Chapitre 35 : Là où on ne peut plus t'atteindre.

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Atalante :

- JEAN !!!!! je hurle.

Le jeune homme tombe à terre. Je me précipite à ses côtés ne me préoccupant plus de l'endroit où je me trouve.  Son visage est blême et sa respiration difficile. Luttant contre la panique, je mobilise mes souvenirs pour prodiguer les premiers secours. Je l'allonge sur le dos et ramène ses genoux vers son ventre pour limiter circulation sanguine et ainsi endiguer l'hémorragie. Je plaque mes deux mains pour faire un point de compression sur la plaie.

-C'est ... pas... joli à ... voir, hein ? me dit il haletant.
-Tout va bien se passer Jean. Je suis en train de te prodiguer les premiers secours, je lui répond d'une voix blanche.

Un rire secoue sa poitrine provoquant une toux incontrôlable. Esquissant un faible sourire, il me lance :

- Tu mens très mal.
-Ça n'est pas un mensonge. Tu vas t'en sortir, je dis d'un ton autoritaire.

Son sourire s'agrandit. Soudain, un spasme secoue son corps et il se met à cracher du sang. Il est d'une blancheur cadavérique. La peur m'envahit toute entière. Ça ne peut pas arriver. Jean n'est pas censé mourir ici. Ça n'est pas censé se passer comme ça !

- Ma vie est  une immense blague. Je vais mourir de la main de la brigade que j'étais censé rejoindre. Ironie pourrie.  Dit il en toussant d'avantage.

L'auréole écarlate grandit de seconde en seconde. Bientôt le sol et mes vêtements sont tâchés  de sang.

- J'arrive pas à croire... que je vais clamser avant l'idiot suicidaire. lance t'il d'une voix nostalgique.

Comme si sa vie n'était déjà plus qu'un souvenir. Les larmes me submergent et ruissellent sur mes joues.

- Je suis désolée ! Tout est de ma faute !  Je lui hurle d'une voix complétement brisée par le chagrin et la culpabilité qui me dévore.

- J'ai voulu... rejoindre les brigades speciales... pour vivre une vie ... pépère planqué en ville. J'ai toujours vécu comme ... un lâche. Alors merci ... de me donner  une occasion de mourir en héros.

Une énième convulsion secoue son corps qui se met à trembler de froid. La perte considérable de sang a provoqué une hypothermie.  Je m'empresse de retirer ma veste pour le recouvrir. Ses tremblements sont légèrement atténués.

Les intervalles entre les moments où il crache du sang diminuent considérablement. Progressivement ses yeux se voilent et je comprend qu'on est entrain de le perdre.

- Bordel... je ne vois ... plus rien. 

Apeuré, comme une ultime tentative de s'accrocher à la vie, ses bras s'agite dans l'air. Je m'empresse de lui saisir la main. Celui-ci serre la mienne  avec une force impressionnante pour quelqu'un dans son état. 

- Dit Atalante, tu peux rester comme ça ... jusqu'à la fin ? 

- Je ne bouge pas, je lui réponds en larme. 

- JEAN !!!! 

Conny  et Sasha atterrissent à côté de moi. Tout les deux sont dans le même état que moi. Sasha tente de compresser à nouveau sa plaie mais d'un signe de tête, je lui fais comprendre qu'il n'y a plus rien à faire. 

- Jean , espèce d'abruti ! Tu compte comme même pas nous laisser ?! s'emporte Conny ne supportant pas son impuissance. 

- Vous êtes forts et en plus vous êtes deux. Vous arriverez à vous en sortir même sans moi. 

- Ne dit pas n'importe quoi ! C'est nous trois ou personne !  s'écrie Sasha. 

- Vous êtes les personnes les plus importantes à mes yeux. Mes deux moitiés. La soeur et le frère que je n'ai jamais eu.  Alors promettez moi de vous en sortir et de débarrasser ce monde de ses  sales titans. 

- Non, si tu n'es pas avec nous ! 

- S'IL VOUS PLAÎT !!!! crie soudain Jean. 

