En les regardant passer...

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" J'étais assise sur le banc, seule, depuis des heures déjà, et je regardais passer les gens

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" J'étais assise sur le banc, seule, depuis des heures déjà, et je regardais passer les gens. Je trouvais cette occupation passionnante. J'avais toujours aimé le faire. Je regardais les passants et je tentais de deviner leur vie, leurs amours, leurs espoirs, leurs rêves, leurs colères, leur passé, leur avenir...

Une grand mère voûtée passa juste devant moi, tenant sa canne d'une main, un chaton dans un panier dans l'autre. Elle semblait fatiguée, son visage délavé par les vagues continues de la vie. Elle parlait seule, ou peut-être s'adressait-elle à la minuscule boule de poils qui miaulait à tue-tête au bout de son bras. Elle s'arrêtait tous les trois pas pour regarder dans le couffin d'osier que l'animal se portait bien. Je l'imaginais alors veuve d'un mari militaire, engagé dans un conflit qui ne le concernait pas mais obéissant aux ordres, mort trop jeune pour défendre... quoi ? Il ne le savait même pas lui-même. Sans enfants car son mari n'avait pas eu le temps de lui en donner. Jamais remariée car étant de ces personnes que l'amour ne touche qu'une seule fois, et qui continue après l'avoir perdu à en chérir le souvenir comme on berce un bébé. Elle était appréciée dans son quartier et les enfants du voisinage allaient souvent chez elle pour écouter ses histoires et manger des gâteaux à l'heure du thé.
Elle quitta mon champ de vision et je reportais mon attention sur les feuilles mortes de couleur orange, jaune ou marron qui dansaient dans le vent sur les pavés devant moi. J'attendais que quelqu'un d'autre capte mon attention.

Je vis passer un certain nombre de personnes devant moi dont l'allure ne m'inspirait que bien peu d'intérêt. Un homme grand, vêtu d'un costume sombre, visiblement trop grand pour lui vu qu'il marchait sur le bas du pantalon avec ses talons, qui semblait déguisé en homme sérieux. Un rôle qui ne semblait pas lui convenir. Une jeune femme très petite et très mince, avec un enfant qui devait avoir quatre ou cinq ans accroché à son bras, le visage rieur, cherchant à se libérer afin de courir derrière les feuilles mortes. Cet enfant ne semblait pas être le sien, vu son jeune âge. Elle semblait terrifiée par son énergie débordante et regardant autour avec des yeux apeurés comme si un lion allait surgir tout à coup pour dévorer le bambin sous ses yeux. Quand tout à coup je les vis.

Un couple passa lentement devant moi, à deux sous le même parapluie, qu'ils tenaient chacun d'une main. Ils riaient fort et cela formait une très jolie mélodie. Ils n'étaient pas clichés comme le sont les couples heureux dans les films. Ils irradiaient de bonheur, comme deux soleils qui se baladaient main dans la main. Ils étaient magnifiques. Elle tomberait très probablement enceinte dans l'année. Il la couvrirait de baisers et de cadeaux. Ils achèteraient une maison éloignée de la ville, pour que leur enfant grandisse loin de la pollution visuelle et ambiante.
Leur bonheur me fit mal. Non pas que j'étais envieuse ou jalouse. Loin de moi ces concepts néfastes et venimeux. Simplement cette joie inondant tout autour d'eux contrastait tellement avec ma solitude. Moi qui passais mes journées assise ici à regarder passer les gens pour me sentir entourée, pour avoir, l'espace de quelques heures, des amis, des connaissances. Moi qui avançais sans but, ballotée par les vas-et-viens des vagues de la grande mer de la vie. Je regardais cet heureux couple qui marchait lentement comme pour profiter plus longtemps du temps ensemble. Comme si le rythme de leur pas pouvait influencer la vitesse de défilé des minutes. Je les regardais et je me surpris à penser, pour la première fois de ma vie, que je pourrais peut être ne plus être seule. Pas être comme eux, ce serait trop demander. Mais simplement être accompagnée.

Je me levais donc, et repris le chemin de chez moi, emportant avec moi, l'image des personnes que j'avais croisé et dont j'avais côtoyé l'existence pendant quelques minutes dans l'univers parallèle de l'imaginaire. Après tout, je n'étais pas seule, je les avais tous avec moi, mon esprit ayant capturé leur image, ils m'accompagneraient toujours."

Bouts de Vies, Bouts d'histoires.Donde viven las historias. Descúbrelo ahora