Coup de foudre pour un criminel !

14.

Clara pose un peu brusquement son verre vide sur la table.

- Mais c'est impossible ! réplique-t-elle. Comment pourrait-elle aimer se faire suivre partout par un gars aussi bizarre. Si tu l'avais vu toi, ce type, tu ne serais pas en train de douter. C'est une montagne de muscle et son visage semble taillé dans la pierre !

- Eh oui, soupire Jo, les costauds comme nous sommes souvent incompris...

La vendeuse le regarde de la tête aux pieds en souriant malicieusement. Il peut tenir dans son jean taille trente-huit tant il est maigrichon.

- ''Nous'' ? dit-elle en riant. Toi, tu as plutôt l'air d'une crevette !

Le livreur fait mine de gonfler ses muscles, ce qui fait rire davantage Clara.

- Quoi qu'il en soit, dit-il en reprenant son sérieux, ce n'est pas parce qu'il a un physique effrayant qu'il est effrayant.

- Mais je te signale que Mila a disparu et qu'il est notre seul suspect !

Jo se résigne enfin.

- D'accord, soupire-t-il, on doit le retrouver alors. Mais sans son nom, ni son adresse, ni rien du tout, ça va être dur.

- Oui, mais peut-être devrions nous nous rendre à la librairie où il a enlevé Mila la première fois et interroger les vendeurs ?

- Bonne idée !

Ils s'apprêtent à quitter le bar lorsque Clara reconnaît Fred dans la foule. Elle s'avance vers lui mais s'arrête net en voyant en quelle compagnie il est. Une blondasse extravagante s'accroche à son bras en gloussant comme une poule. C'est pas vrai, pense-t-elle en se baissant brutalement.

- Que t'arrive-t-il ? demande Jo en riant. Eh ça ne serait pas ton homme là bas ?

- Chut ! s'exclame-t-elle en le tirant par le poignet pour l'obliger à se baisser. Suis moi !

Ils se faufilent entre les tables sous l'œil médusé des clients et s'arrêtent sous celle de Fred. Clara tend l'oreille.

- Quelle belle soirée tu ne trouves pas Freddie ? susurre la blonde.

Sous la table, Jo fait mine de vomir en articulant silencieusement ''Freddie''. La vendeuse est trop occupée à écouter pour rire.

- Loin d'être aussi belle que toi, répond Fred.

Un gloussement se fait entendre.

- Oh oh oh, tu me taquines ! Mais que dirais-tu d'aller finir cette sublime soirée au motel de l'autre jour ?

Les ongles de Clara s'enfoncent dans le poignet de Jo. Comment ça ''de l'autre jour'' ? pense-t-elle avec horreur. «Aie !», proteste Jo. Clara l'ignore et tend l'oreille.

- Malheureusement, je dois rentrer, dit Fred. J'ai du travail en retard et Clara va encore se demander où je suis passé.

Emportée par la colère, le jeune femme sort de dessous la table et fait face à Fred qui n'en croit pas ses yeux.

- Je peux te promettre qu'après ça, crie-t-elle, je ne demanderais plus JAMAIS où tu es passé !

La musique s'arrête, les clients tournent tous la tête vers la scène.

- Chérie, dit Fred en lui attrapant la main, calme-toi...

- Ne me touche pas ! hurle-t-elle de plus en plus hystérique. Et je t'interdis de m'appeler comme ça !

De sa main libre, elle donne un puissant coup de poing à celui qu'elle a autrefois aimé. Il tombe de sa chaise sous l'effet du choc et percute la blondasse. Tous deux se retrouvent à terre.

- Et je ne veux plus voir ta face de raton laveur ! dit Clara d'une voix plus calme.

Elle entraîne Jo qui est en train d'applaudir d'un air béat et ils quittent le bar sous le regard impressionné des clients.

- Ça va ? demande le livreur lorsqu'ils sont seuls dans le silence de la nuit.

Clara est adossée contre sa voiture, elle a peur de tomber si elle s'en sépare. Elle fait tout de même un signe affirmatif de la tête.

- Oui, allons-y, dit-elle.

Elle entre dans sa voiture et démarre le moteur. Jo l'observe d'un air absent puis monte.

Tout en conduisant, les larmes qu'elle a retenues jusque-là s'écoulent lentement, brûlantes, sur ses joues en feu.