Une Part De Chacun 2

Les Nazgûls

- C'était la grande tour de garde d'Amon Sûl. Nous y passerons la nuit.

Les hobbits poursuivaient leur voyage, menés par Grand-Pas. Six jours qu'ils avaient quitté Bree, et quatre depuis que Frodon avait surpris la conversation entre le rôdeur et Aka.

L'elfe n'avait pas réapparu, alimentant les interrogations du hobbit. Il serra fermement l'anneau dans sa poche. Il n'avait d'autre choix que de leur faire confiance.

Ils s'installèrent au pied de la tour, déployant leurs affaires. Assis, Frodon pris soin de retirer délicatement ses souliers, les pieds meurtris par la longue marche qu'ils avaient parcourue. Le rythme du rôdeur était trop rapide pour leurs petites jambes de hobbits.

Il fixa ses ongles encrassés par la boue, avant de commencer un léger massage sur la plante de ses pieds. Et dire qu'en Comté je me plaignais des balades que me faisait faire oncle Bilbon...combien avons nous parcouru aujourd'hui ? Et en si peu de temps... Frodon ferma les yeux, profitant de ces instants de paix. Tout ça n'était que temporaire, après tout. Ils retourneraient chez eux le cœur léger après avoir confié l'anneau aux elfes.

Il releva les yeux en remarquant la silhouette de Grand-Pas accroupie devant lui. Le rôdeur sortit de sous sa cape un vieux morceau de tissu qu'il étala sur le sol et déroula, laissant apparaître des épées plus ou moins rouillées.

- Tenez, prenez ça, déclara-t-il en leur tendant à chacun une arme. Gardez-les à portée. Je vais surveiller les alentours.

Frodon observa la sienne. Une épée assez courte, mais plutôt large, qui devait être à une main pour un homme, mais qu'il devrait prendre à deux mains lui.

- Restez-ici.

Grand-Pas s'en alla, les laissant s'installer pour la nuit.

Frodon fut tiré du sommeil par des voix qui chuchotaient, et des casseroles s'entrechoquant. Groggy, il resta allongé sur sa couchette, avant de se relever brusquement, foudroyé.

Avec horreur, il découvrit Sam, Merry et Pippin accroupis autour d'un feu de camp, occupés à faire cuire des pommes de terre.

- On vous a gardé quelques tranches de bacon, monsieur Frodon, rit leur cadet devant son air ahuri.

Le hobbit se jeta sur ses pieds, balança sa couverture, et accourut. Les flammes lui brûlèrent la plante des pieds quand il en tapota le foyer. Sous l'œil catastrophé de ses camarades, les dernières braises s'envolèrent, puis s'éteignirent, les plongeant de nouveau dans la nuit.

- Sombres crétins ! Clama Frodon encore abasourdi par leur bêtise.

Pippin ouvrit grand la bouche dans l'intention de répliquer, mais des hennissements résonnèrent sur les pents rocheux de la tour de garde. Le mal était fait.

Sam se mit aussitôt à trembler. Penché en avant, ses yeux restaient bloqués sur les cinq silhouettes vêtues de capes noires qui galopaient dans leur direction.

- Les Nazgûls, baffouilla-t-il la respiration saccadée.

Frodon le tira par la manche, l'obligeant à se relever. Il lui coinça l'une des épées de Grand-Pas dans la poigne, et entraîna ses compagnons dans les hauteurs. Pour leurs pieds de hobbit, le chemin était praticable.

Au sommet, une esplanade surplombait la vallée. Il comprenait mieux pourquoi les hommes avaient choisi ce mont comme tour de garde. Espérons que Grand-Pas ne soit pas loin, espéra-t-il en portant ses mains tremblantes à son épée.

La peur le pétrifiait sur place. Il sentait les poils de son cou hérissés sur son épiderme. Il avait toujours pensé que dans un moment pareil, on voyait tout, on entendait tout. On percevait tout. Mais lui, il ne voyait que la vision du dos de ses camarades, postés devant lui pour mieux le protéger. Il n'entendait que les battements affolés de son cœur, le sang qui pulsait dans ses tempes. Tout était flou. Le temps restait suspendu. Jusqu'à ce que la première silhouette fasse irruption devant eux.