chapitre 1

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MIN YOONGI






   Elle avait l'air bien triste, quoi qu'étrangement ennuyée.

   Elle s'ennuyait ou elle était triste.
   Un des deux. À moins que ce n'était les deux.

   À quoi pensait-elle?

   Je couvre mes paupières avec les paumes de mes mains.

   Pourquoi est-ce que je voulais savoir ce qu'elle pensait? J'avais déjà ma propre merde à régler.

Mes iris éteints sont fixés à la table.

   Mes phalanges rougies par le froid s'emparent de ma boisson, conservée entre des murs de plastique.

   J'étais énervé. Sans raison.

   Quand était la dernière fois que j'avais prêté une quelconque attention soutenue envers un autre être humain que moi-même?

   Je la regarde de nouveau.

   Son regard était lunatique, embrumé et apathique. Elle était profondément enfoncée dans des pensées opaques.

   Sa tête était aplatie contre sa table, vide d'ailleurs, elle n'avait rien commandé.

   Elle portait un sac à dos et était vêtue de vêtements amples.

   En dessous de sa table, un skateboard se balançait d'un côté à l'autre, à l'aide de ses pieds.
   Elle était chaussée de Vans noirs sur lesquels étaient brodés des roses enjolivées par des couleurs vives.

   Que faisait-elle ici? Dans un fast-food? Toute seule?

   S'était-elle enfuie de chez elle? Son sac avait l'air pourtant si vide.  Comment allait-elle se trouver un logement? Je sourcille, des fragments de souvenir désagréable enivrant mon esprit et se manifestant sous la forme de migraines douloureuses.
   J'étais défoncé.

Fixant sa physionomie de nouveau, je la vois fermer les yeux, l'air d'être à deux doigts de s'assoupir.

Lorsqu'elle les réouvre, c'est sur moi qu'ils sont dirigés.

Sans que je ne sache pourquoi, un sourire étire ses lèvres.

Un sourire qui n'avait rien de serein. On aurait carrément dit celui d'un psychopathe. Le sourire qu'elle projetait était semblable à ceux des clowns qu'on trouvait dans une de ses fêtes foraines stupides dédiées au plaisir des gosses. Leurs rôles étant de me rassurer, de me réjouir ou de me donner le sourire, les rictus des clowns m'ont toujours donné envie de gerber. Et voilà que je retrouvais ce genre de sourire planté sur les lèvres de cette étrangère.

« Elle doit être folle » m'étais-je dit, déviant les pupilles sur autre chose.

   Une petite voix cachée au fond de ma boîte crânienne me chuchotait soudainement des choses. C'était cette voix qui nous poussait au fond du gouffre à nos plus bons moments, aussi rares qu'ils pouvaient être. Cette voix était désagréable, mais elle nous appartenait et elle était toujours là, quoi que nous fassions.

𝐈'𝐌 𝐏𝐑𝐄𝐆𝐍𝐀𝐍𝐓 | 𝘮𝘪𝘯.𝘺Où les histoires vivent. Découvrez maintenant