journal de pensées foireuses

XIII.

Je range mon portefeuille dans mon sac à dos, ainsi que mes clefs et mon sweat. Ma tenue est assez sobre pour sortir, et je m'en félicite grandement. Un tee-shirt blanc qui traînait dans un coin de mon armoire et un jean avec deux ouvertures au niveau des genoux. Honnêtement, je ne sais pas pourquoi je m'en fais pour ma tenue, nous allons être dans une salle sombre de toute façon, mais c'est la première fois que je sors avec quelqu'un d'autre que Rachel ou Mike (auquel je ne préfère plus penser désormais). Alors je stresse.
J'attrape ma veste en cuir sur le porte manteau avant que Sybelle n'agrippe mon avant-bras.

« tu crois pas qu'il faudrait quelque chose de plus chaud? Il fait zéro dehors »
« Sybelle, on dirait maman là »
« je vous ai entendu bande d'ingrates! » ma mère cri de la cuisine.

Sybelle lâche mon bras et cherche son écharpe grise et l'enroule autour de mon coup, et évidemment, je soupire.

« tu devais pas jouer à ton truc-là » elle me demande.
« ça s'appelle un jeu vidéo, Sybelle, répète après moi »

Elle roule des yeux, et je souris de toutes mes dents à ça. Nous ne sommes pas sœur pour rien après tout.

« oui mais Delphine se remet d'une rupture, j'allais pas dire non parce que j'ai un nouveau jeu »
« je pourrais jouer avec toi? »

Je m'étouffe avec ma salive et une toux violente me prend.

« mais tu veux me tuer ou quoi? »
« nan, c'est Bob, il croit que je suis pas capable de jouer aux jeux vidéos, alors on se fera un Skype en jouant » elle s'explique en cherchant son ordinateur.
« ah d'accord, je savais que c'était pas pour passer du temps avec moi de toute façon » je boude.

Elle me sourit et m'embrasse sur la joue, avant de murmurer un "bon film" enthousiaste.

J'aperçois une silhouette aux cheveux châtains, et me précipite dehors avec énergie.
Delphine me fait une bise brève avant de me dire que nous allons devoir marcher jusqu'à l'arrêt de bus pour prendre celui qui va jusqu'au centre-ville.

« et changement de programme, elle dit en sautillant légèrement, on va faire un peu de shopping avant, il y a une autre séance à quatre heures »

Je me crispe légèrement en enfouissant mes poches dans ma veste, je vais finir par vouloir vivre dans un grotte. Elle remarque ma mine déconfite et me demande si ça ne me dérange pas.

« euh non non » je mens, un goût amère dans la bouche, celui du parfum et des trente robes et jupes que je vais devoir avaler.

Je jète un coup d'œil à ma montre qui indique quatorze heures. C'est-à-dire que la torture va durer deux heures, autrement, il n'y aura plus de Fanny Limier à seize heures.

Nous arrivons à l'arrêt de bus, où le conducteur nous demande nos cartes. Delphine et moi sortons les cartes étudiantes destinées aux lycéens. J'ai l'impression d'être une VIP en faisant cela, ça flatte mon ego. La vérité c'est que ça va tellement mal pour les jeunes d'aujourd'hui qui n'ont pas une tune, qu'ils doivent faire des réductions étudiantes partout. Un jour quelqu'un m'a donné un euro quand j'étais assise par terre avec Rachel. Et je l'ai gardé. Bah quoi, c'est toujours un euro, non?

Elle m'indique une place à l'arrière. Il n'y a quasiment personne dans le bus hormis deux vieilles dames et un alcoolique qui pue la bière ou un autre alcool. J'ai remarqué que Delphine s'était assise à l'exact opposé. A cause de l'odeur j'imagine.

« mais je n'ai pas d'argent pour m'acheter des fringues » je lui fais remarquer pendant qu'elle fouille dans son sac à main pour chercher son téléphone.
« c'est pas grave, je paye »
« oh non Delphine, pas question »
« si, j'insiste »