la route

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On m'a donné le mot "route".

"La route.

La route s'étirait devant moi. Il faisait nuit et il faisait froid. Le vent faisait danser les branches et jouait avec les mèches de mes cheveux. Je serrais mon gilet troué contre mon maigre corps. Je déposais des pas hésitants sur le goudron craquelé.
"Mais que suis-je en train de faire?" Pensais-je en cet instant.
Je levai la tête. Le lune illuminait les cieux, et moi, de sa lumière argentée. C'était une belle nuit pour une nuit laide.
J'étais partie. Délaissant cette prison de béton qui était "chez moi" jusqu'à présent.
J'étais en sueur malgré le froid s'insinuant dans chaque parcelle de ma peau. Mes quelques vêtements me collaient et mes cheveux s'amusaient à me cacher la vue par moments. De toute façon elle se brouillait par intermittence à cause des larmes qui ruisselaient sans discontinuer sur mes joues sales.
Je pleurais sur l'état de ce monde qui me dégoûtait. Je pleurais sur mes pieds nus et griffés par Le sol déchiré. Et je pleurais enfin parce qu'il ne m'avait pas suivie.
Nous vivions entre quelques murs décrépis et je m'étais enfuie. Car ce monde ne nous était pas beau.
Car notre vie c'était pas grand chose, des corps amaigris, des vêtements sales et troués, des murs effondrés... Notre vie n'était ni triste, ni joyeuse. C'était juste notre vie. Le privilège de respirer, et d'ouvrir les yeux chaque jour sur la merde qui nous entourait.

Mais il y avait lui. Rayon de soleil au milieu de ces ruines. Brin de douceur dans un univers brut. Bout d'innocence dans la corruption alentours.
Je voulais que l'on s'en aille car ce "chez nous" n'était pas à la hauteur de notre amour. Parce que nous méritions plus beau, plus grand. Mais il n'a pu me suivre car il était aussi un frère, un fils, un ami et qu'ils avaient besoin de lui. Nous avions tous besoin de lui, mais ils savait qu'entre tous, moi, j'étais capable de m'en sortir seule.
Il m'avait demandé de rester. Mais je ne le pouvais. Je ne pouvais laisser s'effilocher mes rêves, s'éteindre la flamme au creux de mon ventre. J'en serais morte à petit feu. Alors il a compris. Alors il m'a laissée partir.
Tout le monde l'a encouragé à me suivre. Il aurait voulu en être capable. Mais il ne le pouvait. Alors j'ai compris. Alors je suis partie, le cœur meurtri.

Je regardai une nouvelle fois le ciel. La nuit était noire maintenant. J'étais exténuée par mes heures de marche. Le ventre vide. La tête trop pleine. Le coeur au bord des yeux. J'avais besoin d'une pause.
Je m'assis là, sur la route. Elle était glacée. Je me laissai glisser jusqu'à être complètement allongée. Je fermai alors les yeux. Une minute, puis une autre. Je ne les rouvris que lorsque les rayons matinaux vinrent chatouiller mes paupières encore humides de mes larmes nocturnes.
Je sentis alors quelque chose. Une main sur mon épaule, un souffle chaud au sommet de mon crâne.
Il était là !
Je me relevai d'un bond et ouvris de grands yeux ébahis.
Comme si je l'avais vu, comme si j'avais rêvé."

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⏰ Last updated: Mar 08, 2022 ⏰

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