Chapitre 28

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La main douloureuse d'écrire, Draco s'arrête, au beau milieu de la nuit. Il n'a pas la moindre idée de ce qu'il peut bien écrire, mais la certitude de le faire le rassure déjà. Dans un coin de son esprit, il tente de cacher les maigres informations qu'il a finalement recensées sur Helena, que ce soit sur elle, ou sa situation particulière de membre de la C.E.D.M. .

Ce qu'il sait, se résume finalement à une grande quantité de renseignements. A commencer par sa propension à apprendre et utiliser la magie comme elle l'entend, créant toutes sortes d'objets ou formules magiques qui pourraient l'aider à dépasser ses limites. Ensuite, elle et son caractère occupé ont pour habitude d'arpenter la faculté dans tous les sens pour suivre ses cours, les rattraper, ou fouiller la bibliothèque.

Et pour finir, le caractère étrange de sa relation avec son elfe de maison, Danah, qui semble bien plus libre qu'elle ne l'aurait été dans une famille de sorcier telle qu'il la conceptualise. « ...toutes les deux des survivantes. », lui avait dit la sorcière, sans préciser pourquoi. Et maintenant, sa curiosité inextinguible semble s'animer à nouveau.

Avec un grognement sourd, il se masse le poignet en posant son stylo-plume, le bouche de sa main valide, et pose son front contre la table tout en s'employant à dénouer les nerfs crispés de la main. Vivement, la douleur transparait plusieurs fois avant de s'effacer, se déplaçant à mesure que sa main gauche s'acharne sur la seconde pour la soulager.

Finalement, Draco déclare forfait, les deux mains crampées. C'est à peine s'il peut ouvrir la porte à Theodore dix minutes plus tard. Celui-ci semble s'en rendre compte, puisqu'il prend l'initiative silencieuse de la refermer de lui-même.

- Alors ? Tu avances ?

Ils avaient prévu de se voir ce soir pour que l'étudiant à lunettes donne son avis sur le premier jet de la nouvelle version. Draco a dû revoir ses prétentions à la baisse, et a préféré demander son avis à Theodore, passionné de lectures classiques, avant de remontrer à Helena l'étendue des dégâts.

- Je me suis arrêté... j'avais mal à la main. Le dernier mot que j'ai écris n'est même pas entier. Et la phrase non-plus.

Theodore hausse les épaules, s'assoit sur le lit et tend les mains pour recevoir le carnet.

En le regardant de plus près, jetant un œil à la couverture, le sorcier ne fait pourtant pas de remarque sur le coût évident du livre, lequel ne laisse entrevoir son texte que quelques secondes la ligne avant de l'effacer.

- Helena, songe-t-il rapidement avant de se mettre à lire.

Il fait glisser son doigt le long des lignes pour les suivre, et imagine tout aussi vite que l'encre ne provient pas d'une plume, tout comme les lettres régulières n'ont pas été tracée par l'une d'entre elles. Draco qui attache pourtant, visiblement, beaucoup d'importance à ce qu'il écrit, n'a pas écrit à la plume, ni à l'encre noire. Le texte est clair, bien que parfois chargé, et les détails semblent lui sauter au visage avec la discrétion d'un serpent sillonnant les herbes hautes : surprenantes, angoissantes, étranges, parfois à demi avouées, parfois en entier, et parfois, à trouver.

- Tu as une idée de ce que donnera la suite ? demande-t-il en lisant la dernière ligne.

- Oui. Tu veux le savoir ? demande Draco avec espoir.

Theodore secoue la tête.

- Non. Je veux la lire.

Il se relève, et lâche comme s'il n'y pensait pas :

- C'était bien.

En fait, le jeune homme semble ailleurs jusqu'à ce qu'il sorte de la chambre, avec la chaire de poule. Adossé au mur, il fixe devant lui, intrigué.

- Tu as vu un fantôme ?

Il ne sursaute même pas. Il se contente d'acquiescer :

- J'ai vu son fantôme. Le fantôme qu'il a écrit pour Peter. Il est doué. Très doué.

Helena sourit en s'adossant au mur, juste à côté de lui.

- Je sais.

Au bout d'une minute, Theodore tourne la tête vers lui, la dévisageant derrière ses verres épais. Décidé à poser la question qui le perturbe depuis un temps certain, il demande, ouvrant les lèvres :

- Pourquoi tu t'intéresse à Draco.

- Et toi ?

- Ce n'est pas un jeu. Je te pose la question sérieusement, réplique-t-il.

Elle semble regretter qu'il perde patience aussi vite, et contrariée, elle répond :

- Pour une raison qui ne te regarde pas.

- Je suis son ami, j'ai le droit de le savoir.

- Son ami peut-être, mais pas le mien, répond-elle en plantant son regard froid dans le sien.

Theodore a l'impression de perdre l'équilibre une seconde, avant de se remettre sur pieds. Il fronce les sourcils.

- Je ne te suis pas.

- Pour me suivre, il faudrait comprendre comment je réfléchis, et tant que j'ai décrété que tu n'avais pas à le savoir, tu ne le sauras pas, dit-elle en glissant les mains dans ses poches.

Elle lui tourne le dos et sort de son champ de vision. Il ne sait pas par quel tour de passe-passe elle a sorti la fille de l'infirmerie de son sort, ni comment elle a pu aider Draco à sortir de sa malchance avec l'aide du Ministère. La seule chose qu'il sait, c'est qu'elle est dangereuse, et que si elle semble être aimable et utile de prime abord, c'est un peu comme se fier au diable, et à ses capacités.

Quand on ne sait pas sur quoi on tombe, il vaut mieux parfois fuir le problème que de l'affronter. Et c'est le sentiment de malaise qu'elle vient de lui procurer qui le fait se retourner pour frapper à nouveau à la porte.

Il suspend néanmoins son poing à quelques millimètres du bois, près d'une mornille, pour être exact.

Theodore regarde ses doigts avec une attention nouvelle, et une détermination de métal froid. Si elle cache quelque chose qui pourrait nuire à la nouvelle personne qu'est devenue Draco Malfoy après la guerre, il s'occupera personnellement de régler la question. En attendant, il est préférable pour lui de s'attaquer au casse-tête le plus long qu'il n'ait jamais rencontré.

- Mais comment une fille comme elle peut-elle être autant de choses ?

Des personnages de papiers. C'est ce qu'il ressentait quand il a lu les premiers écrits de son ami écrivain. Ses personnages étaient plats, sans reliefs. Mais maintenant, il leur a glissé un souffle de vie extraordinaire, rendant leurs actions plus fragiles qu'avant, au profit de profils précis de personnages. Au point que les êtres qui peuplent le début de l'histoire qu'il vient de lire auraient pu exister, d'une manière ou d'une autre.

Theodore serre les dents, baisse le bras, et recule. Il se détourne de la porte, pour s'enfoncer dans le couloir.

- Qu'est ce que tu cherches à faire avec lui, Helena ?

Un temps pour apprendreWhere stories live. Discover now