chapitre 6

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   J'eus une crise d'angoisse sur le train. Nayeon était endormie. J'avais lu une heure plus tôt qu'une fatigue constante était un des symptômes probables d'une grossesse. Je n'avais pas essayé de la réveiller lorsqu'elle avait posé sa tête sur mon épaule, les yeux fermés, son souffle chaud frappant mon cou.

   Elle étant partie au fond d'un sommeil pacifique, une partie de ma confiance en public s'envola en fumée. Nayeon était une sorte de bouclier. La façon dont je l'utilisais me rendait malade. Elle attirait les regards. Elle les détournait de ma personne. Je l'ai remarqué aussitôt que nous nous sommes enfermés à l'intérieur de cette boîte qu'était le train. Les yeux des personnes n'étaient pas rivés sur moi, mais bien sur elle. Les gens fixèrent ses vêtements, son visage, son skateboard posée sur ses jambes minces. Elle s'amusait depuis une bonne demi-heure à faire rouler les roues de son jouet à l'aide de la paume de ses mains.
   Les gens la regardaient elle.
   Normalement, les gens avaient deux raisons de regarder une femme en public.

   Lorsqu'elle était attirante ou un peu trop mignonne, les gens se faisaient un plaisir de regarder, de voir combien fragile et innocente une femme avait l'air. Une sorte d'attirance perverse que je n'avais jamais compris, qui ne provoquait aucune  nonchalance ou intérêt de ma part.
   J'y étais neutre.
   La deuxième raison pour laquelle les gens fixaient une femme en public, c'était par son étrangeté. La façon dont le système élevait les individus féminins laissait paraître une injustice et une réduction de leur liberté physique, émotionnelle et mentale. Les femmes étaient plus silencieuses que les hommes. Nous possédions moins de restrictions qu'elles. Dans ce pays, elles devenaient être nobles, respectueuses et dignes.
   Grandissant à leurs côtés, voir l'élégance de ces humaines m'effrayaient. Elles me reluquaient violemment et toutes me croyaient dérangé. Elles avaient un esprit grand, un esprit intelligent, différant grandement de la stupidité et de la bestialité commune des hommes.

   Étrangement, j'aimais les femmes. J'aimais remarquer que certains de nos traits étaient similaires l'un à l'autre.

   Mais Nayeon.
   Elle avait été heurté par quelque chose, je pouvais le voir. Elle n'agissait pas normalement.
J'imagine que tout le monde la regardait pour les deux raisons. Sa beauté et son étrangeté.
   Elle ne possédait pas le genre de beauté naturelle qui subjuguait les gens. Elle possédait une beauté ésotérique, qui demeurait dans ses yeux vides, embrumés par une insalubrité qui nous obligeait à nous questionner sur elle.
   Peut-être que c'était de la pitié mélangé par un vague intérêt, mais les gens la regardaient.

   Lorsqu'elle s'endormît, ce fut à mon tour d'être agressé par la curiosité de ces étrangers.

   Ils me regardèrent. Moi, pas Nayeon. Elle avait lâché son skateboard, le bruit s'était éclipsé et le train était silencieux de nouveau, elle dormait.
   Je savais que les yeux n'étaient pas réellement sur moi. Je savais que ces gens dans le train fixaient encore Nayeon, mais mon cerveau orientait malicieusement ces pupilles vers moi.
   Une voix chuchotait dans mon esprit qu'ils se moquaient de moi, qu'ils dévisageaient mes cuisses avec dédain et que mes habits les repoussaient et condamnaient ma personne à leurs idéaux et à leurs préjugés horribles.
   Encore une fois, je ne pouvais savoir ce qu'ils pensaient et cette phrase rebondissait de nouveau dans ma tête.

   Dans une tentative de méditation, je ferme mes paupières, mais des pupilles au blanc frappant et fixateur étaient encore visibles dans le noir de mes yeux. C'était un symptôme notable et douloureux de l'anxiété sociale.

   Avoir l'impression que les gens avaient une obsession visuelle sur nous qui poussaient notre cerveau à penser qu'ils nous fixaient solennellement heurtait mon être entier et ce, à chaque fois que je me retrouvais en public.
Des tremblements secouèrent mon être. Je m'efforçais de garder la face devant tous ces personnes, mais je finis par me retourner brusquement vers Nayeon, priant au bon Dieu qu'elle se réveille. Quelque chose d'encore mieux se produit.

𝐈'𝐌 𝐏𝐑𝐄𝐆𝐍𝐀𝐍𝐓 | 𝘮𝘪𝘯.𝘺Where stories live. Discover now