Chapitre 32

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Draco passe le plus clair de sa journée à tenter de nettoyer le sang séché qu'il a sur les mains, et qu'elle a sur le visage, renversant la bassine d'eau en marchant dessus deux fois, faisant tomber trois piles de livres et cahiers, et faisant le mort les deux fois où on a frappé à sa porte.

Mais c'est avec une gêne incroyable qu'il en vient au point où il devrait lui retirer sa chemise rêche aux tâches maronnées, et qu'il doit en chercher une neuve dans l'armoire. Il en trouve finalement une, la redresse, après avoir passé tant de temps à l'allonger dans le lit, et a déboutonner le tissu les doigts tremblants.

Au vu de l'état dans lequel elle était deux heures plus tôt, il ne se doute pas qu'avant de réfléchir à quoi que ce soit, ou de lui donner le temps de s'expliquer, la seule chose qui risque de lui arriver si elle se réveille maintenant, c'est de se faire mettre dehors avec perte et fracas. Après une quinzaine de minutes difficiles, Draco change d'idée. Retirer la chemise était déjà laborieux, en remettre une serait un cauchemar. Il ne cherche même pas à regarder l'état de la sienne, plus que conscient qu'elle ne doit pas être dans un blanc maculé.

Il soupire, et s'adosse au pied forgé du lit. Ceux qu'ils avaient à Poudlard étaient plus confortables. Et ils étaient en bois massif. Avec des baldaquins, forts inutiles ici, puisque tout le monde a sa propre chambre. Il regarde un moment la poitrine d'Helena se soulever, et s'affaisser, avec une facilité qu'il aura mis longtemps à obtenir, et avec trois tisanes différentes. Perdu dans ses pensées, il ne détourne les yeux qu'au moment où il se souvient qu'elle est en soutien-gorge.

Elle grogne et se retourne dans le lit, pour se mettre sur le côté, dos à lui. Draco attrape la couverture pour la poser sur ses épaules et se relève en soupirant.

Ramassant son désordre, il sourit à la pensée de son livre, finalement édité.

- Ne vous attendez pas à un franc succès, lui avait dit l'homme. Mais je vous paye déjà trente Mornilles, et une Noise par vente. Ça ne fait pas grand-chose, mais si ça se vend, vous serez content de les avoir.

Draco sort la carte de sa poche et la pose sur le bord de ce qui pourrait être un bureau, croulant presque sous le poids excessif d'une trentaine de monstres sous forme de blocs de papier, aux lignes tantôt manuscrites, tantôt imprimées, annotées et marquées par des bandes de papiers glissées entre les pages.

Finalement, elle se réveille, se redresse comme un mort revenu à la vie, et tente de faire le point sur ce qu'elle voit. Quand elle pose les yeux sur lui, elle ne semble même pas se poser de questions, et se contente de demander :

- J'ai dormi combien de temps ?

- Un peu moins de six heures.

Helena retrousse les lèvres, mécontente.

- Quel enfer, marmonne-t-elle en s'asseyant sur le rebord du lit, pâle. Elle a encore la marque profonde de ses cernes sous les yeux. Et elle n'a pas l'air d'avoir la force de se lever. Sans un mot, Draco s'approche d'elle, et rallume le feu.

Elle sent une odeur de tomate se dégager de l'âtre, et plisse les yeux.

- Qu'est-ce-que c'est ? demande-t-elle en se penchant doucement.

- De la soupe. Je l'ai faite tout à l'heure. Tu n'as pas mangé ton assiette qui était là.

Il montre un endroit où la vaisselle se trouvait avant qu'il ne jette le tout, écœuré par la vie qui commençait à naître dans les restants de nourriture. Du reste, il a été passablement étonné de trouver des légumes dans un panier, sous le bureau, et en l'absence de toute inquiétude, il n'a pas hésité à tenter de les cuisiner. Ou du moins, cuisiner ce qui est de son domaine de compétence : soupe ou purée.

- Comme je ne savais pas quand tu avais mangé, j'ai préparé ça.

Elle hoche la tête, et avise la tasse aux multi-sachets posée sur le sol, à côté de son pied nu. Elle se penche pour l'attraper.

- Comment tu as trouvé ça ? demande-t-elle en sortant les petits contenants à l'odeur aigre.

- Ta... carte m'a montré.

- Ma carte, répète-t-elle pâteusement en la cherchant du regard.

Elle tend la main vers le passe-partout, qui s'envole rapidement vers elle, et la saisissant au passage, elle la regarde d'un air intrigué.

Draco la fixe par-dessus son épaule, curieux, et détourne le regard quand elle tourne la tête vers lui :

- Comment ça a marché ?

- Je ne sais pas... elle s'est illuminée en rouge, et a dégagé de la chaleur. Elle s'éteignait selon l'endroit où je la positionnais dans l'espace, alors j'ai voulu voir ce qu'elle voulait montrer. Tu as eu l'air d'aller mieux... après avoir bu.

Elle ricane faiblement.

- Tu aurais pu me tuer en m'en donnant un de plus, tu le sais ?

Le sorcier blêmit.

- Je suis désolé.

Elle secoue la tête, comme brusquement à peine consciente de ce fait, et joue avec les sachets, nouant et dénouant leurs fils blancs. Elle soupire au bout d'un silence, et le regarde.

Avec stupeur, il se rend compte que la couleur de ses yeux a encore changé. Comme une plante soumise aux éléments, la couleur des iris d'Helena change régulièrement. En fonction de son humeur, de la magie qu'elle utilise, il a déjà remarqué, de la lumière, ou de l'endroit où elle se trouve. Et le vert luisant qu'elle arbore à présent lui fait penser à une immense lassitude que même son regard ne cache plus.

Il détourne les yeux encore une fois, et soupire à son tour.

- Tu devrais te reposer.

- J'ai faim, dit-elle comme si elle mâche le dernier mot.

- Ce sera bientôt prêt, répond Draco, tu devrais te rallonger en attendant.

Un second silence flotte, au bout duquel elle dit :

- Félicitation pour ton livre.

Il se retourne vivement vers elle.

- Tu n'étais pas venu me voir pour me parler de ça ?

Il ricane de la rhétorique, et acquiesce, le sourire aux lèvres.

- Si, c'est de ça dont je voulais te parler au départ. Mais ça peut attendre. Allonge-toi.

- Je vais me rendormir, si je m'allonge.

- Ce n'est pas ça qui te tueras, rit-il.

Elle ne répond pas à la plaisanterie, et il se retourne vers elle pour la regarder. Elle se tient juste derrière lui, assise sur la barre de métal du lit, les épaules voutées, et le regard habité. Lui a les manches très exceptionnellement noires de suie, a du sang séché sur le col, et les cheveux en pétard, grisés par les moments où il a glissé ses mains noires dedans pour les replacer hors de son champs de vision.

Ils ont l'air en piteux état. Mais elle tente de sourire quand même, et la voir faire le met mal à l'aise.

- Tu as dit que tu ne faisais pas semblant, avec moi, marmonne-t-il.

- J'ai dit ça ?

- Oui. Tu ne le pensais pas ?

Elle hausse mollement les épaules.

- J'imagine que depuis, il y a prescription.

- Pourquoi ?

- Parce que je m'investis, dans notre relation, répond Helena en regardant les flammes s'enlacer dans la cheminée.

- Pour quoi ?

Il s'assoit face à elle pour mieux la dévisager, quand elle le surprend par un sourire vif :

- Parce que j'en ai envie.

Un temps pour apprendreTempat cerita menjadi hidup. Temukan sekarang