chapitre 8 - There's someone in my head

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Roxan

J'étais encore dans ce foutu garage qui sentait le renfermé, la sueur et les remords, surtout une profonde solitude. Ma guitare à la main, je vivais à travers les quelques notes que fredonnaient mes doigts sur les cordes.

J'ai toujours été dans ce garage, depuis que je peux m'en souvenir. J'ai joué au Lego ici, j'ai bu mes premières bières et fumé mes premiers joints sur ce même sofa. J'ai découvert la musique dans ce petit coin d'enfer. J'ai caché mes premiers cartons de provisions illicites derrière cette porte. Et j'ai découvert les plus lourds secrets de mon existence, ceux qui pèsent sur mon épaule à chaque seconde de ma vie.
Qu'est-ce que ce garage serait devenu si elle était encore là ? S'il était encore là ?
Tiens, il ne serait rien devenu. Puisqu'on aurait eu à le vendre lui et toute cette foutu baraque pour éponger ses dettes.

Longtemps ce garage a été mon échappatoire. Je venais ici me cacher du monde, me cacher de lui. Chanter mes premières musiques de « tapette », fumer mes premières clopes de « merdeux » et réfléchir comme un « minable » comme il aimait bien les qualifier.

Je passai mes mains dans mes cheveux pour les remettre à leur place. Mais surtout par réflexe, comme pour essuyer la saleté que j'ai sur les mains sur ma tête, comme une épée de Damoclès qui planerait à jamais sur ma tête.

Je passai à nouveau mes doigts sur les cordes de ma guitare électronique, et fredonnait les paroles de « Brain Damage » des Pink Floyd

(...)
I'll see you on the dark side of the moon

J'y étais déjà. Je vivais en permanence dans le vide, sur l'autre face de la lune. Son côté le plus obscure. Il fallait dire que cette façade mystique d'elle, cachait un tas de secret, les uns plus profonds et dangereux que les autres. J'avais la sensation qu'elle me comprenait. Que lorsque la nuit tombait et que je sortais traîner avec elle, pour satisfaire les quelques clients qu'il me restait dehors: des toxicos, des ados rebelles ou des fidèles clients. La lune me parlait, elle me hurlait des mots d'une autre langue que je ne pouvais interpréter, déchirant les limites de la nuit. Après, tout ça n'était qu'une belle illusion que projetait mon esprit après la bonne cam que j'ingurgitais.

There's someone in my head but it's not me.
Oui.


Si depuis longtemps cette musique, et ce passage surtout, me rappelait mes démons qui ne cessaient de trotter dans mon esprit. Mes fantômes les plus cruelles qui venaient hanter mes journées, mes nuits et tous les instants de mon existence. Aujourd'hui elle a eu une consonance totalement différente.

Quelqu'un est dans ma tête depuis peu. Un être humain et ça ne me plais pas. Je jetai un léger coup d'œil à ma moto et une sensation étrange se colla à ma peau. Ses doigts chauds qui fouillaient mon abdomen à la recherche de quelque chose à quoi s'accrocher, comme si pour la première fois de son existence elle ne renonçait pas à la vie. Ses éclats de rire et ses cris de terreur qui résonnaient à travers son casque, défonçant les parois du mien pour me parvenir telle cette mélodie aux oreilles. Je ne devrais pas penser ainsi. Je ne voulais pas, et elle devait encore moins connaître les pensées qui me viennent à l'esprit en ce moment. C'était mieux moi. Ce serait mieux pour elle. Je collai mes doigts à nouveau contre les cordes de ma guitare, et une sensation de vide me glissa sur la chair. Sa poitrine contre mon dos. Ses fesses rebondies sur le siège de ma bécane.

I see you on the dark side of the moon.

La porte du garage s'ébranla, me sortant de mes torpeurs et une petite tête passa en dessous. Une petite tête aux cheveux violets qui n'était pas elle. Catalena entra dans mon garage, elle ne m'avait pas prévenu de son arrivée. Mais c'est vrai qu'elle n'est pas du genre à anticiper, contrairement à sa meilleure amie qui est si prévisible, qu'un simple coup d'œil suffisait pour connaitre ce qu'elle pensait. Un vrai livre ouvert.

_ Alors, bonhomme t'en penses quoi ? S'écria-t-elle dès entrée.

_ De quoi ?


Elle grimaça et avança vers le sofa, s'affalant de toute sa longueur.

_ Bah la candidate que je t'ai envoyée par E-mail, dis moi que t'as considéré son offre. Elle fait du bon montage et clairement j'en ai un peu marre d'en faire.

Je l'ai plus que considéré.

_ Oui je l'ai reçu et embauché.

...et baisé.

_ Super, soupira-t-elle.

La nouvelle monteuse était une grande rousse aux cheveux ondulées qui retombaient sur son cul bien rebondie. Je ne pouvais m'en empêcher, et puis ça lui fera un petit bonus dans son emploi. Elle pourra assouvir ses besoins financiers et sexuels grâce à un seul et même homme. Moi. Et sans prétention je suis un très bon parti.

_ Aaron est venu ? demanda-t-elle au bout de quelques minutes.

Je lui jetai un regard complice, qui voulait dire un tas de chose. Et elle me grimaça en me lançant un « quoi ?! ».

_ Non, mais si tu veux je l'appelle et je vous laisse le sofa.

_ Ferme ta gueule.


J'éclatai de rire et elle me fit un doigt d'honneur.
Catalena est l'une des rares personnes (et quand je dis rare je le pense) qui est arrivée à casser mon cocon. Même si pour y pénétrer il lui faudra plus d'efforts. Le fait qu'elle puisse me voir à travers les maigres fissures qu'elle a taillé fait d'elle une personne importante à mes yeux. Elle me voyait comme j'étais, et je n'avais pas à jouer les mecs durs pour la faire fuir et éviter toute ambiguïté.

_ Je voulais lui parler d'un projet, mais vu que t'es là j'vais t'en parler, commença-t-elle.

Son ton soudain sérieux et retissant me poussa à déposer ma guitare près de moi et à tendre l'oreille.
Un projet ?
Elle est enceinte ! Pourquoi me le dire à moi. Je suis le pire conseiller en matière de responsabilité. Si j'en étais le père je fuirai certainement.

Nos Cœurs CendrésWhere stories live. Discover now