Les larmes inonde ses joues et ses traits sont tirés par la terreur d'être arriver au terme de sa vie. 

- S'il vous plaît, répète t'il la voix brisée par les sanglots. J'essais d'être fort alors je vous en prie, ne me rendais pas la tache difficile. Promettez moi. 

Le corps secoué par le chagrin, Sasha et Conny prête serment. La respiration de Jean devient de plus en plus laborieuse et il vomis à nouveau du sang. Je sens son pouls ralentir. Sentant la mort arrivée, quelque chose se brise en lui et sa contenance ne tient plus. Le corps secoué par la vie qui s'échappe et par les sanglots, il n'est plus qu'un enfant pris dans les tourbillons de sa propre tragédie.  

- Désolé... les gas,...  je pars ....avant vous ...  lance t'il en reniflant. 

Je lui serre la main pour lui transmettre toute ma chaleur, toute la vie qui coule dans mes veines et qui est en train de le quitter.  C'est presque un soulagement qu'il ne peut plus nous voir. Il en serait encore plus terrifié. 

- Conny , tu peux défaire mon écusson du bataillon et me le donner ?

- Oui, je te le donne toute suite. 

Il prend son couteau et découd en deux minutes le morceau de tissu qu'il tend à  Jean. Celui-ci l'effleure doucement, plongé dans ses pensées. Il doit se remémorer tout les moments qu'il a passé dans le bataillon. Soudain, d'une faible voix, il demande:

- Est-ce que j'ai été au moins une fois un vrai soldat du bataillon ? 

Cette question redouble nos larmes et on doit lutter pour ne pas exploser de chagrin. Voyant que Sasha et Conny sont incapable de lui répondre, je m'y atèle en essayant d'adopter une voix la moins triste possible : 

- Tu as été l'un des meilleurs d'entre nous. Tu as toujours su garder ton sang-froid dans les pires situations, tu t'es comporté plus d'une fois avec brio en leader. Tout le bataillon sait qu'on peut toujours compté sur toi. 

Un faible sourire étire ses lèvres.  Une étrange sérénité éclaire désormais son visage. Ma réponse a soulagé ses doutes. 

- Dîtes, vous direz au revoir de ma part aux autres, hein ? 

- Promis on le fera. 

- Lattez la face de l'idiot suicidaire à ma place quand il racontera des conneries . 

- Le caporal chef s'en chargera, tu le sais. 

Un petit rire s'échappe de sa gorge transformé en gazouillement.  Les larmes continuent de couler sur ses joues mais il est désormais calme. A croire qu'aux portes de la Mort, on se résigne à les traversées. 

Il ferme les yeux et seul le léger  soulèvement de sa poitrine nous indique qu'il est encore parmis nous. Brusquement, un dernier miracle a lieu. Investie d'une force étrange, le bras de Jean bouge et son poing renfermant son écusson vient se loger sur son coeur dans un ultime salut. Le plus beau que j'ai jamais vu. 

-  Ce choix ...  que  j'ai fais ce soir là ... je le referais ...  encore ...

Je sais qu'il parle du soir où il a choisi de rester et d'intégrer le bataillon.  Conny et Sasha pose chacun une main sur ses épaules et disent dans un souffle : 

- Nous aussi, Jean. 

Un dernier sourire éclaire son visage et ses dernières larmes se mettent à couler. Dans un dernier murmure, il dit :

- Marco, attend moi. J'arrive... 

Sa poitrine se soulève de plus en plus lentement.  A la commissure de ses lèvres coulent un filet  de sang et avec lui c'est la vie qui s'en va. Bientôt, sa poitrine s'immobilise et son corps se fige pour l'éternité.  A jamais en train de faire le salut du bataillon. 

Je me met à pousser un hurlement déchirant de douleur. 

Jean Kirstein de la 104 ème  brigade d'entraînement  et soldat du bataillon d'exploration n'est plus. 

On lui a arraché les ailes. 



A toi dans 1200 ans ... ( Livai X oc )Where stories live. Discover now