Chapitre 11 : Le Baiser de la Sorcière

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Si Caïus comprit sa lourde erreur à l'instant où Barbatos déploya ses ailes, il la sentit passer.

Le poing de l'ange rencontra sa mâchoire, si vite et si fort qu'il fendit la foule dans les airs, pour percuter la fontaine plusieurs mètres plus loin. Cette dernière craqua sous l'impact, la fée de pierre qui soutenait la vasque en hauteur chancela... Et tomba en arrière, dans le silence médusé des spectateurs.

Faisant disparaitre ses ailes, l'ange déclara placidement :

-Défi gagné. Marie reste avec moi.

Le saisissant presque aussitôt par le bras, la sorcière l'entraina hors de la demeure de Caïus. À vrai dire, elle ne prit même pas le temps de le laisser enfiler sa tunique. Son torse nu reflétait presque la lumière de la lune. Quand elle s'arrêta, au bout de quelques minutes de marche, pour le regarder, elle le vit lui sourire doucement.

-Je ne l'ai pas tué, fit-il, comme pour minimiser son geste.

Lâchant sa main, Marie se pinça l'arête du nez avec un soupir dépité.

-Ah... Pour le coup, tu aurais dû le tuer, Barbatos.

-Vraiment ? Si ce n'est que ça, j'y retourne.

Sacrelote, il tournait déjà les talons ! Lui attrapant la main, elle lui donna un coup sur l'arrière de la tête de l'autre. Outré, il la regarda sans comprendre.

-La situation est déjà assez compliquée comme ça ! Caïus est un homme puissant, ses amis aussi. Tu es officiellement mon amant, donc si tu tues Caïus, les retombées seront pour moi.

-Je serais là pour te protéger, rétorqua-t-il benoitement.

-Nous ne passerons pas l'éternité ensemble, crétin de la lune ! Or, le monde surnaturel a la mémoire longue.

-Hum...

-Essaie de voir plus loin que le bout de ton nez. J'ai déjà tous les anges qui me détestent aux trousses, pas besoin d'ajouter à ça l'entièreté de notre communauté.

Il bougonna, durant tout leur trajet jusqu'à l'auberge. Là, dans la sureté de la chambre, il se laissa tomber sur le tabouret. Mince, elle ne lui avait toujours pas rendu son vêtement. À la lueur de la lune, son torse semblait fait de porcelaine, et sa chevelure d'or prenait des teintes argentées.

-Dans tous les cas, soupira Marie en lui lançant sa tunique, je te remercie. Je n'avais aucune envie de passer la nuit avec lui.

-Tu étais sa maitresse pourtant, non ? Qu'est-ce qui vous a éloigné ?

-Il veut faire des expériences sur moi, en raison de mon statut de Pécheresse.

Sortant sa tête par l'encolure de son vêtement, l'ange haussa un sourcil, avant de passer les bras dans les manches.

-Des expériences ? Je comprends mieux pourquoi tu ne voulais pas lui demander son aide. Mais, dis-moi... Je n'ai pas droit à ma récompense ?

Marie écarquilla les yeux. Il l'observait avec un petit sourire, les yeux pétillants. Elle fronça le nez.

-Très drôle.

-Je suis sérieux, pourtant. J'ai gagné le combat, non ?

En sentant son cœur se mettre à battre la chamade, Marie se morigéna. Barbatos était totalement innocent. Il y avait fort à parier pour qu'il ne se rende pas compte de ce qu'il demandait.

-Aux dernières nouvelles, déclara-t-elle, tu ne voulais rien savoir çà ce sujet.

-Peut-être, souffla-t-il en se levant, pour s'approcher d'elle près de la fenêtre. Mais, Marie... Avec tout ce que vous m'avez dit, Madeleine et toi, n'ai-je pas le droit d'être curieux ?

Passant un bras autour de sa taille, il attira la sorcière à lui. Elle sentit une bouffée de chaleur monter en elle. Attendez, c'était toujours Barbatos, ça ? Les mains sur son torse, afin de maintenir une distance entre eux, elle leva la tête vers lui et son sourire insolent. Savait-il ce qu'il faisait ?

-Tu n'as qu'à demander à Madeleine, alors.

-Même si j'ai envie que ce soit toi qui m'embrasse ?

Sacrelote ! Cette fois-ci, elle rougit pour de bon. Baissant le nez, elle remercia la lune de dissimuler sa rougeur, tout en se répétant que cet abruti ne savait pas de quoi il en retournait. Néanmoins, quand il attrapa la pointe de son menton pour la faire de nouveau lever la tête, elle se demanda sincèrement s'il était aussi innocent qu'il le prétendait.

-Marie ? Si tu ne veux pas, je ne te forcerais pas.

-Ne viens pas te plaindre si c'est désagréable, marmonna-t-elle.

L'attrapant par le devant de sa tunique, tout en se dressant sur la pointe des pieds, elle se plaqua à lui. Contre toute attente, il se laissa faire. En posant ses lèvres sur les siennes, Marie partait du principe qu'un simple bisou innocent ferait l'affaire. Néanmoins, elle ne s'était pas attendue à ce qu'il soit si chaud, si... Elle resta une fraction de seconde de trop contre lui. Se détachant de l'ange, elle détourna le regard, gênée. Avant d'émettre un léger gargouillis lorsqu'il passa une main derrière sa nuque, pour l'attirer de nouveau à lui.

Ce baiser-ci ne fut ni innocent ni chaste.

Quelques que furent ses intentions, Marie se retrouva à embrasser Barbatos à pleine bouche. Sur la pointe des pieds, elle sentit les lèvres brulantes de l'ange épouser les siennes, sa langue, timide, s'immiscer en elle. Un frisson délicieux la parcourut, tandis qu'elle se retrouvait prise au piège dans ses bras. Reprenant brièvement son souffle, elle mordit légèrement la lèvre inférieure du déchu, qui émit un grondement qu'elle n'aurait jamais pensé entendre.

Il embrassait terriblement bien.

Tant qu'elle en oublia tout ce qui l'entourait. Elle ne vit pas le regard furieux de l'ange Raphaël, qui disparut du toit de la maison d'en face avec un rugissement de rage. Tout comme elle réalisa à l'instant où elle touchait le lit, que Barbatos venait de l'y allonger.

Que... quoi ?

L'esprit engourdit, elle se demanda d'où diable pouvait bien venir cette initiative. Mais, en le sentant courbé au-dessus d'elle, elle ne put s'empêcher de sentir une montée de plaisir. Les mains toujours accrochées à la tunique de l'ange, elle se dit qu'elle avait envie de le revoir nu, comme aux thermes. De l'admirer dans toute sa beauté, et de le...

Un gémissement lui échappa, lorsqu'il effleura par mégarde l'un de ses seins.

Cela rompit d'un coup l'enchantement.

Bondissant sur ses pieds, Barbatos la considéra avec des yeux écarquillés, avant d'avoir une expression confuse en contemplant sa propre main... Et il disparut, avec un « désolé ».

Seule dans la chambre, le froid s'abattant sur son corps privé de la chaleur de l'ange, Marie resta un moment coite, avant de beugler :

-Félon de pute estrace !

PécheresseWhere stories live. Discover now