🌼 CHAPITRE 54 🌼

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Il est dit que la nuit porte conseil et que le sommeil peut effacer les peines, mais existait-il réellement une telle magie quand nos plus douloureux souvenirs devenaient nos pires cauchemars, nous hantant par la même occasion même lors des petits moments de paix que la vie voulait bien nous offrir ?

Bien que Joséphine ait trouvé une heure de repos, ce dernier fut écourté quand elle remarqua l'absence de Jonah à ses côtés. Il n'était ni dans le lit, ni dans la salle d'eau, nul où elle ne pouvait le voir. Désireuse de le retrouver et questionnant les domestiques qu'elle put trouver sur son passage, certains lui indiquèrent avoir vu le Duc passer par tel et tel couloir, montant tel escalier et se dirigeant vers ce qui semblait être le bureau du Prince Amir. A cet instant, Joséphine parut confuse. Mais la confusion fut rapidement écartée quand elle entendit ces quelques mots

«Cela vous fait-il rire, Prince ? Vous embarquez ma fiancée dans votre aventure et la mettez ainsi sciemment en danger. Vous achetez des armes de manière détournée. Et aux dernières nouvelles, vous êtes la seule personne prétendant qu'un Prince étranger ait disparu dans l'éboulement d'une vieille forteresse. En plus d'un manipulateur, menteur et trafiquant d'armes, êtes-vous également un meurtrier ? C'est une question que je me pose sérieusement, Votre Altesse.»

Tenant position devant la porte légèrement entrouverte, Joséphine eut grand mal à comprendre ce qu'elle venait d'entendre. Non, elle se refusait. Etait-ce bien la voix de Jonah ? Ce ton si froid, détaché et...accusateur ? Accusait-il sérieusement Amir ?

«Trafiquant d'armes». Cela résonna dans sa tête. Amir avait-il quelque chose à voir avec ce pour quoi Sophia l'avait envoyée jusqu'ici ? Et si tel était le cas, comment réagir ? Il n'y avait qu'une seule façon de le savoir pour elle et c'était d'intervenir.

- Je présume que vous avez tous deux des explications sérieuses à me fournir quant à ce que je viens d'entendre, grogna-t-elle en voyant les deux hommes sursautant sur son entrée soudaine.

Visiblement elle n'était ni attendue, ni prévenue de leur petite réunion. Chose guère plaisante. Dans un monde où bon nombre de gens se sont efforcés tant bien que mal de la maintenir à l'écart, voilà que les deux seules personnes qu'elle pensait sincèrement et profondément différentes sur ce sujet-là firent de même. Estimaient-ils qu'elle ne méritait pas de savoir ? Pensaient-ils qu'ils la protégerait en la tenant ainsi à l'écart ? Dieu que cela était mal la connaître. Jamais ô grand jamais Joséphine n'avait demandé à être protégée et jamais ô grand jamais elle ne l'accepterait. Se tenir dans l'ombre d'un homme, elle l'avait fait pendant presque vingt ans avant de pouvoir enfin s'assumer. Plus jamais elle ne ferait se retour en arrière.

- Eh bien ? J'attends, relança-t-elle en tapant du pied, Pouvez-vous me dire ce à quoi vous jouez tous les deux ?

- Joséphine...s'avança Jonah en tendant les bras vers elle

- Non. Je veux une réponse. De quoi parliez-vous ? Non, je sais exactement de quoi vous parliez.

S'avançant vers Jonah, comme si elle se rangeait de son côté, Joséphine l'évita soigneusement, continuant d'un pas décidé vers la table basse sur laquelle, ce dernier avait déposé le document signé de la main du Prince. Elle le prit, le lu en quelques minutes et essentiellement en diagonale avant de lever rapidement les yeux vers Amir.

- Je présume qu'il est grand temps que vous passiez aux aveux, Amir.

«Amir». Le fait que Joséphine prononce aussi aisément le nom d'un autre homme titilla Jonah sans qu'il n'ose ne l'admettre. Des mois durant ces derniers s'étaient fréquentés, côtoyés et plus si affinités et pourtant, rares furent les moments où elle eut son propre prénom sur le bord de ses lèvres. Il eut bien deux ou trois occasions, mais cela avait toujours été de façon très chaste et pure. Pourtant, voilà qu'elle prononçait le prénom d'un autre qu'elle connaissait à peine avec une aisance affolante.

- J'aurai aimé que nous ayons ce genre de conversation à un autre moment vous et moi. Après tout, vous êtes toujours convalescente et...

