Et mon arc est vôtre

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- Oh, alors c’était vrai, murmura l’homme roux qui portait l’écusson du Gondor plaqué sur sa poitrine.

L’atmosphère se glaça. Tous les membres du conseil gardaient les yeux rivés sur l’anneau, et Legolas ne parvenait plus à détourner les siens. En l’espace d’un instant, il avait senti les arbres se rétracter en cessant aussitôt de murmurer, et un étrange voile était tombé sur la salle. C’était comme tenter de bouger au fond d’une eau boueuse qui colle à la peau. L’instant était suspendu dans les airs. 

- Lors d’un rêve, j’ai vu à l’Est le ciel s’assombrir, reprit le roux. Mais à l’Ouest une pâle lueur persistait. Et une voix s’écriait, “Votre fin est proche. Le fléau d’Isildur a été retrouvé”.

L’elfe restait bloqué sur sa chaise. Ses membres étaient restés paralysés de l’horreur future qu’il entrevoyait. Il ne possédait pas les dons de voyance de son père, mais il lui en restait toutefois quelques traces. Il percevait des émotions, des sentiments, des sensations.

Le représentant du Gondor tournait autour de l’anneau sans le quitter des yeux. De forte carrure, il ne doutait pas qu’il s’agisse d’un guerrier d’exception. Mais la lueur avide dans ses yeux contraignait l’ellon à s’en méfier. Il approcha sa main droite de l’anneau, frôlant le piédestal.

- Le fléau d’Isildur… 

- Boromir ! Intervint Elrond avant qu’il ne touche l’anneau.

Le maître de Fondcombe se releva soudainement, imité par ses fils aînés, mais Gandalf fut le premier à réagir.

Ses mots en langue interdite résonnèrent contre les murs, et se répercutèrent en écho dans les couloirs. Legolas ferma instinctivement les yeux, sentant le ciel s’obscurcir sous les paroles du magicien. 

Un vent froid vint lui chatouiller les oreilles. Quelle atroce sensation. La langue noire, conçue par Sauron au Second Âge, était vraisemblablement bannie. A la chute du Seigneur des Ténèbres, le noir parler avait disparut. Les murmures qu’il avait pu entendre dans la bouche des elfes de Mirkwood affirmaient que des rumeurs courraient déjà. La langue noire était réapparue. Legolas constata avec consternation que ses doutes s’estompaient. L’Ennemi était de retour, comme il avait failli l'être soixante ans auparavant, lors de la quête d’Erebor.  

Il rouvrit les yeux, et observa Elenwë. Crispée sur sa chaise, les jointures de ses mains étaient blanchâtres tant elle s’accrochait aux accoudoirs. Elle fermait fermement les yeux, les dents plantées dans sa lèvre inférieure. Aragorn lui attrapa le bras, et se pencha en avant pour lui chuchoter quelques mots, auxquels elle acquiesça sans défaire sa prise. 

Gandalf cessa ses incantations lorsque Boromir se fut assis, et Elrond se tourna alors vers lui l’air furibond. 

- Jamais de mots n’ont été prononcés dans cette langue, ici, à Imladris ! Le réprimanda-t-il secoué.

- Je n’implore pas votre pardon, maître Elrond ! Rétorqua le Maia. Car le parler noir du Mordor peut déjà être entendu dans toutes les régions Ouest. L’anneau est totalement maléfique. 

Il se retourna vers sa chaise, mais l’intervention de Boromir le stoppa dans son geste : 

- Cet anneau est un don ! Un don fait aux ennemis du Mordor ! Pourquoi ne pas s’en servir ?

Legolas leva les yeux. L’anneau avait un pouvoir de corruption inégalable. Il dégageait des ondes perverses et néfastes. Il n’était nullement étrange qu’un homme, aussi vaillant soit-il voit son désir attisé par cet objet de Morgoth. 

Une Part De Chacun 2Where stories live. Discover now