Chapitre 51

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Ça recommence... Cette impression de ne plus avoir ma place, cette impression d'être en trop...

A l'entente d'éclats de voix en provenance du campement dont je me suis enfuie, j'amène mes mains à mes oreilles pour ne plus avoir à les écouter. Je n'en peux plus de tout ça. A l'heure actuelle, j'aimerais que ce soit ma dernière nuit. J'aimerais que mon corps l'emporte sur moi aujourd'hui. Je voudrais juste que tout s'arrête ici. Pourquoi en sommes-nous là ? Pourquoi est-ce que nous sommes ici, cachés de nos ennemis dans la forêt, à sympathiser avec ceux qui nous ont pourri la vie pendant des années ? Jelena a raison. Nous ne faisons ça que pour nos intérêts personnels. Sauver le monde au final, est-ce qu'on en a réellement quelque chose à faire ? Où est le vrai et le faux dans ce qu'elle dit ?

J'en ai assez d'avoir à toujours me poser une tonne de questions. Depuis que je suis arrivée dans le bataillon, je n'ai jamais arrêté de m'en poser. J'ai vu tant de chose, traversé tant d'épreuves, et j'ai l'impression de m'être perdue en chemin. J'ai perdu cette gamine innocente que j'étais. Ça fait quatre ans que je me mens à moi-même en restant avec eux. Mais je me suis dit tellement de fois que je n'étais pas à ma place que j'ai fini par m'en convaincre. Pourtant, il y avait toujours un tout petit truc pour m'obliger à rester. Mais là, qu'est-ce qui me retient encore ? Je veux juste que ça s'arrête. Ne plus jamais vivre d'histoires complètement traumatisantes. Je suis fatiguée de toujours avoir à me battre. La bataille de Révélio aurait dû être la dernière. Alors qu'est-ce que je fais là ?

Je ne sais plus ce que je dois faire, ce que je suis. Je me revois cinq ans en arrière, avec Matthieu dans la garnison, nos nuits de garde, à glander allongés sur le haut du mur en regardant les étoiles. Pourquoi je l'ai rencontré bordel ? Pourquoi je l'ai regardé dans les yeux ? Pourquoi il a fallu qu'il reconnaisse mon existence qui avait été insignifiante jusqu'à ce moment ?
Je resserre mes mains sur mes oreilles en fermant les yeux, et étouffe un sanglot. Pitié, que quelque chose vienne me tirer de cet enfer sur Terre. Je ne veux plus rien, ni me battre, ni vivre, ni les revoir. Je veux disparaître.

Devant moi, sans que je réouvre les yeux, j'aperçois au travers de mes paupières deux silhouettes s'accroupir. Mais je les ignore. Que quelque chose vienne me tirer de cet enfer. Soyez clément envers-moi, retirez-moi la vie maintenant, que je puisse enfin reposer en paix. Je garde les yeux fermés, tout en continuant à me boucher les oreilles, et sangloter comme une enfant. Ça me rappelle toutes ces nuits où mes parents se hurlaient dessus, à cause de moi. Parce qu'ils étaient dévastés que je meure jeune. Je finissais toujours comme ça, à pleurer, assise contre le mur de ma chambre, en me bouchant les oreilles, et me disant que je n'avais pas ma place ici.
Ça recommence... Pourquoi j'ai cru avoir enfin rencontré une famille ? Je pensais qu'avec eux, ce serait différent, mais au final, rien n'a changé. Que je sois là ou non, ça ne change rien à leur vie. Je peux bien être présente ou non, il n'y a aucune différence. Je pensais avoir enfin réussi, mais je me trompais. Rien n'a changé, je n'ai jamais eu ma place nulle part.

- Amélia, tout va bien.

- On ne t'en veux pas.

J'ouvre enfin les yeux, et les relève légèrement vers Armin et Mikasa qui sont accroupis devant moi. Armin me sourit tristement, et Mikasa arbore son air habituellement impassible, bien qu'elle laisse transparaître une certaine once de compassion. J'abaisse mes bras pour en entourer à nouveau mes genoux, et je fonds mon regard vers le sol.

- On est désolés pour ce qu'il s'est passé. Je ne pensais pas que Jelena serait capable de se comporter ainsi, me dit Armin.

- Si ça peut te rassurer, on y est tous passés. Et par sa faute, Jean en a collé une à Reiner. Il est aussi parti dans la forêt, m'explique Mikasa.

Du Soleil à la Lune ~ [Livaï x OC] ~Where stories live. Discover now