- Mon corps est blessé, pas ma tête. Je suis encore capable de réflexion et d'écoute, le coupa sèchement Joséphine

- Certes, ce n'est pas ce que je voulais insinuer, corrigea-t-il en se raclant la gorge

Les yeux de Joséphine firent des allers-retours incessants entre Jonah et Amir. Sans le vouloir, elle venait de se placer elle-même entre eux deux. Quelle migraine était-ce là ? Elle qui ne souhaitait pas prendre partie bien qu'elle savait que ce moment finirait par arriver tant qu'elle serait à Omyr...

- Il est grand temps que vous nous disiez toute la vérité et je ne compte pas quitter cette pièce tant que je n'aurai pas obtenue satisfaction, je vous préviens, signifia Joséphine en s'installant.

- Je suis bien entendu prêt à collaborer avec vous, Joséphine, mais je ne peux en dire autant de votre compagnon qui semble porter un bien petit jugement de ma personne. Peut-être, pour le bon déroulement de cette discussion et de nos futures relations, faudrait-il l'exclure ? suggéra Amir en voyant le regard désapprobateur de Jonah.

«Sale renard» pensa le Duc en le voyant s'installer confortablement, tout à son aise, près de sa fiancée. Bien entendue, cette dernière ne lui jeta pas un seul regard, comme si elle avait été happé par le prince se tenant près d'elle.

- Jonah ? releva Joséphine

- J'ai compris. Je me retire, soupira-t-il s'avouant temporairement vaincu

Sous le sourire satisfait d'Amir, Jonah s'apprêtait à rebrousser chemin, détournant les talons, jusqu'à ce que la main de Joséphine vienne se poser sur la sienne, le retenant.

- Avec tout le respect que j'ai pour vous, Votre Altesse, vous avez devant vous le Duc le plus important de notre nation avec laquelle vous serez appelé à collaborer. Je vous suggère donc, si vous souhaitez maintenir de bonnes relations avec nous, d'accepter que l'homme qui sera prochainement mon mari fasse partie de cette discussion.

Aucun mot ne se trouvant dans cette phrase ne plut à Amir. Bien que l'homme fut touché en plein cœur par ce cruel et douloureux rappel, le prince n'appréciait guère d'être remit à sa place. Pourtant, il ne pouvait en vouloir à Joséphine. Elle défendait ce qui lui était cher, bec et ongles s'il le fallait, et il reconnut avoir pour cet aspect de sa personnalité, une profonde attirance. Sans cela, rien de tout ce qu'ils venaient de vivre n'aurait été possible. Et tandis que le Prince bouda, derrière Joséphine se tenait un jeune homme au sourire béa. C'était bel et bien la première fois qu'elle employait de tels termes pour le définir et définir leur relation. «Son futur mari». Cette phrase passait en boucle dans l'esprit du Duc plus heureux qu'un enfant le jour de Noël.

- Vous êtes décidément une sacrée femme, Joséphine Conquérant.

- Si j'étais comme tous les trophées se trouvant dans votre harem déjà bien constitué, je ne serais guère l'objet de votre convoitise. Cependant, nous avons maintes et maintes fois discutés de la nature de notre relation vous et moi, n'est-ce pas ? Croyez-le bien que je tiens à vous avoir en ami, Amir, et par conséquent, j'espère que vous me témoignerais votre amitié de la même façon que je vous témoigne la mienne.

«Une Princesse». Cette pensée n'échappa à aucun des hommes présents, bien que Jonah était bien loin du compte. Cependant, l'attitude ferme et tranchée de Joséphine lui rappela étrangement les traits d'une princesse, sans même savoir pourquoi.

- Dans ce cas, autant que je passe aux aveux. Vous êtes un duo d'amants redoutable. Je ne doute en rien que vous fassiez des malheurs à la cour de votre Roi.

Attendant que Jonah prenne position aux côtés de Joséphine, Amir fit mine de réfléchir pendant un bref instant. Il savait que, dépendant de la façon dont ses prochains mots sortirent, une alliance ou les prémices d'une guerre entre deux nations pouvait naître. A présent, tout ne dépendait plus que de lui et de sa faculté à plaidoyer.

- Aimez-vous les histoires ? demanda-t-il en se redressant, Il est temps que je vous en raconte une. Cette dernière n'a pas de titre, mais elle a des protagonistes comme des antagonistes. Cette histoire n'a malheureusement pas encore de fin, mais à présent et avec ce que je vois devant moi, je suis certain qu'elle en aura une prochainement.

Heureuse ou pas d'ailleurs. Toutes les histoires se terminent à un moment ou un autre, mais toutes ne se terminent malheureusement pas de la même façon et toutes les fins ne sont pas forcément heureuses. Ceci est à savoir.

Joséphine - Tome 2Où les histoires vivent. Découvrez maintenant