Mère Miranda

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La nuit même, Livia quitta le château pour qu'Ilena ne la voit pas faire. Elle savait comment faire pour contacter Miranda. Tout le monde savait comme faire mais personne ne le voulait vraiment.

Miranda était une femme sans âge et un peu effrayante. Certains – les plus anciens – disaient qu'elle avait vécu la première épidémie de grippe espagnole mais c'était impossible. Si ça avait été le cas, elle aurait eu plus de 60 ans or, elle avait l'air de n'avoir que 30. C'était une femme mystique, très croyante, très pieuse mais c'était un nouveau Dieu qu'elle vénérait. Elle au fils des années, elle avait incité les Villageois à la suivre et ils avaient cru en elle. Des rites avaient été instaurés et on vénérait Miranda comme si elle était le Messie. On racontait qu'elle avait trouvé une créature dans les profondeurs de la montagne qui lui avait donné force, vitalité et pouvoir. On disait aussi qu'elle faisait des expériences sur des animaux et que c'est pour ça qu'on entendait des loups hurler au crépuscule. Dès qu'un habitant avait un problème insolvable, il appelait Mère Miranda au secours. Alors, intransigeante mais bienveillante, elle venait voir ce qu'il se passait et elle trouvait une solution miracle.

Livia se rendit donc au Village, gelée et terrifiée. Sur la place, il y avait un petit autel où quelques bougies étaient toujours allumées qu'il pleuve ou qu'il vente. Au centre, la figurine d'une chèvre en bois était religieusement disposée. La domestique passa un long moment à prier et à supplier qu'on l'aide. C'était comme ça qu'on procédait pour attirer l'attention de Mère Miranda : on se rendait à l'autel et on priait. Et par un quelconque procédé magique, Miranda entendait. Il fallait parfois attendre plusieurs jours pour la voir intervenir mais elle n'avait jamais failli. Livia supplia Miranda de faire le plus vite possible parce que ça maitresse ne passerait surement pas la fin de la semaine.

Et puis, quelques heures avant l'aube, elle rentra au château. Ilena l'attendait, assise dans un des fauteuils du hall d'entrée, devant la cheminée. Elle parla doucement en contemplant les flammes qui dansaient devant elle :

- Je t'ai vue sortir, il y a trois heures.

- Ne criez pas, je vous en prie, murmura Livia. Ne la réveillez pas.

- Tu dois être frigorifiée, souffla la gouvernante.

Livia hocha la tête et les larmes lui vinrent aux yeux. Elle recula en voyant Ilena se lever et elle renifla.

- Viens, ordonna-t-elle en lui tendant une couverture. Retire ton manteau, il est trempé.

Elle la couvrit et elle la fit asseoir sur le canapé le plus proche de l'âtre. Elle lui tendit une tasse fumante :

- Bois tant que c'est chaud. C'est la soupe de ce soir.

Livia but avec avidité au point de se brûler la gorge mais le liquide velouté lui réchauffa le corps. Elle renifla encore et elle essuya ses yeux.

- Tu l'as appelée ? demanda Ilena dans un souffle.

Livia hocha encore la tête pour approuver.

- C'est bien.

La jeune femme n'osa pas regarder sa supérieure. Elle avait bien entendu un tremblement dans sa voix et elle était certaine que ce n'était pas à cause du froid. Elle ne dit rien, elle se contenta de se réchauffer. Lorsqu'elle bailla d'épuisement, elle monta dans la chambre de la comtesse qui dormait en sifflant plus qu'elle ne ronflait.

- Florina vient de remplacer Ekaterina, murmura Ilena qui l'avait suivie. Elle ne s'est pas réveillée depuis que tu as quitté son chevet. Je pense qu'elle dormira jusqu'à ce qu'on la réveille. Va te coucher, tu as prié toute la nuit.

L'enfer est pavéDonde viven las historias. Descúbrelo ahora