais, ou du moins ce n'était pas détestable, mais c'était bien loin de la passion que je ressentais en enseignant au lycée.
    D'ailleurs, j'avais revu Noelia entre-temps. Elle me racontait ce qu'il se passait là-bas, et me parlait beaucoup de mon remplaçant, un certain August Booth. Mon amie le décrivait comme un passionné d'histoire, très charmant et mystérieux. Elle me disait que les élèves semblaient bien l'aimer, mais ceux d'une classe qu'on partageait disaient que je restais la meilleure. Entendre ça m'avait autant confortée que déchirée dans l'idée que la politique n'était peut-être pas ma place.

    — Je... Aujourd'hui j'aimerais qu'on parle de mon père, avoua Henry. 
    — Qu'est-ce que tu veux savoir sur lui ? Je ne suis même pas sûre de me souvenir de quelque chose, hasardai-je.
    — Comment il était ? Comment il s'appelait ? Comment vous vous êtes rencontrés ?

    Je laissai échapper un petit ricanement en entendant toutes ses questions. Je savais qu'il finirait par me les poser, je savais que ça le titillait depuis le début.
    En quatre mois, j'avais eu le temps d'en apprendre sur mon fils non seulement grâce à nos conversations mais aussi grâce à Thomas que je continuais à aller voir toutes les semaines. Son état s'était plus ou moins stabilisé, mais s'il était loin de voir le bout du tunnel. On parlait beaucoup d'Henry durant mes visites, il tenait à savoir comment ça se passait entre nous. Et pendant que nous discutions, il m'avouait de plus en plus de choses sur la vie de mon fils, sur le caractère de son père adoptif que je ne connaîtrais malheureusement jamais.
    Cette histoire m'avait brisé le cœur, aussi bien pour Henry que pour Kalter, et j'essayais d'éviter ce sujet un maximum. Une fois, malencontreusement, j'avais fait une gaffe en demandant à Henry s'il avait des frères et sœurs. Sa mine s'était aussitôt attristée, et je m'en étais terriblement voulue d'avoir dit ça. Il m'avait répondu qu'il avait eu un petit frère, mais qu'il ne préférait pas évoquer cette partie-là de sa vie pour le moment.
    Henry me posait énormément de questions sur moi, ma vie, mon enfance. J'essayais à chaque fois d'être la plus précise et transparente, sauf que certains détails ne pouvaient pas être divulgués, parfois par honte de mes actes, ou parce que je ne voulais pas le brutaliser avec mes traumas. Je lui avais déjà vaguement décrit son père mais sans rentrer dans les détails, et c'est à cet instant que sa curiosité sur ses origines s'était éveillée. Il avait compris que je connaissais son père, ou du moins qu'il n'était pas un total inconnu, et que je pourrais répondre à ses questions.

KALTER || 𝐬𝐰𝐚𝐧𝐪𝐮𝐞𝐞𝐧Where stories live. Discover now