7.

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La bête qui émergea dans mon dos avait calculé le moindre de ses muscles, qu'il soit sec ou détendu. Sa discrétion et son silence tout autant, rien n'avait été laissé par hasard.

Tout avait été volontairement prévu et travaillé avec attention.

Jusqu'à l'impact.

Mélange de brutalité et de délicatesse. Deux opposés qui se justifiaient par le duvet qui se posa sur ma bouche —un duvet de couleur neige sali par une terre encore fraiche — ainsi que les avant-bras qui me plaquèrent au sol. Mon dos s'écrasa sur ce dernier en me coupant le souffle, alertant mes sens aussitôt.

La main poilue sur ma bouche m'empêcha de crier au secours de mon amie dont la distance nous séparant étant encore illusoire.

Pas une main.

Une patte.

Pas plus longue qu'une dizaine de centimètres.

Pas plus hautes que cinq.

Pourtant aussi pesante sur mes lèvres qu'un cadenas condamné pour l'éternité.

Mes yeux passèrent du pelage pâle de mon agresseur à ses fines moustaches à la pointe de points noirs contrastant subtilement avec la clarté de ses poils. Puis j'admirai son museau, sa bouche en retrait ainsi que ses oreilles élevées. Ses rayures asymétriques soulignant ses traits, entourant son visage, se dispersant sur son corps musclé me firent l'effet d'être face à un guerrier.

Puis ses yeux.

Bleu infini d'une mer d'azur.

Contact bruyant, acéré. Regard translucide qui me transperça tel un poignard sortant à peine de la forge. Un vaste monde qui avait déjà vu bien plus que la mort en personne. Il me rappela un instant les iris plus clairs du dieu que nous venions de quitter, Diego. Le même dégagement de puissance et de connaissance. Admirable et opprimante à la fois. Néanmoins, le réel bonheur qui pouvait se lire chez l'homme avait laissé place à une dureté froide chez l'animal.

Deux ronds aspirant votre âme, dont ignorer le message qu'ils dédaignaient paraître laisserait plus que de graves séquelles.

— Pas un mot ; plus un geste.

Je voulus sursauter à la voix fraiche de l'animal, fus empêchée par la patte volée à ma bouche. Je voulus me débattre et m'enfuir, fus empêchée par son poids et la tonne du muscle me bloquant presque la respiration. Je voulus même rester accrochée à cette lumière que reflétait cette flamme azur face à moi, fus déconcertée par la soumission dans laquelle m'avait placée son poids sur moi.

— Aide-nous à nous débarrasser de ces bons à rien de doubles-loups, et tu auras la vie sauve.

Sa voix grave me fit frissonner.

Il était si impressionnant, si proche.

Je n'avais encore jamais eu l'occasion de voir tel amas de force concentré en un seul et même être.

Un tigre des neiges en pleine campagne, apparemment accompagné, dont l'usage de la parole m'incitait à la prudence.

— Aide-nous, et tu n'entendras plus jamais parler de nous.

Un homme assez méritant pour que les cieux décident de le faire renaitre d'entre les morts, lui offrant par la suite une apparence qui lui permettrait une survie aisée. Une immortalité dont seule une poignée d'imbéciles se mettraient en charge de mettre fin.

— Prends les armes, ou tu y passeras également, finit-il par me menacer.

Je pus lire une certaine panique dans son regard si distant.

Warck - SurvivreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant